Jardins de Chaumont : le dérèglement climatique sous de verts auspices

Le Domaine ligérien (41) invite chaque année petits et grands à réfléchir sur notre monde à travers des expressions d’art contemporain dans son château. Mais également via des balades et discussions dans son parc. Depuis le mois d’avril, le Festival international des jardins met ainsi en exergue, dans sa 31e édition, des solutions de résilience dans un climat planétaire qui surchauffe.

Par Emilie Rencien

Si sa saison d’art a débuté le mois dernier, permettant à quinze styles et talents connus ou moins célèbres de se dévoiler (Alechinsky, Lionel Sabatté, Claire Morgan etc.), le Domaine régional de Chaumont-sur-Loire est aussi et surtout connu pour son traditionnel Festival des jardins depuis 1992. Le public peut justement découvrir, depuis le 5 avril et jusqu’au 5 novembre 2023, 20 créations végétales, éphémères et résilientes, sélectionnées par un jury, et nées d’imaginations de diverses nationalités (France, Grande-Bretagne, Finlande Inde, Chine, etc.). 

Cinq cartes vertes sont en sus données sur place à des personnalités qui n’affichent de prime abord pas une main forcément verte et pourtant, les domaines de pensées parviennent à se croiser dans ce décor fertile : par exemple, il est possible de flâner dans le jardin de la philosophe Cynthia Fleury, que certains connaissent pour ses livres et/ou ses chroniques sur France Inter, qu’elle a sorti de terre en compagnie du designer Antoine Fenoglio, autour de dix éléments fondamentaux au bien-être ; de se perdre dans la jungle luxuriante en pots de l’artiste réputé et nantais Evor ; ou encore, de se relaxer dans les nids très “Instagrammables” de la diplômée en art environnemental, Catherine Cocherel. 

Comme à l’accoutumée, Chaumont joue son rôle de laboratoire, voire plus encore. Souvent, d’ailleurs, les visiteurs y glanent des pistes originales qu’ils reproduisent ensuite parfois dans leurs propres espaces verts, une fois rentrés à leurs domiciles. Mais la réciprocité est vraie : aujourd’hui plus qu’hier, face au changement climatique, Chaumont puise son inspiration dans une société tourmentée.

La « carte verte » humaniste de Cynthia Fleury, entre livres, silences, nuages, soins aux morts – Emilie Rencien

La résilience pour moteur de survie …

L’idée de cette nouvelle édition établit de fait à nouveau un pont entre passé, présent et futur, en exposant des innovations expérimentales, qui se réaliseront ou non, tout en remettant sur le devant de la scène des gestes de nos aïeux oubliés sous l’effet du capital et de la rentabilité modernes. La balade 2023 s’avère constituer une promenade de santé, dans tous les sens du terme, à la fois ludique et scientifique. Divertissante et intellectuelle. Joyeuse et grave. Puisque cette fois, les jardins sont sans doute un peu moins colorés, un peu plus noirs. Ici, des troncs d’arbres brûlés par des incendies dans les Landes ; là, une rivière rouge pour symboliser les excès polluants et guerriers des hommes ; là encore, des plantes halophiles ne pliant pas sous une montée du niveau de la mer, sans oublier zinc urbain, or cicatrisant, tuiles irrigantes, électro-culture, syntropie 

Néanmoins, que chacun(e) se rassure, derrière la vitrine chaotique, l’ensemble vaut toujours autant le détour et allume finalement une lumière au bout du tunnel sombre ! La magie opère continuellement à Chaumont, y compris dans une actualité aux allures traumatiques. « La thématique 2023 semble difficile en apparence. Les gens avaient un peu peur à la lecture mais une fois la sortie réalisée, ils sont ravis de ce qu’ils découvrent ! », a confirmé la directrice des lieux, Chantal Colleu-Dumond. « À Chaumont, nous démontrons qu’une difficulté peut devenir une force ».

 Ou comment, dans le trauma, ne pas oublier l’essentiel

Effectivement, inutile de faire l’autruche : le climat s’agite, le manque d’eau inquiète précocement, le péril du feu se répète, et personne n’ignore plus les caprices réguliers du ciel. Et assurément, dans cette réalité claire obscure, le Domaine régional, qui vit avec son époque, parvient à semer des graines d’espoir dans un horizon encombré, et remémore l’importance de se reconnecter aux essentiels. 

En passant d’un jardin à l’autre, alors, le miroir opère : on s’interroge, on apprend, et on rêve quand même ! Saviez-vous que la bardane et le chêne, particulièrement résistants et résilients, sont de fait perçu comme plante et arbre du futur ? Les adages, « la nature a horreur du vide » et « ce qui ne tue pas rend plus fort », prennent in situ une consistance tangible. Mention spéciale, sans doute du fait de notre œil un brin féministe, au jardin
« Derrière les fagots » (numéro 15, signé par les paysagistes français Manuel Jouault, Thomas Senecal, l’architecte Leane Delicourt et le charpentier-designer Pierre Brongniart), qui évoque, contre tout a priori, l’impact positif du castor sur notre environnement ;
 le tout est agrémenté d’une boîte aux bois et aux lettres étiquetée « Madame Castor », totalement dans l’air du temps ! 

Pour le reste, le plus simple est de feuilleter notre diaporama photos en guise de teasing, avant de se rendre donc sur place pour découvrir et ressentir par soi-même ce dialogue nourri entre l’humanité et la nature. À Chaumont-sur-Loire, en somme, une énième recette du bonheur déclamée au jardin, qui ne demande qu’à être méditée puis cultivée au quotidien, pour le bien commun et d’avenir des deux parties précitées aux destins extrêmement liés.

Plus d’infos autrement sur Magcentre : Chaumont 2023 : quinze artistes et des jardins résilients

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