Alors qu’on ne l’attendait plus, Élisabeth Borne est sortie de son mutisme sur la question des rassemblements évangéliques des gens du voyage sur la commune de Nevoy. Dans une lettre adressée au sénateur Jean-Pierre Sueur, elle prie ses ministres de trouver « des solutions concrètes, afin d’accueillir le rassemblement prévu cet été sur un autre site ».
Par Mael Petit
« Notre village est sinistré, c’est une catastrophe ! » Début mai, le maire de Nevoy
Jean-François Darmois ne se refusait aucune hyperbole pour dénoncer la situation tout en déplorant l’inaction des services de l’Etat après le rassemblement évangélique de
40 000 gens du voyage sur un terrain de sa commune. Sans doute recherchait-il la réaction au plus haut sommet de l’Etat pour trouver une solution au problème devenu insoluble pour les élus locaux. Au milieu des déchets et des nuisances, on semble avoir atteint un point de non-retour entre la communauté religieuse et la commune.
La parcelle d’environ 130 hectares appartient pourtant bien aux pèlerins mais sa capacité d’accueil se limite à 20 000 personnes. L’association Vie et Lumière qui gère ce pèlerinage est de plus en plus dépassée par l’afflux croissant de caravanes et de camping-cars chaque année. Si bien que les derniers arrivants se stationnent sur les champs voisins faute de place, – les accusations de violation de propriété privée sont quand même déniées par l’association -, générant la colère des habitants d’un petit village au bord de la crise nerf. Certains ont d’ailleurs déjà franchi la frontière du supportable. C’était le cas d’un octogénaire interpellé pour avoir tiré un coup de semonce pour intimider des pèlerins présents sur son terrain. L’escalade avait pu être évitée mais les tensions et les inquiétudes restent tenaces. D’autant que le prochain rassemblement prévu début septembre fait déjà craindre le pire avec la promesse de dépasser le record des 40 000 pèlerins.
Élisabeth Borne prend son stylo
Sans véritable réponse du gouvernement sur le sujet et en dépit d’une réunion dans la matinée du 14 juin à la préfecture, les élus du Giennois s’étaient résolus à voir la situation glisser tranquillement jusqu’à la fin de l’été pour à nouveau exploser au moment des festivités. Maintes fois interpellée, voilà que la Première ministre est sortie du bois à l’orée de l’été dans une lettre adressée au sénateur PS du Loiret Jean-Pierre Sueur, dans laquelle Élisabeth Borne dit avoir chargé Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et son ministre des Armées Sébastien Lecornu de trouver « d’ici la fin du mois de juin des solutions concrètes pour accueillir le rassemblement sur un autre site ».
La délocalisation du rassemblement, un scénario plusieurs fois envisagé par le passé. Une promesse de trouver un terrain militaire désaffecté avait même déjà été faite en 2014 par Manuel Valls, alors ministre de l’Intérieur. Depuis tous les acteurs locaux attendent encore. L’association Vie et Lumière est d’ailleurs plutôt favorable à une telle solution. Bien plus qu’elle n’accepte l’idée d’une jauge fixée à 20 000 personnes, condition ferme soumise par la préfecture la semaine dernière et soutenue par les élus du Giennois et le Département. « Nous exigeons une jauge, et on n’en démord pas », appuyait avec fermeté le président du Loiret Marc Gaudet en fin de semaine. En soutien, il avait d’ailleurs décidé de retirer le vote du schéma départemental d’accueil des gens du voyage de l’ordre du jour de la dernière session du Conseil départemental.
Tout comme les élus du Giennois, lui aussi avait pris son stylo pour interpeller Élisabeth Borne sur le dossier le 12 mai dernier. Une lettre restée sans réponse. « Tant que nous n’aurons pas de retour, ce dossier restera en suspens, lâchait-il. Parce que les collectivités locales ne sont pas en mesure d’assurer seules la gestion d’un tel événement, ce n’est pas aux élus de Gien et Nevoy d’en endosser la responsabilité ». Et même si Marc Gaudet reconnaît que « Gérald Darmanin avait renforcé la présence des forces de l’ordre sur le site en mai dernier », le département du Loiret estime qu’il est impératif que l’Etat s’empare pleinement du dossier en encadrant cet événement d’ampleur « qui engendre d’importantes problématiques en matière de sécurité et de salubrité publique ».
Des demandes qui semblent finalement être remontées jusqu’aux oreilles d’Élisabeth Borne qui a pris son stylo. Un signe a donc été envoyé. Des consignes ont été passées, comme une promesse. Tout comme en 2014…
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