Le Belvédère de Saint-Benoît-sur-Loire, site de présentation historique de l’abbaye bénédictine, propose cet été une exposition sur un personnage local oublié de la Révolution française, Benoît Lebrun, architecte, industriel et homme politique, mais surtout pilleur et démolisseur des biens nationaux loirétains.
Par Gérard Poitou
Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire Portail nord cl GP
Il est des personnages que l’histoire préfère oublier, pourtant le citoyen Benoît Lebrun, en homme d’affaires avisé, voit dans la Révolution l’opportunité de développer son insatiable activité notamment en recyclant les bâtiments du clergé en sites de production commerciale et/ou industrielle, préfigurant le boom économique du XIXe siècle. Ça tombe alors bien, l’état révolutionnaire qui hérite de caisses vides, a besoin d’argent, de beaucoup d’argent, et met en vente sous forme d’assignats, les biens nationalisés de l’Eglise, puis ceux de la noblesse émigrée.
Benoît Lebrun, né en 1754 à Rouen, arrive à Orléans en 1783 avec le titre d’architecte et profite sans doute de la prospérité économique de la ville, notamment avec son industrie sucrière florissante, pour développer ses talents de “serial-entrepreneur” : en charge de l’agrandissement du quai du Châtelet après la destruction (déjà !) de la tour du même nom, il va construire dès 1790, un premier et imposant bâtiment industriel avec la manufacture de coton de la Motte-Sanguin.
Gabriel Rabigot, Vue de la filature de coton prise du côté de Saint-Loup à Orléans (détail).
1815 Huile sur toile
Hôtel Cabu, Musée Historique et Archéologique d’Orléans, Inv. 737-21614.
Mais la Révolution va sceller le destin de cet entrepreneur impétueux : la vente des biens nationaux lui offre une double opportunité en transformant ces bâtiments soit en site d’activité industrielle soit en matériau de récupération après démolition pure et simple pour de nouvelles constructions. Et la liste est longue des édifices religieux parmi les 52 églises que comptait la ville, qui subiront le “vandalisme” de Lebrun : de la tour de l’église Saint-Aignan (dont la nef avait déjà été détruite par les Huguenots) à
Saint-Pierre-le-Puellier devenue grenier à sel, en passant par l’église Saint-Michel place de l’Etape, détruite à la place de laquelle Benoît Lebrun, protecteur des arts et lettres, bâtit un théâtre. Ironie de l’histoire, ce magnifique théâtre à l’italienne sera détruit par d’autres vandales du XXe siècle pour en faire la façade de la Mairie…
L’abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire
L’activité de Lebrun ne se limite pas à Orléans : il acquiert en 1796 le château de Châteauneuf-sur-Loire dont il fait sa résidence après en avoir détruit une partie importante. Il acquiert aussi le couvent des Capucins de Saint-Jean-le-Blanc pour en faire une manufacture de porcelaine dont on peut voir quelques pièces dans l’exposition, et en 1796, c’est le couvent des Ursulines de Beaugency et l’abbaye de
Saint-Benoît-sur-Loire qui tomberont dans son escarcelle. Benoît Lebrun promet à la ville de Saint-Benoît de faire de l’abbaye un site d’activité industrielle, mais manquant de moyens, il commence par raser le couvent avant de s’attaquer à l’abbatiale dont, bon prince, il sauve les orgues en les transférant en la cathédrale d’Orléans. Finalement, l’abbatiale sera sauvée par un échange en accord avec la ville pour une autre église, l’église Saint-Sébastien qui sera elle détruite.
Personnage controversé qui a toujours sa rue à Orléans, Benoît Lebrun fut aussi l’auteur d’un projet d’hôpital innovant à la porte Madeleine d’Orléans qui ne verra le jour que quarante ans plus tard… Et l’exposition rappelle in fine qu’il faudra attendre les romantiques du XIXe siècle pour que la défense du patrimoine devienne une réalité notamment avec l’action de Prosper Mérimée.
Vandale !
Benoît Lebrun et la démolition de l’Abbaye
Le Belvédère, 55, rue Orléanaise Saint-Benoît-sur-Loire
Du mardi au dimanche, entre 10 et 13 heures et de 14 heures à 18 h 30. Exposition temporaire jusqu’au 8 décembre.
Plein tarif : 5 euros
Spectacle. La compagnie Lévriers en résidence a été invitée à créer une pièce de théâtre interactive pour faire le procès fictif de Benoît Lebrun. Elle sera jouée vendredi 1er et samedi 2 décembre, à 20 h 30, à la salle des fêtes. Une première restitution ouverte au public sera organisée en fin de résidence par la compagnie, le samedi 30 septembre,
à la salle des fêtes.
Le Belvédère
Plus d’infos autrement sur Magcentre : Romorantin : Le musée de Sologne expose Henri Hélis, impressionniste romorantinais