Une grande exposition à Saint-Jean-de-Braye rassemble des œuvres de Louis-Joseph Soulas. Graveur hors pair, il n’a cessé toute sa courte vie de travailler. Son trait limpide, aussi fragile que puissant, lui a permis de capter le monde qui l’entourait et de l’imprimer dans son style reconnaissable entre tous.
Par Bernard Cassat
Une gravure sur bois de sa jeunesse. Photo BC
Issu d’une famille d’agriculteurs de la Beauce, Louis-Joseph Soulas (1905-1954) apprend très jeune le métier de graveur sur bois à Paris, à l’école Estienne. Il travaille tout de suite comme illustrateur de textes littéraires ou poétiques, de programmes ou de documents privés. Dans les années 30, il passe à la gravure sur cuivre au burin, en gardant ses réflexes de graveur sur bois. Cela lui permet de développer un style totalement personnel, reconnaissable entre tous : une netteté impressionnante du trait et une clarté de vision.
En 1938, Soulas est nommé directeur de l’École des Beaux-Arts d’Orléans par Jean Zay. Il met en chantier dans l’école de nouveaux ateliers, dont la gravure. Prisonnier pendant la guerre, il revient à Orléans en 41 où il est démobilisé. Il reprend alors son art et l’école, mais une crise cardiaque le terrasse sur le quai de la gare d’Austerlitz en 1954.
Série Les ruines d’Orléans. Détail du pêcheur. Photo BC
Une grande production dans diverses techniques
L’exposition de Saint-Jean-de-Braye présente une importante quantité de travaux, rassemblant presque tous les aspects de son travail : les gravures bien sûr, sur bois, sur cuivre ; des gouaches et des fusains qu’il réalisait lorsqu’il était en voyage. Et des gravures marquantes, certains prix qu’il a remportés, des gravures sur bois en deux tons, même un exploit en 16 tons (donc 16 passages sous la presse pour avoir des couleurs différentes).
On connaît son attirance pour les paysages de la région, Sologne ou Beauce. De magnifiques exemples en témoignent, étangs entourés de bouleaux, platitude de la Beauce qui laisse d’immenses ciels que Soulas sait animer de quelques nuages minutieusement légers. Et puis Saint-Jean-de-Braye, son clocher, son canal, Chécy. Les représentations élégantes de nombreux endroits autour d’Orléans ne manquent pas.
Le canal à Chécy. Détail. Photo BC
Mais il y a dans l’expo un aperçu de tout le reste aussi. La Méditerranée, Collioure ou Saint-Tropez, la côte normande et de nombreux fleuves, la Dordogne en particulier. Louis-Joseph Soulas a énormément produit. Il dessinait sur le motif, au fusain ou à la gouache. Qu’il reprenait en gravure, ou pas. Et puis il a beaucoup illustré des textes célèbres, Rémi des Rauches de Maurice Genevoix, bien sûr, puisque tant de sujets les rapprochaient. Il a également réalisé des séries de gravures, XV gravures des ruines d’Orléans, par exemple, dont plusieurs montrent le pont Georges V démoli et la passerelle qui permettait le franchissement de la Loire, avec une précision et un sens du détail fabuleux. Et des foules de gens, tous individualisés alors qu’ils ne font que quelques millimètres. Qui prouvent aussi que Soulas n’était pas seulement un paysagiste.
« Le burin trace dans le cuivre un sillon net, pur et franc qui, à l’impression, donne un simple fil noir. C’est avec ce petit cheveu, ce filament délicat, que le graveur va s’exprimer. Il ne pourra tout dire avec un aussi pauvre moyen, mais seulement l’essentiel », dit-il en décrivant le travail au burin. Et c’est ce que l’on ressent devant son travail, une fragile ligne noire qui fait chanter le blanc du papier et créée ainsi la magie d’une œuvre.
Exposition Soulas… au fil de l’eau, du 28 avril au 14 mai
Château des Longues Allées, Saint-Jean-de-Braye.
Entrée libre
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