Deux piliers portent normalement notre système de santé : l’accès de tous aux soins nécessaires d’une part et leur financement basé sur la solidarité entre bien-portants et malades d’autre part. Insidieusement ces fondements sont peu à peu sapés. La très probable prochaine augmentation des franchises médicales voulue par Bercy en est une nouvelle démonstration.
Par Jean-Paul Briand
Les premières franchises médicales ont été décidées par Nicolas Sarkozy durant l’été 2007 afin de financer un « plan Alzheimer ». Et ce n’était qu’un alibi. Dans un rapport d’évaluation de ce plan, la Cour des comptes a estimé que « le lien ainsi fait entre la mise en place des franchises et leur affectation à des actions de santé publique apparaît artificiel ».
Les « restes à charge » peuvent être particulièrement élevés
Outre les franchises médicales, depuis de nombreuses années une partie non négligeable des frais médicaux ne sont pas pris en charge par la Sécurité sociale obligatoire. Sans couverture complémentaire de nombreux « restes à charge* » doivent être payés par les familles. Ces « restes à charge* » peuvent être particulièrement élevés lorsque les tarifs conventionnels sont dépassés ou que les actes sont pratiqués en dehors de la nomenclature officielle de la Sécurité sociale. On ne cherche pas à savoir si une hausse des « restes à charge* » entraînera un renoncement aux soins pour les plus précaires. On fait semblant d’ignorer que les complémentaires santé répercuteront sur leurs tarifs l’initiative de Bercy, pénalisant encore plus les ménages modestes.
Les patients ne sont pas prescripteurs des soins qu’ils reçoivent
Le ministre de l’Économie et des Finances, Bruno Le Maire, reprend à nouveau un argument fallacieux et éculé pour justifier une hausse des franchises médicales qui ne tiennent pas compte de la gravité ou de la chronicité de l’affection en cause : « La quasi-gratuité peut déresponsabiliser le patient », accuse-t-il. Il faut donc responsabiliser les malades en taxant leurs problèmes de santé par le doublement du montant des franchises. Avec la complicité du nouveau ministre de la Santé, Aurélien Rousseau, le ministre des Finances feint d’oublier que les patients ne sont pas prescripteurs des soins qu’ils reçoivent et que les franchises n’ont aucun impact sur la consommation de médicaments, sauf pour les malades dont les revenus sont les plus bas.
La santé est devenue la variable d’ajustement du budget de l’Etat
La Première ministre, Elisabeth Borne, déclarait sans vergogne, le 23 août 2023 sur la radio France Bleu : « Il n’est pas question, ce n’est pas du tout la philosophie du gouvernement d’augmenter les impôts des ménages. Au contraire, on veut continuer à baisser les impôts en étant évidemment attentifs au pouvoir d’achat des classes moyennes ». Dans le même temps, dans le contexte inflationniste actuel où tout augmente, un doublement du montant des franchises médicales est à l’ordre du jour. Après la charge contre les indemnités journalières et les arrêts maladie et maintenant l’augmentation des franchises médicales, la santé est devenue la variable d’ajustement du budget de l’Etat, à moins que le véritable objectif soit de mettre à bas notre système solidaire de protection sociale.
Il est pourtant toujours inscrit dans le préambule de la Constitution que la Nation « garantit à tous, notamment à l’enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé »…
Plus d’infos autrement sur Magcentre : L’inquisition contre les arrêts de travail est engagée
*Restes à charge :
Les restes à charge correspondent à la part des dépenses de soins non financée par l’assurance maladie obligatoire. En France, après remboursements par la Sécu, ils représentent près d’un quart des dépenses de santé. Ils sont payés par une assurance maladie complémentaire ou par les ménages.
Ainsi pour chaque consultation à 25 €, l’assurance maladie ne rembourse pas 7,5 € (le ticket modérateur), sauf en cas d’affection longue durée (ALD). Ce montant peut être pris en charge par une assurance ou une mutuelle.
D’autres sommes sont dues et non remboursées par les complémentaires santé. Elles restent donc à la charge de l’assuré :
- Participation forfaitaire de un euro demandée pour toutes les consultations ou actes réalisés par un médecin, mais également sur tous les examens radiologiques et les analyses de biologie médicale. Elle est due quel que soit l’état du patient et le médecin consulté. Sont néanmoins exonérés les bénéficiaires de la Complémentaire santé solidaire (ex CMU-C et ACS) ou de l’aide médicale de l’État (AME), les mineurs, les femmes enceintes du sixième mois de grossesse, jusqu’au 12e jour suivant la date de l’accouchement.
- Forfait hospitalier de 20 € par jour à l’hôpital et en clinique, de 15 € par jour en service psychiatrique.
- Participation forfaitaire de 19,61 € à la suite d’un passage aux urgences non suivi d’une hospitalisation.
- Participation forfaitaire de 24 € pour certains actes médicaux lourds (actes dont le tarif est au moins égal à 120 €) sauf pour les patients en ALD.
- Franchise de 0,50 € par boîte de médicaments.
- Franchise de 0,50 € par acte paramédical.
- Franchise de 2 € par transport sanitaire.
Le montant de la franchise est plafonné à 50 € par an et par personne.