“Le livre des solutions” : une comédie enlevée sur la folie créatrice

L’acteur Pierre Niney joue un personnage très proche du vrai Michel Gondry, le réalisateur. Sur un rythme soutenu, la suite de gags et de raisonnements pas si loufoques que ça nous entraîne dans une chronique très drôle de la création d’un film.

Par Bernard Cassat

Marc (Pierre Niney) et la monteuse de son film, Charlotte (Blanche Gardin). Photo The Jokers Films


Le livre des solutions
se présente comme une comédie un peu loufoque d’un réalisateur de cinéma à l’ego surdimensionné qui tyrannise son équipe, en fait réduite à deux personnes. Lâché par la production, il part avec son film et ses deux soutiens chez sa tante dans les Cévennes pour terminer le montage. Départ de film, comme de l’histoire, sur les chapeaux de roues. On entre directement dans le personnage complexe de Marc, le réalisateur joué magnifiquement par Pierre Niney. Mais il faut un certain temps pour savoir sur quel pied il danse : humour, angoisse, énergie et découragement se mélangent. Et agacement du spectateur devant ce jeune prétentieux mégalo qui se croit créateur génial non reconnu.

Un personnage profondément malade

C’est en fait sa tante, l’admirable Françoise Lebrun, qui va révéler au spectateur ce que tous les protagonistes de l’histoire savaient. Marc est profondément bipolaire. Il décide d’arrêter ses médicaments pour retrouver une créativité qui semble lui échapper. Il lui pousse alors des idées qu’il saisit à cent à l’heure, devenant de plus en plus insupportable pour son entourage. Charlotte la monteuse (Blanche Gardin) part vivre à l’hôtel pour se protéger, Sylvia la régisseuse (Frankie Wallach) essaye de supporter les demandes inopinées du réalisateur en pleine nuit.

Marc et sa tante (Françoise Lebrun). Photo The Jokers Films


A partir de ce moment-là, le film continue sur son énergie, mais prend une dimension nouvelle. Il devient une sorte d’approfondissement d’un mal, la bipolarité, qui en elle-même contient le thème de la créativité débridée d’un coté, de la feuille blanche angoissante de l’autre. Marc n’entend plus les autres, va jusqu’au bout de ses idées, ses solutions comme il les appelle, qui semblent folles pour son entourage : achat d’une ruine pour en faire un studio de cinéma, location d’un orchestre symphonique pour enregistrer la musique de son film, etc.

La puissance de certaines solutions

Ce qui amène des moments de cinéma très réussis. Cet orchestre, justement, devant qui il se présente sans aucune partition puisqu’il ne sait pas écrire la musique, mais qu’il dirige magnifiquement en dansant. C’est l’inverse de la danse habituelle : la musique suit son corps. Séquence impeccable de précision. Le complément avec Sting rappelle que Michel Gondry est un maître du clip musical, et qu’il a fait une bonne partie de sa carrière avec ceux des Stones, de Björk ou de groupes plus jeunes, The White Stripes par exemple.

Marc dirige l’orchestre. Photo The Jokers Films


Apparait alors la dimension autobiographique : Marc devient le porte-parole de Michel Gondry, notoirement bipolaire. Comme son personnage, il brasse des idées en période énergique, mais a lui aussi de gros creux dépressifs. Reste qu’il utilise ses bricolages perso pour en parsemer son film. Comme cette animation d’un renard coiffeur réalisé en papier découpé. Pierre Niney a dit que Michel Gondry avait inventé cette séquence en direct, et que lui l’avait juste reprise telle quelle.

Une joyeuse énergie

Le vécu d’une inspiration personnelle authentique se sent dans les images et enrichit la comédie de quelque chose de plus complexe et intéressant. Niney fonctionne aussi bien dans les gags que dans les affolements maladifs. Il approfondit l’ambiguïté de la création et des sorties de route, fait passer l’aura du créateur sur les autres mais aussi son insupportable tyrannie. Mais c’est la joie, la gaieté, la légèreté qui l’emportent, comme l’indique la happy end hollywoodienne. Le livre des solutions est un film étonnant et réjouissant à tous les instants.

 

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