Personnage singulier, compositeur et pianiste d’avant-garde, Erik Satie (1866-1925) est né à Honfleur, d’un père courtier maritime et d’une mère écossaise. Le musée qui lui est consacré reflète le caractère loufoque et génial de l’artiste.
Par André Degon
A la mort de sa mère, le père d’Erik Satie se remarie avec une professeure de piano à Paris qui entreprend d’enseigner à l’enfant les bases de cet instrument. Erik suit les cours du Conservatoire de Paris, et quelques années plus tard il s’installe à Montmartre. Il commence à fréquenter le milieu artistique, découvre le célèbre cabaret Le chat noir, côtoie Maurice Ravel, Debussy, compose Ogives, quatre pièces pour piano.
En 1888, il écrit ses trois Gymnopédies, rencontre Jean Cocteau, Picasso. Il collabore avec le mouvement dadaïste pour qui il compose un ballet. Personnage singulier, Satie s’intéresse à l’Ordre de la Rose-Croix, il va même jusqu’à créer sa propre église « l’Eglise métropolitaine d’art de Jésus-Conducteur ». Tout un programme !!! Réalisant qu’il n’en est que le seul fidèle, il l’abandonne. Satie rencontre en 1893 l’artiste peintre Suzanne Valadon. Après l’avoir demandé en mariage en vain, il compose pour sa « Biqui » Danses gothiques, une série de neuf pièces pour piano.
Ceci n’est pas un musée…
Original et secret, facétieux et solitaire, il accumulait avec obsession faux-cols, parapluies, pianos. Amoureux du paradoxe, il aimait dire qu’il était « venu au monde très jeune dans un monde très vieux ». Alors lorsqu’il fut question de démolir sa maison natale composée de trois bâtiments, Geneviève Seydoux, présidente de l’Association Satie-Honfleur, la racheta. A sa mort, ses enfants décidèrent d’aménager l’ensemble pour en faire un musée. Mais pas n’importe lequel. C’est ainsi que le 21 juin 1998, fut ouvert le musée Satie. Et à l’entrée, on pouvait lire cet avertissement : « Ceci n’est pas un musée…ceci dit, amusez-vous… » Pour rendre hommage à son génie artistique, le musée a utilisé le savoir-faire de Catherine et François Confino accompagnés de Patrick Abrial pour concevoir avec humour l’univers excentrique du compositeur comme base de la scénographie.
Ici, on ne visite pas effectivement, on entre dans son monde. Difficile d’imaginer ce qui se trame derrière les colombages rouge sang. Dans la première pièce, le visiteur est accueilli par une gigantesque poire articulée qui déploie ses ailes pour s’envoler avant de redescendre doucement vers le sol avec en fond musical, le célèbre « Morceaux en forme de poire ». A l’étage, après avoir entendu dans une première pièce des extraits des « Mémoires d’un amnésique » d’Erik Satie décrivant son enfance et son rapport à la musique, la visite se poursuit et débouche sur un placard débordant de faux-cols et de parapluies. La légende raconte en effet qu’après la mort du compositeur, ses amis pénétrant dans sa chambre à Arcueil trouvèrent un placard rempli de toute une collection de faux-cols et de parapluies.
La pièce suivante est faite entièrement de partitions annotées, de collages, de feuilles de bloc géantes sur lesquelles sont dessinées les meubles de son studio. Dans la salle suivante un piano à queue blanc dans une pièce blanche joue seul les Gymnopédies. Plus loin, la dernière pièce abrite un jeu de boules de billard actionné par d’énormes touches de piano et un manège grandeur nature attend que le visiteur enjambe un siège et pédale pour faire avancer en musique cet ensemble orchestral hétéroclite. Enfin la visite s’achève dans une petite salle de concert ravissante où l’on peut écouter quelques œuvres du maître.
Les Maisons Satie