Des pianos jouets qui font sonner Bach, une noce russe avec quarante invités. Les deux dernières manifestations du festival, étonnantes chacune à leur manière, prouvent que l’audace du programmateur peut être un formidable atout. Première mouture qui en verra une seconde l’an prochain, n’en doutons pas.
Par Bernard Cassat
L’Ensemble Staccatoy (pianos jouets), Musée des Beaux Arts cl Marie Line Bonneau
Dimanche après-midi, le musée des Beaux-Arts d’Orléans est devenu une salle de jeu. L’ensemble StaccaToy, installé dans la grande salle du XVIIIe siècle, confrontait ses pianos jouets à l’Art le plus solennel. Comme le répertoire est assez mince, les musiciens ont demandé à des compositeurs contemporains d’écrire pour eux. Leurs morceaux s’amusaient énormément avec les animaux, les œillades enfantines et les bruits divers parfaitement intégrés au son étrange de ces petits instruments. Quelques transcriptions ont fait sonner Bach avec des sons d’avant le clavecin, plus secs encore et pourtant le nombre d’instruments joués donnait une épaisseur, une envergure magnifique. L’expérience formidable a captivé le public. Le festival avait eu une riche idée de tenter cette expérience. L’originalité, la rareté et la qualité de ce concert désopilant ont montré la justesse de certains de leurs choix.
“Les Noces” d’Igor Stravinsky, St-Pierre-le-Puellier Cl Marie-Line Bonneau
Plus tard, devant Saint-Pierre-le-Puellier, Les Noces de Stravinsky ont elles aussi étonné. Sur la petite place, les chœurs et les solistes assis à des tables, devant les quatre pianos et les percussions, nous faisaient rentrer dans ces Noces russes au départ, écrites dans cette langue par Stravinsky lui-même qui partait de textes populaires. Il a ensuite traduit son texte et l’a mis en musique en France. C’est son ami Diaghilev des Ballets Russes qui l’a monté en 1923.
“Les Noces” d’Igor Stravinsky, St-Pierre-le-Puellier Cl Marie-Line Bonneau
Le soleil a donc éclairé cette Noce d’une mariée enceinte, parfaite dans l’esprit malicieux du texte, soprane accomplie par ailleurs. Le vent ne facilitait pas la tâche des chanteurs, mais toute la personnalité de Stravinsky était là. Ses rythmes forts, ses coups de tonnerre, ses tambours guerriers et ses presque dissonances, ses discussions entre instruments et ses ensembles impétueux. Les voix en extérieur ont beaucoup de mal à passer, quelle que soit leur qualité. Le vent mangeait un peu les paroles. Même les quatre pianos en étaient affaiblis. Mais ces difficultés n’ont pas entamé la puissance de cette œuvre. La quarantaine de musiciens a bien mérité l’ovation qui lui fut rendue !
“Les Noces” d’Igor Stravinsky, St-Pierre-le-Puellier Cl Marie-Line Bonneau
Les cinq jours de ce premier Grand PianO Festival d’Orléans trouvent là une fin brillante. Le bilan suivra, mais il semble d’ores et déjà que certains principes directeurs étaient solides. Cette inspiration de la Folle Journée de Nantes, par exemple, dont les deux derniers concerts sont tout à fait dignes. A voir pour 2024…
Les photos de Marie Line:
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