Invités une bonne partie de la journée de mardi par le président de la République, les maires tentent d’esquisser ensemble des solutions pour aller de l’avant. Une rencontre de plusieurs heures marquée par l’annonce d’une loi d’urgence pour reconstruire beaucoup plus vite.
Par Zoé Cadiot
« Si le Président nous accorde du temps et bien tant mieux. Cela permettra à chacun d’exprimer avec ses nuances, ses différences, ses particularités territoriales, son opinion, son analyse de la situation. C’est important », glisse l’élu de Tours, Emmanuel Denis, avant de rejoindre le perron de L’Élysée. Comme 250 autres maires dont une vingtaine de la région, touchés par les exactions et autres violences urbaines de ces derniers jours, l’homme est invité à échanger avec le président de la République. Il espère toutefois un peu plus qu’une séance de câlinothérapie annoncée, dont le programme aurait, selon plusieurs édiles, fait fuir quelque 250 maires qui « lassés des grands débats nationaux, n’ont pas souhaité venir ».
Thérapie collective
« C’est un moment de thérapie collective après une période douloureuse », poursuit le maire communiste de Grigny (Essonne), qui espère « des changements structurels des politiques publiques pour garantir la mixité sociale de nos quartiers ». Des propos partagés par le maire de Tours qui attend lui de cette rencontre « des actes pour sortir par le haut » tant la situation reste fragile. « Les raisons de cet embrasement on les connaît. Aussi, il est temps de reconstituer un vrai contrat social dans les quartiers », poursuit Emmanuel Denis qui regrette encore l’enterrement en première classe du Plan Borloo. Notamment pour les quartiers difficiles dont celui de Sanitas à Tours, qui est l’un des douze quartiers les plus pauvres de France.
Lourd bilan
Dans la cour de l’Élysée, en cette fin de matinée, les élus continuent à arriver par petites vagues, souvent regroupés par affinités politiques. Tous espèrent néanmoins qu’Emmanuel Macron « va fixer une feuille de route pour les jours à venir ». « Ce qui vient de se passer, ce sont des faits crapuleux qui appellent une réponse pénale » insiste pour sa part le maire LR de Charleville-Mézières, rallié au Président. Et comme beaucoup d’élus de droite, ils plaident pour une véritable sévérité. Depuis la mort du jeune Nahel, 17 ans, tué la semaine dernière par un policer lors d’un contrôle routier à Nanterre (Hauts-de-Seine), « le ministère de l’Intérieur fait état de 12 202 voitures brûlées, 1 105 bâtiments incendiés ou dégradés, 209 locaux de police et de gendarmerie attaqués. Sans oublier une dizaine d’établissements scolaires », décompte son collègue mosellan, qui espère, comme tant d’autres, un accompagnement financier pour les réparations de voiries et des établissements communaux.
Pic « passé » ?
Peu après midi, selon un participant, la voix du président de la République s’élève dans la salle des fêtes de l’Élysée : « Si vous êtes là, c’est que vous avez été victimes, parfois vous l’avez été de manière très directe et personnelle, vos familles et vos proches de manière intolérable et inqualifiable. Pour beaucoup d’entre vous aussi, vos agents municipaux ont été pris à partie et vos communes ont eu à vivre la dégradation des mairies, des commissariats, d’écoles », explique Emmanuel Macron, qui avec la décrue des incidents violents pense avoir traversé les heures les plus difficiles de ces derniers jours.
« Est-ce que le retour au calme est durable ? Je serai encore très prudent pour les jours et les semaines qui viennent. Mais enfin le pic que nous avons connu dans les premiers soirs est passé », précise-t-il avant d’ajouter : « C’est l’ordre durable, républicain, que nous voulons tous auquel nous allons nous atteler. C’est la priorité absolue ! ».
Loi d’urgence
Pour y arriver, le président de la République veut s’appuyer sur les élus, leurs expériences mais aussi leurs interrogations. Selon plusieurs invités, le chef de l’Etat écoute, note sur un petit carnet. La discussion va bon train. Des voix sont dissonantes. « C’est marrant quand les gens parlaient, je comprenais automatiquement s’ils étaient de gauche ou de droite », souligne un participant, qui pointe néanmoins la volonté collective d’apporter rapidement des « réponses sociales et justes ». « On a un problème de délai », confirme Emmanuel Macron qui promet aux élus présents une loi d’urgence pour accélérer la reconstruction des bâtiments, transports et mobiliers urbains qui ont été détruits pendant les émeutes. Il promet aussi un accompagnement des collectivités et des aides financières aux villes pour réparer au plus vite.
Liste des maires des communes victimes des violences urbaines qui avaient confirmé leur venue ce mardi 4 juillet à l’Élysée
- Cher (18) : Yann GALUT (Bourges)
- Eure-et-Loir (28) : Pierre-Frédéric BILLET (Dreux), Dominique SOULET (Le Coudray), Michèle BONTHOUX (Mainvilliers), Damien STEPHO (Vernouillet), Florent GAUTHIER (Lucé)
- Indre (36) : Gil AVEROUS (Châteauroux)
- Indre-et-Loire (37) : Frédéric AUGIS (Joué-lès-Tours), Filipe FERREIRA POUSOS (La Riche), Emmanuel FRANCOIS (Saint-Pierre-des-Corps), Emmanuel DENIS (Tours)
- Loir-et-Cher (41) : Laurent BRILLARD (Vendôme)
- Loiret (45) : Francis CAMMAL (Gien), Florence GALZIN (Châteauneuf-sur-Loire), Carole CANETTE (Fleury-les-Aubrais), Hervé GAURAT (Le Malesherbois), Christophe CHAILLOU (Saint-Jean-de-la-Ruelle)
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