Contrainte de réduire le nombre de bénéficiaires en raison de difficultés financières, l’association des Restos du cœur a lancé un appel à l’aide début septembre. En bon samaritain, Bernard Arnault n’a pas tardé pour s’afficher en sauveur, s’attirant les bonnes grâces de nombreux observateurs. [Le Billet de Joséphine]
La famille Arnault – propriétaire du groupe LVMH et de pas mal de médias dont les Echos et Le Parisien – annonce cette semaine donner 10 millions d’euros aux Restos du Cœur pour les sortir de la panade. Les médias unanimes ainsi que la fine fleur du macronisme tendance VIIIème arrondissement saluent le geste, forcément d’une flamboyante générosité, soooo chic. Unanimité peu étonnante, lorsque l’on connaît le poids du groupe LVMH en tant qu’annonceur dans la presse française (30% des recettes), les habitudes agressives du patriarche Bernard Arnault lorsqu’un article lui déplaît – il aurait selon le Canard enchaîné fait retirer 600 000 euros de pubs dans Le Monde à la suite d’un article au sujet des « Paradise Papers » où il était cité en 2017 – et des liens de Bernard Arnault avec Emmanuel Macron pour qui il a appelé à voter et dont deux de ses enfants ont eu pour professeur Brigitte Macron au très huppé Lycée Privé Saint-Louis de Gonzague.
Pour que la campagne de communication soit impeccable, on précise même que la famille Arnault n’entend pas défiscaliser son don, détail savoureux lorsque l’on connaît le goût très limité de l’auguste famille pour tout ce qui est impôts, solidarité, taxes, prélèvements d’État. D’ailleurs, depuis dix ans, Bernard Arnault enchaîne les affaires médiatico-judiciaires : demande de naturalisation en Belgique pour exil fiscal, redressement fiscal en Belgique où il déclarait frauduleusement une domiciliation, ouverture de centaines de filiales de LVMH dans des paradis fiscaux, placement des actifs de la famille dans six paradis fiscaux, manipulations répétées de sa page Wikipédia, espionnage de François Ruffin et de son journal Fakir, procédés illégaux pour mettre la main sur Hermès…
Bon, revenons à l’opération « les Arnault sont de bons Samaritains ». En réalité, rapporté à la fortune des Arnault, estimée à 238 milliards par Forbes en mai dernier, le don pour les Restos du Cœur représente un effort de… 0.004% de leur patrimoine et épargne.
Justement, sachant que le patrimoine médian des Français est de 177 000 euros et que leur épargne médiane est de 6 500 euros, si on appliquait le pourcentage de la générosité des Arnault au Français moyen, cela reviendrait à un don de 7.5 euros pour les Restos du Cœur, le prix d’un mauvais menu kebab.
Du reste, 50% des Français font des dons à des associations chaque année, pour un montant moyen de 275 euros. Autrement dit, les Français donnent donc 0,15% de la valeur de leur patrimoine et de leur épargne chaque année. Rapporté à la fortune des Arnault, cela représenterait 357 millions d’euros annuels. Et encore, pourrait-on parler d’incroyable générosité, vu que la famille serait alors juste dans la moyenne ?
Bref, tout ça pour dire que le smicard locataire qui n’a pas hérité de papa-maman et qui donne 10 balles aux Restos du Cœur est infiniment plus généreux que la famille Arnault. Sauf que dans les médias, on le présentera comme une masse informe de gagne-petit qui vit plus ou moins aux crochets de la société, profitant du ruissellement permis par nos capitaines d’industrie/premiers de cordée qui savent prendre des risques et “disrupter”, eux. Et encore, ça c’est quand lesdits smicards ne sont pas en train de foutre le bazar sur les ronds-points habillés en jaune fluo ou à péter le Fouquet’s. Fouquet’s où était d’ailleurs présent Bernard Arnault le soir de la victoire de Nicolas Sarkozy à la présidentielle de 2007 avant que ce dernier ne s’embarque sur le yacht prêté par l’ami Vincent Bolloré. Mais bon, normal, Bernard était le témoin du mariage de Nicolas en 1996, aux côtés de Martin Bouygues.
Ils sont peut-être généreux les smicards, mais ils n’ont pas les bons potes, à l’évidence.