Si les Français n’ont jamais autant mangé d’œufs, ils ne se préoccupent pas moins de leur filière de production. Interpelés par les associations animalistes, l’État et l’Interprofession tentent de répondre aux attentes des consommateurs. Pour preuve, l’interdiction, depuis le 1er janvier, de l’élimination des poussins mâles.
Par Estelle Boutheloup
Les images et vidéos choc avaient, dès 2015, fait le tour des réseaux sociaux. Chaque année, entre 45 et 50 millions de poussins mâles sont broyés ou gazés à la naissance : eh oui, un poussin qui ne pond pas d’œufs n’est pas rentable ! « Cette pratique mondiale est liée au développement de l’élevage de volailles de chair et l’élevage de poules pondeuses pour nourrir les populations au lendemain de la Seconde Guerre », explique Guillaume Chaumet, secrétaire général du CNPO (Comité national pour la promotion de l’œuf). Mais depuis l’industrialisation intensive de l’élevage des poules pondeuses, les poussins mâles – dont la capacité à grossir rapidement pour faire la viande est trop faible – sont d’office écartés pour éviter aux éleveurs de les nourrir à perte : « Quand une poule pond beaucoup d’œufs c’est au détriment des autres critères. »
Ovosexage dès l’embryon
Mais depuis le 1er janvier, l’interdiction de cette pratique est en vigueur en France, 1er pays producteur européen avec 15,7 milliards d’œufs : une première au monde avec l’Allemagne. « En 2017, des plans de filière et des programmes de recherche ont bien été lancés pour trouver des solutions. Mais souvent, des solutions trop coûteuses dont il n’y avait pas de financements possibles. » Ainsi désormais, le sexage du poussin se fera au stade embryonnaire vers 12-13 jours d’incubation (ovosexage). Un vrai bouleversement pour les cinq couvoirs de France (un site d’élevage de reproducteurs du Loiret n’a pas souhaité s’exprimer à ce sujet pour le moment) qui devront s’équiper de nouveaux bâtiments et de nouvelles machines IRM ou spectromètres : les œufs mâles seront ainsi écartés et les œufs femelles retourneront en incubateur.
Une trahison pour L214
Pour accompagner les couvoirs dans leurs investissements, l’État financera 10,5 millions d’euros. De son côté, le CNPO prendra en charge une partie des coûts induits (leasing…) et « un accord interprofessionnel du 27 décembre 2022 oblige le distributeur à reverser une cotisation au centre d’emballage, soit environ 59 centimes d’euros pour cent œufs », précise Maxime Chaumet. Un engagement du Gouvernement et des professionnels de la filière salué par les associations animalistes avec un bémol toutefois : « Cet ovosexage avant que l’embryon ne soit sensible est une bonne chose, mais l’interdiction concerne les poules rousses et pas encore les poules blanches, souligne Brigitte Gothière, cofondatrice de L214. Ce sont encore 8,5 jeunes poussins tués par gazage. Pour nous ça reste une espèce de trahison. » Et de poursuivre : « Le sexage des canetons femelles demeure encore un problème en France, pays leader dans la production de foie gras. Et la loi ne concerne pas ces canetons femelles dont quelque 10-12 millions sont éliminés par an. »
Après la création du code imprimé sur les œufs en 2004 dans toute l’Union européenne, ou encore l’engagement de la filière en 2016 à dépasser 50 % de poules élevées en systèmes alternatifs à la cage, cette interdiction marque une nouvelle petite révolution jamais vécue dans la profession, selon le secrétaire général du CNPO. De quoi répondre aux attentes sociétales des consommateurs, de plus en plus soucieux du bien-être animal, alors que chaque Français consomme 118 œufs par an.
Crédit Photo de Une CNPO
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