La menace de perdre la notation financière AA, allouée par l’agence S&P Global Ratings, a fait réagir Bruno Le Maire, le ministre de l’Economie et des Finances. Il a décidé d’économiser au moins 10 milliards d’euros sur le budget 2024, dont une grande partie sur la Santé. La guerre aux indemnités journalières et aux arrêts maladies est déclarée.
Par Jean-Paul Briand
Aux Assises des finances publiques Bruno Le Maire ayant ciblé les dépenses de santé, la Caisse nationale d’assurance maladie (Cnam) est déterminée à durcir sa chasse aux fraudes mais aussi d’entreprendre une campagne d’intimidation sur les médecins considérés par ses statistiques comme « surprescripteurs ». Les praticiens jugés trop généreux en arrêts de travail sont sous surveillance et devront justifier leurs pratiques aux médecins contrôleurs de la Sécu. Certains toubibs seront obligés de limiter le nombre et la durée de leurs arrêts maladie sous peine de sanctions. La députée du Loiret, Stéphanie Rist, rhumatologue au CHR d’Orléans, vient au secours de sa profession en rappelant le 9 août dernier sur France Info qu’il faut surtout « améliorer la situation des personnes qui sont en difficulté au travail » et d’ajouter que « trois millions d’arrêts maladie sont pour des raisons psychiques ».
Un arrêt maladie ne peut en aucun cas servir à exprimer une protestation politique
L’arrêt de travail est logiquement prescrit à tout assuré qui se trouve dans l’incapacité de continuer ou de reprendre son activité professionnelle. Il ouvre droit à des indemnité journalières que le ministre Bruno Le Maire veut réduire afin d’alléger l’endettement de la France et conserver une bonne notation financière. La prescription d’une mise au repos doit permettre une récupération ou une guérison plus rapide, d’éviter d’éventuelles complications ou une contagion. C’est un acte médical qui s’inscrit dans un contexte social individuel et collectif et dans la relation de confiance particulière entre un médecin et son patient. Un arrêt maladie ne peut en aucun cas servir à exercer une pression sur un employeur, exprimer une protestation politique ou contourner l’interdiction de faire grève comme on a pu le voir récemment avec les collègues des policiers mis en examen suite aux soupçons de violences policières. Dans ce dernier cas, le ministre des finances, ex-élu du parti Les Républicains (LR), a été bien silencieux…
La prescription d’un arrêt de travail est un authentique acte thérapeutique
Pour un médecin, avec sa subjectivité, il est parfois difficile de déterminer si un état de santé justifie un arrêt maladie. C’est le cas lorsque les difficultés du patient, de sa souffrance, sont en partie causées par un climat délétère au sein même de l’entreprise. L’arrêt de travail peut aggraver une situation conflictuelle sans la résoudre, entraîner une éviction, empirer un isolement, déclencher une culpabilisation. A contrario, l’arrêt peut permettre d’extraire temporairement le patient de l’origine de sa souffrance, lui donner du répit, lui permettre un temps de réflexion et de reconstituer ses ressources mentales et physiques. Dans ce cas, la prescription d’un arrêt de travail est un authentique acte thérapeutique parfois stupidement considéré par l’entourage managérial ou par les organismes assurantiels comme un arrêt de complaisance injustifié.
Les abus ne représentent qu’une très faible proportion des arrêts de courte durée
Dans un rapport de 2019, fait à la demande du Premier ministre Edouard Philippe, les experts rapporteurs font des propositions afin de maitriser « l’absentéisme au travail » et rappellent que « tel ou tel intervenant ne peut être tenu, aux yeux des autres, comme seul responsable des défauts de fonctionnement du système ». Ils signalent que « les arrêts de courte durée s’avèrent quasiment toujours justifiés au moment du contrôle. Les abus existent et doivent être combattus pour des raisons civiques, mais ils ne représentent qu’une très faible proportion des arrêts de courte durée ». Ils conseillent que le contrôle des prescriptions « doit être accompagné, voire supplanté, par la volonté de faciliter le dialogue entre le médecin et son patient, et permettre au premier de mieux convaincre ce dernier de l’intérêt thérapeutique de l’arrêt ou de la reprise ».
Seules les actions préventives d’améliorations des conditions de travail et des qualités du management, accompagnées de l’acceptation de certaines aspirations telles que la quête de sens, la reconnaissance, la conciliation du temps de travail avec la vie personnelle, permettront de juguler la hausse du taux d’absentéisme.
Considérer chaque malade comme suspect de fraude et les médecins comme des pourvoyeurs d’arrêts de complaisance est inique et contre-productif.
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