Grâce aux retraites, les syndicats signent leur acte de renaissance

Au sortir du franc succès des trois derniers mois de mobilisation contre la réforme des retraites, les syndicats apparaissent revigorés après des années moribondes minées par les divisions. Une légitimité restaurée à la faveur d’une unité de l’intersyndicale retrouvée. Mais pour combien de temps encore ?

La Rédaction


Un véritable retour en force sur le devant de la scène du combat social.
 Le mouvement syndical connaît un regain de vitalité depuis le 19 janvier, date de la première journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Confirmé par un 1er mai qualifié
« d’historique » par les syndicats, le million rêvé n’a pas été atteint certes, mais l’effet escompté d’une démonstration de force était lui bien réel.
 Côté chiffre, on n’avait pas vu telle mobilisation pour la Journée internationale des travailleurs depuis 2002.

Il faut dire que depuis le début de ce mouvement social contre la réforme des retraites, les organisations syndicales ont repris les premiers rôles, redorant un blason devenu poussiéreux, souillé par des guerres intestines empoisonnant la dernière décennie. Elles avaient même été disqualifiées un temps des luttes sociales lorsque le mouvement des Gilets jaunes était apparu en 2018. Alors jugés moribonds et en perte d’influence, les syndicats peinaient à reconquérir leur place et leur légitimité.

Mais avec une intersyndicale forte retrouvée, ces trois derniers mois lui a permis de mobiliser en masse afin de retrouver non seulement une crédibilité aux yeux de l’exécutif, mais aussi et surtout la possibilité d’entraîner un mouvement de contestation derrière une revendication simple, symbolique et lisible pour les manifestants : le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans.

Ainsi les syndicats se positionnaient comme le premier acteur d’opposition au gouvernement, en comblant l’impuissance politique marquée par le recours au 49-3 couplé au manque d’unité dans la stratégie employée par la Nupes et celle d’obstruction de La France insoumise (regrettée publiquement par les syndicats) lors des débats parlementaires. Sans oublier le mutisme du second bloc d’opposition que représente l’extrême droite en adoptant une posture attentiste relevant du s’opposer sans manifester.

L’intersyndicale unie en tête de cortège lors de la manifestation du 1er mai à Orléans – Photo Marie Line Bonneau

L’unité syndicale a tout changé

Naturellement, les Français majoritairement opposés à la réforme ont considéré l’attitude des syndicats plus responsable, confortant leur crédibilité en tant que porte-parole de leurs revendications. « Les organisations syndicales ont réussi à montrer un nouveau visage qui nous a permis de retrouver une légitimité et la confiance des travailleurs et salariés. Clairement, l’unité syndicale y est pour beaucoup », pense Laurianne Delaporte porte-parole départementale FSU 45. 

Et c’est bien l’élément qui a tout relancé. Douze ans que l’on n’avait pas vu une intersyndicale aussi soudée adoptant une stratégie commune militant en front uni. Visible dans tout le pays, au sein de chaque manifestation en région, ils n’ont pas manqué d’afficher à chaque journée de mobilisation cette unité à l’avant des cortèges. 
« L’intersyndicale a permis une mobilisation massive des Français y compris dans des petites villes de la région, ce qui constitue un fait sans précédent », note Christine Bariaud de la CGT 41.
 

En effet, beaucoup de villes de la région Centre-Val de Loire ont battu des records de mobilisation et retissé le fil du syndicalisme parfois effiloché sur certains territoires comme le constate Pierre Lemmet, secrétaire général FO du Cher. « Les rassemblements contre cette réforme sont probablement les plus importants que le département n’ait jamais connu. Et encore, si on n’était pas dans une période d’inflation, on doublait de volume. Ce n’est pas commun d’avoir jusqu’à 12 000 manifestants dans les rues de Bourges ». 
Des scores rendus possibles grâce à une continuité des actions tout au long du mouvement.
 Mais encore fallait-il se retrouver autour de la table et se mettre d’accord dès janvier. « Même si les syndicats ne sont pas tous d’accord sur les retraites, un consensus existe sur le refus des 64 ans et des 43 annuités », rappelle Christine Bariaud 

Chacun a su donc mettre de côté les nombreux désaccords qui pouvaient par le passé mettre à mal une volonté de travailler ensemble même si, du côté de certains on ne le cache pas, « ça a pas mal tangué de droite à gauche pendant ces trois mois » avec des divergences de stratégies entre syndicats plus ou moins offensifs dans les actions. « Mais ça a tenu malgré les turbulences. Les réputés moins contestataires ont même pris la parole et des initiatives dès les premières réunions au début du mouvement. Nous n’avions jamais connu ça, une intersyndicale aussi longtemps soudé. En cela, cette mobilisation est historique et ces nouveaux liens noués entre syndicats, ça ne s’effacera jamais », se réjouit David Sempé délégué Solidaire 45. « Avant le mois de janvier, on ne se voyait presque pas. On se croisait et c’était tout, appuie Caroline Blot, secrétaire générale CFDT Loiret. Alors que maintenant, on est vraiment très liés, on fait toutes nos actions ensemble et cela permet d’oublier les querelles du passé ». 

Hausse des adhésions

Si les retraites ont permis de fédérer l’ensemble des organisations syndicales, elles ont été l’occasion pour certaines, habituellement plus mobilisées sur des combats plus ciblés, de montrer haut le drapeau dans les territoires ruraux. C’est le cas de Confédération paysanne focalisée ces derniers mois notamment sur l’enjeu de la gestion de l’eau mais qui n’a pas hésité à rejoindre l’intersyndicale malgré les contraintes logistiques. 
« Ce n’est pas toujours facile de participer à toutes les réunions car il faut venir de nos campagnes à Châteauroux, concède Robin Doublier porte-parole dans l’Indre, mais les moyens de communication modernes permettent de garder le contact.
 Faire partie de cette intersyndicale a permis de renforcer les liens avec les membres des autres fédérations et notre capital sympathie s’est accru auprès de nos collègues ». 

Et sur ce point, les syndicats en ressortent vraiment gagnants. Une image redorée qui a entraîné un sursaut des adhésions relevé par plusieurs antennes départementales. La CGT observe ainsi de « nombreuses demandes depuis janvier » alors que la CFDT enregistre
« 65 nouveaux adhérents par semaine dans la région » avec des profils très différents qu’il faudra pérenniser.
 

C’est ici toute la difficulté finalement puisque l’intersyndicale n’a glané, faut-il le rappeler, qu’une victoire symbolique des idées, échouant à obtenir le retrait de la réforme ou une quelconque concession de la part du gouvernement. L’embellie des syndicats tient essentiellement sur la durable volonté unitaire de l’ensemble des organisations. Fermes jusqu’à maintenant quant à l’ouverture de négociations conditionnées au retrait préalable de la réforme, voilà que certains envisagent désormais de répondre favorablement à la nouvelle invitation formulée par Matignon vendredi dernier. Le début de la fin pour l’indispensable intersyndicale ? Déjà que la décision du 6 juin, date de la prochaine journée de mobilisation, ne fait pas l’unanimité en coulisses…

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  1. Franc succès écrivez-vous en introduction. Je croyais que le gouvernement n’avait pas reculé sur la réforme ! Sur le reste, l’apparente union ne tardera pas à exploser. Comme pour la Nupes, l Il ne suffit pas d’attirer du monde dans les rues et de taper sur des casseroles pour faire comprendre les enjeux et proposer un projet politique et syndical appuyé sur une réelle pédagogie. Ultime question : comment lutter contre une réforme des retraites en exigeant le maintien de la retraite à 62 ans que nous avons combattue fortement et logiquement il y a quelques années ?

  2. Le défaut d’unité a effectivement nui aux syndicats, mais la desindustrialisation du pays et le de tricotage du code du travail par les gouvernements qui se sont succédé depuis une trentaine d’années y ont également contribué.

  3. Comment « tourner la page » ? La retraite à 60 ans a duré 27 ans, de 1983 à 2010, la retraite à 62 ans 13 ans, de 2010 à 2023 et la retraite à 64 ans vient d’être imposée dans les conditions honteuses que l’on sait et certains déclarent déjà qu’elle sera insuffisante. Ceci pour dire que les « amis de Macron » qui souhaitent l’emporter à la prochaine présidentielle face aux candidats RN ou LFI ont comme projet de reculer encore l’âge de départ à la retraite et j’en veux comme exemple Édouard Philippe et sa retraite à 67 ans. Dans ces conditions la page ne peut être tournée car la retraite à 64 ans aurait à la rigueur pu être acceptée si elle avait été adoptée dans des conditions normales mais surtout si l’on avait eu la certitude que l’âge resterait inchangé pendant des décennies, ce qui n’est pas le cas. Le sujet est important, si important qu’il a conduit Macron, qui ne pouvait être réélu, a sacrifier son image pour imposer sa réforme par 49.3. Et en 2027 ou peut-être avant, il n’y aura comme choix que de voter pour un candidat macronien qui souhaitera encore reculer l’âge de départ ou pour les candidats extrêmes (RN ou LFI) qui eux sont contre mais qui sont dangereux. Je souhaiterais donc qu’un candidat modéré, sorti de nulle part et opposé à l’augmentation sans fin de l’âge de départ à la retraite, se présente et que, si le reste de son programme convient aux Français, qu’il puisse l’emporter contre les partis extrêmes et contre le candidat des « amis de Macron ».

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