« Les articles sur les femmes ont des biais de contenu sur Wikipédia »

Face à la minorité de femmes représentées sur Wikipédia, le collectif francophone les sans pagEs a vu le jour en 2016. Il a fait étape ce 3 juin 2023 au CRIJ à Orléans avec la tenue d’un atelier pour former des contributrices averties. Entretien exclusif avec la créatrice de ce collectif, Natacha Rault.

Propos recueillis par Sophie Deschamps 

Les sans pagEs, collectif francophone pour une meilleure représentation des femmes sur Wikipédia.

Les sans pagEs, collectif francophone pour une meilleure visibilité des femmes sur Wikipédia. Illustration extraite du fanzine de 2021.


En 2023, sur 100 personnes présentées dans les colonnes de Wikipédia, on compte seulement 19 femmes et 81 hommes. Une inégalité criante qui a abouti à la création en juin 2016 d’un collectif francophone, les sans pagEs, dirigé par Natacha Rault. Elle a animé ce samedi 3 juin 2023 au CRIJ à Orléans un atelier d’écriture pour Wikipédia en compagnie d’une dizaine de participantes. Auparavant, elle a bien voulu répondre aux questions de Magcentre.


Magcentre : Natacha Rault, comment est né ce collectif ?


Natacha Rault : En fait, c’est la fondation suisse 
Émilie Gourd qui a mandaté en 2015 le service égalité de l’université de Genève pour faire une conférence sur le gender gap, le fossé des genres. C’était suite à un article en 2011 du New York Times qui disait : « Pour comprendre ce qu’est le fossé des genres, regardez la liste des contributeurs de Wikipédia ». Le constat c’était qu’il y avait 80 à 90% d’hommes qui contribuaient et donc très peu de femmes. Du coup, ça influait forcément sur les sujets. On avait par exemple tous les joueurs de foot de seconde zone mais il nous manquait des ministres femmes, des historiennes, des femmes scientifiques… Et surtout, il manquait des femmes guerrières, diplomates, des femmes avec des fonctions religieuses importantes et pas seulement dans le catholicisme. En revanche, pour les mannequins, on a un fossé des genres inversés. Pour les actrices, c’est toutefois assez équilibré. 

Donc, suite à la conférence tous publics de l’université de Genève, on a commencé à animer des ateliers. Par ailleurs, le quotidien suisse Le Temps a aussi titré le 1er octobre 2015 « Comment féminiser un village de schtroumpfs ? » 

Le projet les sans PagEs a été fondé, lui, en juin 2016 avec la mise en ligne d’une page sur Wikipédia suivie de la création d’une association en février 2017 afin de lever des fonds pour financer nos activités. Et suite aux ateliers suisses, on est parties en faire en France afin de former des contributrices ad hoc, comme celui de ce samedi à Orléans.


Votre objectif est donc d’inciter les contributeurs femmes et hommes à écrire plus d’articles concernant des femmes ?


Oui et non (rire). En fait, le fossé des genres s’exprime de différentes manières. Certes, on manque d’articles de femmes. Mais certains de ces articles ont des biais de contenu. Ils sont notamment moins développés. Il y a en aussi moins aussi parce qu’il n’y a pas beaucoup de médias qui font des articles de synthèse sur des femmes. Il y a des interviews mais nous ne pouvons pas les prendre dans nos critères d’admissibilité. Ce sont des sources primaires. Or, il nous faut vraiment des personnes qui fassent des travaux de recherche et de documentation sur des femmes remarquables. Sans cela, nous ne pouvons pas les mettre parce que Wikipédia est une encyclopédie, elle répertorie les contenus déjà notoires. Donc, si la presse, les livres et la recherche ne parlent pas des femmes, nous, on ne peut pas. 

« On appelle encore beaucoup les femmes par leur prénom »


À côté de cela, les articles concernant des femmes ont un langage problématique. Elles sont plus décrites par rapport à leurs relations personnelles et affectives avec les hommes. On trouve les mots, femme, mère, enfant, mari, mariage, beaucoup plus souvent dans un article de femme. Et si, par exemple, le compagnon est aussi sur Wikipédia, on ne va pas retrouver ces termes dans sa biographie. On appelle également encore beaucoup les femmes par leur prénom. C’est pour toutes ces raisons qu’une contributrice de Nantes a fait une recommandation sur Wikipédia sur comment bien écrire à propos des femmes.

Idem pour les CV qui ne sont pas du tout intéressants car trop académiques. Et ce qui manque ensuite, c’est sur quoi portent leurs recherches tout en rendant l’article accessible. Enfin, il nous manque aussi beaucoup d’illustrations


Êtes-vous satisfaite du parcours effectué depuis 2017 ?


Oui, il s’est passé beaucoup de choses en six ans. Un parcours avec des hauts et des bas que nous avons documenté dans un fanzine publié en 2021. On a créé des régionaux un peu partout à Paris, Toulouse, Marseille, Limoges, dans le Valais en Suisse, à Liège en Belgique et à Tunis. Depuis deux ans on a même un groupe du Bénin très très actif et beaucoup de pays africains qui ont embrayé, notamment la Côte d’Ivoire. Mais aussi en Haïti. Il nous manque encore le Québec. On est donc très clairement sur une perspective francophone. 


À lire aussi sur Magcentre : Notre dossier sur le sexisme 

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