Le Festival de Sully offre une riche programmation pour son cinquantième anniversaire. Le vendredi 16 juin 2023, les musiques traditionnelles scandinaves ont été mises à l’honneur au cours d’un magnifique concert plein de fougue et de nuances donné à l’église Saint-Michel de La Ferté-Saint-Aubin, par The Curious Bards et leurs drôles d’instruments à cordes venus d’ailleurs.
Par Anne-Cécile Chapuis
De G à D : le hardingfele, Ilektra Platiopoulou, mezzo, Alix Boivert, violon, Jean-Christophe Morel, cistre, Colin Heller, nyckelharpa, Sarah Van Oudenhove viole de gambe. Photo AC Chapuis
Cinq musiciens, proches du public, jouent sans aucune partition ni pupitre. Ils annoncent la couleur : nous sommes en Scandinavie au XVIIIe siècle, au cœur des « musiques traditionnelles » celles qui font rire et danser et dont on ne fait pas bien la différence avec les musiques savantes tant elles sont abouties et construites.
Le concert démarre avec un enchantement de sonorités pures et résonnantes émises par les cordes frottées ou pincées. Alix Boivert, violoniste mais aussi joueur de hardingfele est à la direction. Il présente les pièces méconnues exhumées des bibliothèques et issues de ses recherches musicologiques. Après les musiques d’origine gaélique, il s’est tourné vers les pays scandinaves, dont les liens avec l’Irlande ou l’Angleterre ne sont pas absents : polskas ou polonaises, chansons, danses se succèdent en un rythme endiablé, pleines d’humour ou de nostalgie, pour raconter des histoires, évoquer les esprits, narrer des scènes de genre ou brosser des portraits plus vrais que nature.
D’étranges instruments à corde
Le programme est entrecoupé de présentations des instruments. Ainsi nous apprenons que le hardingfele, instrument joliment décoré qui ressemble à un violon, possède des cordes sympathiques en plus des quatre cordes habituelles qui résonnent à l’instar de la vielle à roue. Le nyckelharpa joué avec brio par Colin Heller, est cet instrument qui utilise un archet mais possède des clés pour construire les notes et a également des cordes sympathiques. Le cistre baroque, instrument à cordes pincées en métal d’un Jean-Christophe Morel très présent dans son rôle de continuo, est une copie d’un modèle conservé au musée de Dublin. Et la viole de gambe, magnifiquement jouée par une musicienne lumineuse, Sarah Van Oudenhove, est ici une basse de viole à cinq cordes en boyau.
Alix Boivert présente les instruments et les œuvres. Photo AC Chapuis
Tous ces instruments sonnent avec brio, grâce à des musiciens qui dansent, se regardent, échangent des clins d’œil entre eux et le public. La musique est là, avec toute sa dimension collective de fête et de passion.
Une mezzo-soprano à la voix envoûtante
Plusieurs pièces sont chantées, façon balade ou chanson, interprétées par Ilektra Platiopoulou, mezzo-soprano. Dans sa première intervention, cette soliste à la voix pure et chaude, évoque une série de portraits. C’est en norvégien, mais elle investit tellement ce qu’elle chante que l’on croit comprendre les paroles et en tous cas, l’on voit vivre les personnages qu’elle évoque. Un pur bonheur. Elle passe ensuite à l’évocation des esprits de la forêt ou ceux de la mer, enchaîne avec des chants de taverne et peut tout autant émouvoir avec une chanson médiévale démarrée a capella depuis le fond du chœur.
Des musiciens en pleine connivence. Photo AC Chapuis
Le public est sous le charme et applaudit longuement l’ensemble qui ne se fait pas prier pour reprendre deux pièces du répertoire.
Des prolongements
The Curious Bards existent depuis 2015. Ils viennent de plusieurs régions de France et se sont rencontrés pour la plupart au cours de leurs études ou grâce à leur passion commune pour ce répertoire original qu’est l’univers des musiques traditionnelles. Ils ont déjà enregistré deux albums : (Ex)tradition, paru en 2017 et Indiscrétion en 2023. Prochainement, un enregistrement des musiques scandinaves devrait voir le jour sous le titre « Sublimation ».
Et Alix Boivert d’encourager : « Soutenez-nous, écoutez-nous, mais jouez aussi notre musique ! » Une partition a été éditée en 2021 aux Editions des Abesses, reprenant les fac-similés des airs écossais et irlandais issus des bibliothèques nationales de ces deux pays.
The Curious Bards apportent une connaissance et une ouverture sur ces musiques traditionnelles qui méritent d’être mieux connues et, à tout le moins, font passer d’excellents moments musicaux à qui vient les entendre !
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Pour les prochains spectacles :
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