Toni en famille est le second long métrage de Nathan Ambrosioni. Ce jeune réalisateur de 24 ans s’est mis avec brio dans la tête d’une femme de 42 ans. Mère de cinq adolescents, elle décide peu à peu de reprendre sa vie en main et d’exister en dehors de sa famille, pour elle-même. Un film bouleversant, drôle, féministe et lumineux, servi par un casting cinq étoiles.
Par Sophie Deschamps
Toni en famille s’ouvre sur Antonia, dite Toni, jouée par Camille Cottin, merveilleuse de justesse. Elle attend l’arrivée de ses cinq enfants dans son Renault Espace (forcément). Ils entrent l’un après l’autre dans la voiture comme on entre sur scène : l’aînée Mathilde, puis Marcus, Timothée, le benjamin, Olivia et enfin Camille. Cinq ados que cette jeune veuve de 42 ans élève du mieux qu’elle peut. Le soir, elle chante dans le bar d’une copine sur la Côte d’Azur (c’est une ex-vedette de la Star Ac) pour faire bouillir la marmite. Seulement voilà : ses bambins grandissent à toute allure et se projettent déjà, pour les deux grands, dans leur vie d’adulte. Alors Camille qui a toujours pour les autres et n’a pas un instant à elle se met à rêver. Et si elle faisait des études pour apprendre un vrai métier ?
Toni veut exister en dehors de sa famille
Le grand mérite de Nathan Ambrosioni, qui n’avait que 21 ans au moment de l’écriture du scénario, est de nous faire partager la métamorphose de Toni. Car le propos du film n’est pas seulement de nous montrer le quotidien “pas toujours facile” d’une mère de famille nombreuse. Mais bien l’émancipation d’une femme qui veut se réaliser, en dehors de sa famille, quitte à la perdre un peu de vue parfois. Cette mère n’est pas parfaite car cela n’existe pas mais elle aime profondément ses enfants. Ce que montre la caméra qui filme avec tendresse, pudeur et indulgence les maladresses et les doutes de Toni. Ses convictions aussi quand elle chuchote dans la nuit à l’oreille de Timothée : « Tu comprends, vous êtes en train de devenir des gens super et moi j’ai envie d’être à la hauteur ». Mais le pathos qui pourrait s’installer est balayé la seconde d’après avec la réponse de Timothée, « tu sais, j’ai sommeil maman ». Des touches d’humour parsemées avec bonheur tout au long du film.
Cinq beaux portraits d’ados
Et que dire des cinq ados servis par des jeunes actrices et acteurs formidables. Ces cinq-là ont d’ailleurs toutes et tous déjà plusieurs films à leur actif. Ainsi Mathilde, l’aînée interprétée par Léa Lopez, est sociétaire de la Comédie-Française à seulement 23 ans. C’est aussi une danseuse hors pair qui interprète un magnifique solo de danse contemporaine dans le film.
Thomas Gioria joue Marcus, fou de vidéo et dont le coming out permet à sa sœur Camille, jouée par Louise Labèque de se déclarer lesbienne.
Enfin les deux plus jeunes, encore au collège, sont incarné.e.s par Juliane Lepoureau (Olivia) et Oscar Pauleau (Timothée), impeccables également.
Sans oublier Catherine Mouchet, inoubliable Thérèse d’Alain Cavalier. Elle est ici épatante dans le rôle de la mère (totalement à côté de ses pompes) de Toni.
Un film féministe
Enfin, Toni en famille aurait sûrement beaucoup plu à la grande féministe Gisèle Halimi, disparue en 2020. Elle qui préconise aux femmes à la fin d’Une farouche liberté : « Soyez égoïstes (…) Les femmes ont trop souvent le sentiment que leur bien-être doit passer après celui des autres, les parents, les enfants, les compagnons, le cercle professionnel et familial. (…) Mais rebellez-vous ! Pensez enfin à vous. À ce qui vous plaît. À ce qui vous permettra de vous épanouir, d’être totalement vous-mêmes et d’exister pleinement. »
Toni en famille dit très exactement cela et l’on est heureux que ce soit un jeune homme qui porte haut et fort ce discours… mais sans grandiloquence. En tout cas, un cinéaste prometteur à suivre.
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