E951, faux sucre mais peut-être vrais cancers ?

Le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) vient de classer l’aspartame comme « cancérogène possible ». C’est très probablement l’amorce d’une polémique cauteleuse entre les partisans de l’interdiction de l’aspartame, au nom du principe de précaution, et ses soutiens industriels, grands utilisateurs de l’édulcorant E951.

Par Jean-Paul Briand

Créé en 1965, le CIRC (en anglais : International Agency for Research on Cancer), dont le siège est avenue Tony Garnier à Lyon, est une émanation de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Son objectif est de « promouvoir la collaboration internationale dans la recherche sur le cancer ». Cette agence étudie les facteurs et substances qui sont susceptibles d’augmenter le risque de cancer chez l’homme.

Un édulcorant sucrant 180 à 200 fois plus que le sucre commun

Dans les monographies du CIRC, en fonction des risques de cancer, les agents explorés sont classées en quatre groupes :

  • Groupe 1 : cancérogène pour l’homme (viande transformée, alcool, amiante, benzène, rayonnements ionisants, …) 
  • Groupe 2A : probablement cancérogène pour l’homme (viande rouge, gaz d’échappement des moteurs diesel, lampe à bronzer, glyphosate, …)
  • Groupe 2B : peut-être cancérogène pour l’homme (laine de verre, styrène, gaz d’échappement des moteurs à essence, virus de l’immunodéficience humaine, phénobarbital,…)
  • Groupe 3 : ne peut pas être classé quant à sa cancérogénicité pour l’homme.
  • Groupe 4 : probablement pas cancérogène pour l’homme. 

Le E951, autrement dit l’aspartame, est utilisé depuis les années 80 comme substitut du sucre dans énormément d’aliments, de médicaments et de boissons. C’est un édulcorant sucrant 180 à 200 fois plus que le sucre commun. Il est consommé comme « faux sucre » chez de nombreuses personnes voulant diminuer leur consommation de glucose et perdre du poids.

Des travaux semblent démontrer le potentiel cancérogène de l’aspartame

Déjà, en 1996, John W. Olney et ses collaborateurs avaient publié un article sur une relation possible entre l’augmentation de la fréquence des tumeurs du cerveau chez l’homme et l’usage d’aspartame. Son hypothèse n’avait pas été confirmée par les données épidémiologiques. Depuis plusieurs années d’autres travaux de recherche sur le cancer semblent démontrer le potentiel cancérogène de l’aspartame. Ainsi l’équipe italienne du docteur et chercheur Morando Soffritti a conclu que cet édulcorant provoque des cancers chez les rats et les souris qui en absorbent régulièrement. Malgré ces travaux et compte tenu de biais expérimentaux, l’European Food Safety Authority (EFSA) n’a pas jugé utile de suspendre l’utilisation de l’aspartame. 

Le CIRC et le JECFA ont rendu leur rapport consensuel le 14 juillet 2023

En raison de la disponibilité de nouveaux résultats de recherche, l’Organisation pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) et l’OMS ont décidé conjointement de faire réévaluer les risques liés à l’aspartame. Les experts du CIRC et de l’Evaluations of the Joint FAO/WHO Expert Committee on Food Additives (JECFA) ont repris toutes les données probantes disponibles dans le monde concernant la toxicité éventuelle de l’aspartame, que ce soit chez l’animal ou chez l’homme. Au total c’est plus de 7 000 références passées en revue et 1 300 études. Après analyse et discussion, le groupe de travail CIRC/JECFA a élaboré une évaluation consensuelle globale qui a abouti au classement dans le groupe 2A du E951.

La sagesse serait de ne pas utiliser cet ersatz de sucre

La Dose Journalière Admissible (DJA) de l’aspartame, établie en 1980 par les experts de la FAO et de l’OMS, est de 40 mg/kg de poids corporel. Les estimations indiquent que les enfants consomment entre 1 et 40% de la dose journalière acceptable (DJA) et que les adultes n’atteignent pas cette DJA. Maintenant que le CIRC a classé l’aspartame comme
« cancérogène possible », que va-t-il se passer pour le consommateur ? Le CIRC précise que son classement est uniquement une estimation du danger et que l’évaluation du risque pour la population est du ressort des agences nationales ou internationales de sécurité sanitaire. La sagesse serait de ne pas utiliser cet ersatz de sucre qui n’a que peu d’intérêt pour réduire la graisse aussi bien chez les adultes que chez les enfants.

Les affrontements sur l’aspartame n’en sont qu’à leur début. Tout semble recommencer comme pour le glyphosate

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Les méfaits du glyphosate : croyance ou réalité ?

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