Science, subtilité, humour, élégance et cocasserie. Tout récemment, c’est avec une délicieuse faconde que Marc Baconnet a tenu, à l’auditorium du Musée des Beaux-Arts d’Orléans, une conférence publique de l’Académie d’Orléans sur le thème « Les métamorphoses de la langue et de l’orthographe françaises, des origines à l’écriture inclusive (813 – 2023) ».
Par Jean-Dominique Burtin
Ecrivain, Doyen honoraire de l’inspection générale des Lettres, Président de l’Académie d’Orléans (2013-2019), Marc Baconnet ouvre son propos en faisant référence à “J’apprends l’orthographe”, manuel de la fin du XIXe / début XXe paru chez Hachette dont il souligne l’attitude de deux enfants qui figurent en couverture. Songeurs, ils ne font preuve d’aucune honte, d’aucune terreur mais d’étonnement et d’incompréhension devant ce qui leur arrive, à savoir devoir jongler avec l’orthographe de la langue française.
Plus d’une heure passionnante, Marc Baconnet nous emporte à la découverte du charme de notre orthographe et d’une aventure qu’il fait vivre en évoquant son évolution, ses questionnements, ainsi que ses hauts et ses bas. Avec l’élégance d’un baladin et d’une voix des plus suaves, l’écrivain évoque entre autres le Concile de Tours, baptême de la langue française où l’on abandonne le latin pour donner ses lettres de noblesse à la langue vulgaire, mais aussi les Serments de Strasbourg, l’évocation de la féminisation des noms de fonction et de métier jusqu’à l’écriture inclusive.
Loin du cours magistral, Marc Baconnet enchante son auditoire en élargissant comme universalisant son propos. Dès lors, voici qu’est évoqué le travail du temps, celui des copistes œuvrant sous la dictée, voici la Cantilène de Sainte Eulalie, voici le séisme qu’occasionnent l’invention de l’imprimerie et la nécessité de la grammaire.
Et Marc Baconnet de citer Dominique Bouhours, son dit de 1671, celui d’un théoricien du classicisme : « Rien de plus juste, de plus propre et de plus naturel que le langage de la plupart des femmes françaises. » Mais voici qu’il cite également Nicolas Beauzée, membre de l’Académie française et dont Diderot fait l’hommage. Las ! Selon Beauzée, en 1767 : « Le genre masculin est réputé plus noble que le féminin à cause de la supériorité du mâle sur la femelle. »
« Ça y est, cette fois le mal est fait », déclare alors, dépité, Marc Baconnet juste avant de poursuivre : « Finie l’extrême prudence des grammairiens ! » Et le conférencier de continuer de surprendre et de captiver avec fraîcheur son auditoire en rappelant que, conformément à l’annonce faite au Journal Officiel du 6 décembre 1990, contrairement à ce que l’on peut souvent lire sur les étals, oignon doit désormais s’écrire ognon. Règles du participe passé, complexité des homophones ou vingt-huit graphies de la langue française pour écrire le son “in” sont encore au menu de cette conférence. Qui n’omet pas de revenir sur l’écriture inclusive et « ses signaux impraticables ». Dont acte.
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