[Retro] Quand l’Église maltraitait les enfants dans ses lieux de soins

C’est un témoignage accablant que livre pour Magcentre Marie-Claire Roux, 78 ans. Cette habitante de la Ferté-Saint-Aubin (Loiret) a en effet été victime et témoin, à l’âge de 10 ans, de sévices infligés à des enfants dans une institution religieuse de soins en Bretagne. 

Par Sophie Deschamps 

Marie-Claire Roux, 78 ans, témoigne des violences dans les institutions religieuses dans les années 50. Photo SD


Ne vous fiez pas à son sourire. Marie-Claire Roux, fertésienne de 78 ans est en colère depuis 68 ans contre l’Église et pour de nombreuses raisons. Mais surtout pour les mauvais traitements infligés à des enfants en 1955 dans un établissement religieux de soins breton à Pen-Bron. Un centre de soins où elle a séjourné six mois pour anorexie et tenu à l’époque par les soeurs de Saint-Vincent de Paul. Elle-même en a été une victime à l’âge de dix ans mais aussi un témoin.

Justement, son témoignage est accablant. Car ce qu’elle raconte avec précision est indigne de tout humain et encore plus de la part de religieuses et d’un aumônier. L’amônier justement qui un jour s’est permis de prendre la fillette dans ses bras tout en glissant la main dans sa culotte pour lui caresser la fesse droite. Un attouchement qui assure-t-elle n’a pas gâché sa vie. Elle ne demande pas de “réparations” pour elle mais précise qu’elle n’a jamais réussi à oublier.

Une culotte souillée sur la tête 

Puis elle évoque les sévices dont elle a été témoin : « Une fillette de 7-9 ans avait fait caca dans sa culotte. Comme punition, elle s’est retrouvée avec sa culotte souillée sur la tête et mise en faction debout sous le porche. Lieu de passage des garçons et humiliation suprême, Monsieur l’aumônier en personne ! Certes, à l’époque on ignorait  que ce relâchement des sphincters signait une profonde détresse psychologique. Mais un minimum d’humanité s’ignorait-il aussi ? Ce spectacle nous murait, nous les enfants, dans un silence total, tant il nous pesait.»

La seconde maltraitance est tout aussi glaçante : « Chaque matin, à jeun, prise rituelle d’une grande cuiller d’huile de foie de morue, heureusement suivie d’un délicieux café et tartines beurrées. Mais un matin, ma petite voisine de table a tout vomi sur la grande table. Indignée, la soeur a collecté rageusement le tout de la table au bol. Puis, lui recouvrant la tête avec une grande serviette de table, punition habituelle au réfectoire, elle l’a obligée à ravaler son vomi…Nous, petites filles autour de cette table en étions très malheureuses. Témoin, notre silence au lieu du babillage habituel. »

Deux courriers envoyés à la cellule Écoute des blessures

La petite Marie-Claire n’a jamais raconté à ses parents, très croyants, ce qu’elle a subi et vu en Bretagne. Pour les protéger dit-elle car ils étaient persuadés de l’avoir envoyée dans le meilleur endroit qui soit. Elle n’a pas fait non plus de confidences à son entourage, préférant laisser tout cela derrière elle. 
Mais quand elle a appris l’existence de la cellule orléanaise Écoute des blessures (la première de France active dès 2015) Marie-Claire prend sa plume pour « saluer le courage de cette cellule dans ce travail de recueil de témoignages jusqu’alors enfouis dans les coulisses de l’Église». Elle espère aussi susciter d’autres témoignages de maltraitances dans les institutions religieuses.

Le 22 mars 2021 elle envoie donc un premier courrier à la cellule afin de raconter « les vilaines manières de l’aumônier » mais aussi pour dénoncer « la misogynie bien-pensante de l’Église qui a gravement affecté ma vie ». Près de deux mois plus tard, elle reçoit « une réponse appropriée, quoique standard ».

Mais peu après, un membre de cette cellule lui suggère de se rapprocher du curé de la Ferté-Saint-Aubin, afin de se “réconcilier avec l’Église”. Une initiative qui heurte Marie-Claire. Cette dernière estime en effet que « ce n’est pas à moi de me réconcilier avec l’Église mais à cette dernière de se réconcilier avec ses fondamentaux que sont les Évangiles. Ainsi soit-il ! » Ce qu’elle explique dans un second courrier adressé à la cellule. Mais elle ne recevra qu’une réponse de trois lignes accusant réception de sa lettre mais aucune réponse à ses questions et interpellations.

Or, les faits décrits par Marie-Claire Roux ne sont malheureusement pas isolés. Ainsi, le 14 décembre 2022, une commission d’enquête a été ouverte à l’encontre de la congrégation Notre-Dame de Charité du Bon Pasteur, basée à Angers, dont un établissement est situé à Orléans pour maltraitance à l’encontre d’adolescentes des années 50 à 70.

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