C’est le titre de l’ouvrage de Pierre-Yves Ugon, habitant de Saint-Jean-de-la-Ruelle (Loiret). Dans ce petit livre dense et précis, il nous fait part de ses réflexions sur le patriarcat ordinaire tout en donnant des pistes pour en venir à bout et instaurer des rapports plus justes entre les femmes et les hommes.
Par Sophie Deschamps
Pierre-Yves Ugon, auteur du livre “Comment en finir avec le patriarcat rampant”. Photo SD
Il est toujours réconfortant de constater que certains hommes s’emparent de la question du patriarcat et surtout le voient comme un système visant à dominer les femmes dont il est urgent de se débarrasser pour le bien de toutes et tous. C’est le cas de Pierre-Yves Ugon, 73 ans, ancien directeur des services techniques municipaux de Saint-Jean-de-la-Ruelle. Ce dernier vient de publier un essai Comment en finir avec le patriarcat rampant. Une rencontre s’imposait pour comprendre la naissance de ce texte.
Magcentre : Comment vous est venue l’idée de ce livre Pour en finir avec le patriarcat rampant ?
Pierre-Yves Ugon : En fait, c’est très ancien. Déjà ma mère me racontait que les hommes étaient tous des cochons. Elle était couturière quand elle était jeune et quand elle allait faire des robes à des jeunes femmes à domicile, elle est souvent “embêtée” par les maris. C’est quelque chose qui m’a beaucoup tourmenté en tant que garçon.
Par ailleurs, en tant que directeur des services techniques, je gagnais bien ma vie, plus que ma femme comme beaucoup de couples. Mais je travaillais énormément et je n’ai pas beaucoup vu mes enfants quand ils étaient petits. Pour moi c’était douloureux. À l’époque si l’on m’avait dit : “C’est toi qui t’en occupes et qui prends ton congé paternité”, j’aurais sauté de joie. Mais quand on me demandait de mettre la main à la pâte à la maison, je disais : “Non, ce n’est pas possible”. Je ne pouvais pas.
Donc je suis parti de mon vécu. Car dans mon métier j’avais beaucoup de comptes à rendre à la population et aux élus. Et paradoxalement, c’est ce qui me plaisait. Car comme tout ce qui se passe dans une ville a un côté technique, j’avais un excellent poste d’observation de la vie sociale. Et donc la place des femmes et des hommes fait partie des questions qui m’ont toujours intéressé.
Alors c’est quoi pour vous le patriarcat rampant ?
Déjà le patriarcat c’est ce qui existe aujourd’hui dans des pays comme l’Afghanistan et l’Iran et c’est une abomination. Ensuite, si l’on observe de près ce qui se passe en France, nos lois ne laissent pas penser que l’on est dans un système patriarcal. Or, les inégalités existent et pire elles s’aggravent. Ainsi le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes dénonce dans son rapport de début 2023 une aggravation du sexisme, qui pour moi est une dimension du patriarcat.
Comme l’est aussi la prostitution. J’ai fait mes études à Lyon et à l’époque le centre-ville était rempli de prostituées. Ça me faisait vraiment mal au cœur de voir ces filles traîner sur le trottoir. Et je me disais : “Mais quelle vie ont-elles ?”. Du coup, la loi de 2016 sur la pénalisation du client m’a vivement intéressé. Pénaliser le client bon admettons mais ça ne supprime pas le patriarcat pour autant.
On ne prend pas le problème à la racine. Parce que les jeunes filles encore aujourd’hui, quand elles parlent des garçons entre elles, elles repèrent ceux qui ont une bonne situation.
Est-ce que vous diriez que vous avez écrit un livre féministe ?
Alors, je critique certaines féministes mais bien sûr, c’est un livre féministe. Bien sûr, je ne peux pas faire autrement que de me sentir solidaire de toutes ces femmes qui luttent pour leurs droits. Mais il faut bien comprendre que dans le patriarcat les hommes n’y trouvent pas leur compte non plus comme je l’ai expliqué tout à l’heure pour mes enfants.
L’une des questions fondamentales aujourd’hui c’est celle des pensions alimentaires. Combien de femmes vivent seules avec leurs mômes sans en voir la couleur. J’entendais l’autre fois un gars qui était divorcé. Quand on lui disait qu’il devrait payer une pension, il répondait : « Ouais je devrais le faire mais certainement pas, elle n’est pas prête de la toucher ». Donc on ne résoudra pas le problème comme ça. L’État devrait créer un service pour que les femmes soient embauchées avec égalité de salaire, sur les mêmes critères que les hommes. Ça va coûter un peu à l’État mais à terme on s’y retrouvera. La cause essentielle des injustices c’est celle-là. Les femmes subissent le plafond de verre.
Il y a les coupures lors des congés maternité et parentaux. C’est la cause essentielle mais cela peut être corrigé. Ce n’est pas naturel comme je l’explique dans le livre. S’il n’y a qu’une chose à retenir, c’est que la violence des hommes n’est pas naturelle. Je comprends le combat des féministes mais combien estiment que les hommes sont violents et pervers par nature. Ce n’est pas vrai. Car c’est en passant par l’égalité économique que l’on joindra les deux bouts. Évidemment, ça ne va pas se faire tout seul mais c’est par là qu’il faut commencer.
Pour aller plus loin sur Magcentre, lire notre dossier sur le sexisme ordinaire