Par Patrick Communal, ancien avocat du Barreau d’Orléans
Nous avions évoqué, dans une tribune publiée le 23 avril dernier, la mesure de suspension d’une durée de deux mois, prise par la présidente du FRAC Centre Val de Loire, Carole Canette, à l’encontre de son directeur Abdelkader Damani dans l’attente d’une enquête administrative interne.
Abdelkader Damani a saisi la juridiction administrative de deux requêtes, un référé visant à obtenir la suspension immédiate de la décision qui le frappe, et un recours pour excès de pouvoir pour demander son annulation. Cette seconde requête développe un argumentaire de faits et de droit fondé sur l’inexactitude matérielle des faits invoqués pour justifier la mesure de suspension et des irrégularités de procédure. Il faut préciser que le référé administratif, qui est une procédure d’urgence à juge unique, doit toujours être accompagné d’un recours sur le fond permettant au juge appelé à statuer sur la demande de suspension de vérifier si la demande est sérieuse. Pour obtenir par référé la suspension d’une décision administrative deux conditions doivent être remplies ; en premier lieu, la requête doit se fonder sur l’urgence, c’est-à-dire quand la mesure contestée occasionne par exemple un trouble grave à l’ordre public qu’il convient d’interrompre ou que le requérant subit un préjudice personnel excessif ; en second lieu, il doit exister un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée. Le juge est supposé vérifier ces deux points mais le plus souvent, si l’urgence n’est pas établie, il n’examine pas l’existence de ce doute sérieux et renvoie l’affaire à la juridiction de fond, qui statuera en formation collégiale composée de trois magistrats et d’un rapporteur public.
Un recours pour excès de pouvoir
De ce fait, il est fréquent qu’une requête en référé soit rejetée mais que le requérant obtienne gain de cause quand la décision contestée est finalement annulée dans le cadre du recours pour excès de pouvoir. C’est ce qui vient de se produire dans l’affaire qui oppose Abdelkader Damani à Carole Canette ; par ordonnance de référé du 11 mai 2023, la juge des référés du Tribunal administratif d’Orléans rejette la requête de Monsieur Damani au motif que la mesure de suspension qui le frappe étant prise avec maintien de sa rémunération, l’urgence de la demande n’est pas établie. La juge conclut qu’il n’y a pas lieu dans ces conditions d’examiner l’existence d’un doute sérieux sur la légalité de la décision attaquée, laquelle sera examinée par les juges du fond. C’est donc sans doute dans quelques mois que nous saurons véritablement si la décision prise par Carole Canette était ou non illégale.
Trois démissions du CA
La mesure de suspension prise à l’encontre du directeur du FRAC était prise pour une durée de deux mois, le temps nécessaire à l’enquête administrative interne diligentée par la présidente et conduite par une avocate, semble-t-il prestataire du Conseil régional, mais quand l’intéressé, à l’expiration du délai s’est présenté dans les locaux du FRAC, il a été invité, par Carole Canette à rentrer chez lui. Les membres du Conseil d’administration ont reçu une convocation dont l’ordre du jour prévoit rétroactivement la prolongation de la suspension d’Abdelkader Damani. C’est cette convocation qui provoque une grave crise interne et la démission de trois membres du conseil d’administration qui ont co-signé le 6 juin une lettre adressée à la présidente du FRAC et aux administrateurs.
Dans ce courrier rendu public, Pierre Oudart, Antoine Réguillon et Christian Ruby, déclarent qu’ils considèrent très négativement les procédures qui sont lancées depuis plusieurs mois au sein du FRAC et rappellent qu’ils ont maintes fois exprimé leur désapprobation. Ils ne souhaitent donc pas être mêlés en aucune manière à une série d’actions qu’ils jugent aventureuses pour les salariés du FRAC, dangereuses pour la fonction de direction d’une telle institution culturelle et préjudiciables à l’intérêt public ainsi qu’aux finances publiques.
Les signataires ajoutent que la demande d’une réunion le 14 juin prochain avec pour seul ordre du jour la prolongation de la situation présente que tout le monde reconnaît catastrophique les incitent à ajouter des motifs de retrait devant ce qu’envisage la présidente.
Cette suspension renouvelée, précisent-ils, cache mal une sanction disciplinaire déguisée qui n’a pas été prononcée dans des formes juridiques acceptables.
« … L’enquête, menée sur fonds publics, est commanditée par le Conseil régional qui n’a pas compétence pour payer une telle enquête relative à une personne morale qu’il finance mais qui est une personne morale distincte et non un service intégré ;
La forme de la convocation de l’avocate qui conduit l’enquête comprend des erreurs manifestes et nous parait tout à fait contestable, confuse à tout le moins pour les agents de l’EPCC FRAC Centre Val de Loire, et intimidante à leur égard.
Il y a donc pour nous un doute sérieux sur l’impartialité et la loyauté de l’enquête, celle-ci n’ayant pas été mandatée sur la base d’un cahier des charges transparent présenté au Conseil d’administration de l’EPCC FRAC Centre Val de Loire pour validation.
Nos soupçons de harcèlement moral à l’encontre de la personne de Monsieur Damani, auquel nous apportons notre soutien, se renforcent et nous ne souhaitons pas être parties prenantes des suites éventuelles qui pourraient être données à tout cela… »
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