Le 25 avril 2023, durant sa visite à la maison de santé pluridisciplinaire de Vendôme, Emmanuel Macron avouait : « Nous sommes au bout d’un modèle ». Auparavant son Ministre de la santé annonçait « Tout notre système de santé est à bout de souffle ». Deux auteurs conseillent dans un livre récent « pour sauver le système, écoutons le terrain ».
Par Jean-Paul Briand
Dans leur ouvrage « Notre santé est en jeu », Florence Boulenger et David Ghesquières ont recueilli les propos de 40 personnalités du monde de la santé pour comprendre les causes du déclin du modèle français en matière d’accès aux soins. Parmi ces personnalités, on retrouve des soignants de base, des responsables d’ordres professionnels, des syndicalistes, des chefs de service, des pharmaciens, des sociologues, des responsables d’associations de patients, ainsi que des administratifs de haut rang et des élus dont la députée du Loiret, Stéphanie Rist.
Le constat est banal, convenu mais surtout incomplet
Les diagnostics proposés par les interviewés rappellent une fois de plus les dysfonctionnements connus du système de santé français. Sans surprise ils dénoncent le manque de médecins et la désertification médicale avec de nouvelles générations de praticiens qui réclament une meilleure qualité de vie. Ils citent le manque de reconnaissance financière pour tous les soignants, la dégradation de leurs conditions de travail, l’excès de bureaucratie, ainsi que la mauvaise répartition géographique des professionnels. Le pouvoir excessif des médecins et leur résistance au transfert de compétences sont également critiqués.
Ce constat est banal, convenu mais surtout incomplet. En effet, les difficultés financières d’accès aux soins ne sont jamais évoquées par les personnalités interrogées. Le « reste à charge » (RAC) est pourtant une cause fréquente de renoncement aux soins. Le RAC correspond à la somme restant à la charge des familles après les remboursements de l’assurance maladie. Si le patient n’est pas couvert par une complémentaire santé, il doit assumer la totalité du RAC, qui inclut les participations financières de la Sécurité sociale (ticket modérateur, forfait hospitalier, etc), les tarifs libres de certains produits (notamment en optique, audio et dentaire) et les dépassements d’honoraires. Les dépassements d’honoraires ont atteint 3,5 milliards d’euros en 2021.
Silence sur les obstacles financiers d’accès aux soins
Étrangement, aucun des 40 interviewés n’a évoqué les entraves financières d’accès aux soins dans leurs propositions d’améliorations du système de santé. Pourtant cette problématique a débuté en 1958 avec « la loi Debré » autorisant un secteur privé dans les hôpitaux publics. Elle a été renforcée en 1980 avec la création du « secteur 2 » permettant aux médecins de dépasser les tarifs conventionnels. De plus, une ordonnance de mars 2021 autorise désormais tous les praticiens hospitaliers, sans condition d’ancienneté ou de titre, d’exercer en libéral au sein même de l’hôpital.
Il est regrettable que des personnalités telles que le député Guillaume Garot, engagé contre les inégalités en matière d’accès aux soins, ou Gérard Raymond, président de France Assos Santé, l’organisme de défense des patients, n’aient pas évoqué ces concessions délétères. En effet, le RAC à la charge des ménages a été évalué à 15,8 milliards d’euros en 2021. Un sondage commandé par France Assos Santé en 2019 révélait que 41% des répondants avaient renoncé à des soins en raison d’un RAC trop élevé. De son côté, Thomas Fatôme, directeur de la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM), aurait pu dénoncer les dépassements d’honoraires abusifs, d’autant plus que le décret n° 2020-1215 du 2 octobre 2020 lui confère le pouvoir de les sanctionner.
Pourquoi, dans le livre « Notre santé est en jeu » un tel silence sur les obstacles financiers d’accès aux soins ? Pourquoi proposer uniquement des rustines usées et vaines pour un système déclaré en phase terminale ?
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