82%. C’est le pourcentage d’électeurs de la Nupes qui souhaitent une liste d’union aux européennes l’an prochain.
Par Joséphine
Bien sûr, des écologistes et des communistes hurleront aux biais des sondages, mais se souviennent-ils que c’est sur des sondages qu’ils basent également leurs éléments de langage pour légitimer de faire des listes séparées aux Européennes ?
Bien sûr, le sondage est d’abord repris par LFI et certains y voient une sorte de stratégie du cheval de Troie pour continuer à dominer la Nupes. Probablement un peu vrai, mais les chiffres sont têtus : le PCF et EELV ont totalisé moins de voix que Zemmour à la présidentielle. Tout flamboyants leurs programmes soient-ils, il faudra quand même 51% pour gagner en 2027 et dans l’état actuel, LFI a une position centrale dans l’équation à gauche, que cela plaise ou non. Cette position a longtemps été tenue par le PS, mais ce n’est plus le cas, notamment à cause de sa droitisation pendant la phase Hollande-Valls. Là aussi, il faut en tirer les conséquences et ce travail avance au PS grâce au talent d’équilibriste d’Olivier Faure qui doit composer avec un courant très méfiant si ce n’est hostile envers l’union à l’intérieur du parti.
Une élection proportionnelle
Bien sûr des membres de l’appareil d’EELV diront que c’est une élection à la proportionnelle et que c’est leur mode électif privilégié, une liste d’union n’étant pas appropriée dans la configuration du scrutin européen permettant à chaque nuance de la gauche de s’exprimer. Mais ont-ils conscience de ce qu’est une dynamique unitaire, de l’inertie de cette construction subtile… et que l’on est en train de parler du risque majeur de victoire du RN en France en 2027, avec le danger que cela comporte pour notre implication dans l’UE ? Il n’y a pas que le Parlement européen, il y a aussi la commission et le conseil, plus puissants, et s’ils sont incarnés par un RN élu à cause d’une gauche éclatée, où passera l’idéal européen des écologistes avec un commissaire RN et des ministres d’extrême droite au Conseil de l’UE ?
Bien sûr des écologistes parleront d’énormes différences avec LFI sur le plan européen, reprenant les éléments de langage de la presse conservatrice et libérale pour affaiblir la Nupes. Osent-ils considérer que Manon Aubry, par exemple, a été une mauvaise députée européenne qui a joué contre l’UE ? On n’est plus en 2018-19 et le discours de LFI a évolué sur ces questions.
Que reste-t-il alors de tout cet argumentaire pour aller seuls aux européennes, alors que le PS et LFI si ce n’est le PCF sont prêts à faire liste unique Nupes AVEC UNE TETE DE LISTE EELV qui pourra s’enorgueillir d’avoir mené les copains vers la victoire ?
Le score de la présidentielle
Et bien c’est triste à dire, mais l’appareil d’EELV n’a toujours pas digéré son score de l’an passé à la présidentielle, avec 1.5 million de voix, soit deux fois moins qu’aux européennes de 2019 où Jadot avait totalisé 3 millions de votes. De ce fait, ils se considèrent lésés par les accords de la Nupes aux législatives de juin 2022, malgré leurs 24 députés, nombre qui aurait été bien moins important sans accord unitaire. D’ailleurs, les députés EELV ne s’y méprennent pas : eux sont clairement attachés à la Nupes, ils ont compris leur intérêt personnel et l’intérêt pour les idées qu’ils portent.
Donc, que se passe-t-il ? En fait, l’appareil d’EELV ne compte que 11 000 membres – une quantité infinitésimale si on la rapporte aux électeurs écologistes – et parmi eux, une courte majorité porte une approche d’écologie apolitique, ni de droite ni de gauche, ayant d’ailleurs donné pas mal de gens passés au macronisme avec le succès que l’on sait. D’ailleurs, aux journées d’été de LFI il y a quelques jours, le discours de Marie Toussaint, tête de liste d’EELV aux élections européennes, ne disait pas autre chose, faisant la leçon aux Insoumis au sujet de l’expression de leur colère politique et plaidant pour la douceur et le velours, précisant bien qu’elle, son sujet, c’est de s’adresser aux classes moyennes supérieures urbaines et non aux classes populaires ou à de vils Gilets jaunes roulant en diesel.
Distorsion d’âge
Il ne faut pas négliger non plus la distorsion entre l’âge moyen des membres du parti – les images des universités d’été d’EELV donnent un aperçu plus grisonnant que véritablement vert – et celui des électeurs, bien plus jeunes. Les cadres du parti, a minima quinquagénaires, restent marqués par le fait d’avoir passé leur carrière à être les auxiliaires du PS et désormais, ils pensent leur temps venu, trépignant d’impatience, voyant chaque épisode de canicule comme une prise de conscience collective qui leur ouvrira les portes du pouvoir. Il n’y a guère que quelques têtes de gondole de 30 ans qui sont mises en avant par le parti pour rajeunir son image, quitte à parier gros sur des illustres inconnu.e.s, par exemple Marie Toussaint, nommée générale en chef pour les européennes avec pour mission de rassembler les 3 millions de voix tant attendues par les écologistes. Pourtant, les jeunes militants écologistes, eux, semblent adhérer à une autre ligne, celle de l’urgence climatique et sociale, convaincus de la nécessité vitale de l’union et n’ayant pas perdu de vue les raisons de leur engagement… mais seulement voilà : ils n’ont pas les clefs du parti.
Bref, les européennes, malgré les dénégations la main sur le cœur, sont d’abord l’occasion pour l’appareil EELV de tenter de faire un score honorable et de renégocier les accords internes de la Nupes, quitte à courir le risque de rajouter une pièce dans la machine à division, à petites phrases et à rancunes, à trois ans de la présidentielle, sous le regard gourmand d’une majorité de médias qui se font une joie de moquer l’union de la gauche. Ceci offrant un boulevard à la fossilisation de la vie politique autour de l’opposition entre libéraux de type Macron ou Philippe face aux réactionnaires autoritaires de type Le Pen, enterrant la gauche keynésienne.
Pire, cette attitude d’EELV a des effets pervers non désirés, ne permettant pas de fermer le cycle des vieilles habitudes à gauche. Ainsi, à LFI, Jean-Luc Mélenchon, plus fort à défendre la retraite à 60 ans qu’à la prendre lui-même, continue de faire le jeu dans ce contexte d’impasse. Ce week-end, on a même eu le droit à une séquence lunaire où l’on a vu les camarades Mélenchon, Royal et Hamon monter un coup médiatique pour mettre la pression sur les écologistes, forçant la dynamique unitaire, quitte à donner à la chose un air de remake de congrès du PS d’il y a 20 ans. Le tout sans prévenir les cadres insoumis qui, comme Manon Aubry ou Alexis Corbière, ont semblé peu apprécier la manœuvre entre vieilles gloires socialistes.
Il semble donc que la direction d’EELV oublie qu’elle n’est pas une avant-garde éclairée qui doit de temps en temps subir l’humiliation du passage devant des électeurs qui ne comprennent pas les enjeux et qui, ô misère, n’ont jamais donné le pouvoir aux écologistes à part dans quelques villes de province. Non, les cadres politiques doivent être ceux qui mettent en discours et en stratégie les aspirations et les intérêts des gens, c’est dans ce sens que ça marche et pas l’inverse. Un parti est une expression d’intérêts, pas un club d’ambitieux qui s’entraident.
82% des électeurs de la Nupes veulent une liste unique aux européennes. Ce qui doit être fait est on ne peut plus clair.
En attendant, la gauche est prise en otage par 5 000 membres d’EELV qui ont poussé la ligne Tondelier, dans le plus total mépris de leurs électeurs. Elle est là, la réalité crue.
Plus d’infos autrement sur Magcentre : La NUPES, l’avenir du PS
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