L’ancien député de Loir-et-Cher et ministre de la Ville chargé du Grand Paris, Maurice Leroy, vit et travaille en Russie, possède un passeport de ce pays et pour autant, ne parle pas russe. Autant d’éléments révélés lors de son audition par une commission parlementaire le 13 avril en visioconférence, concernant les ingérences des puissances étrangères sur la démocratie.
Par Emilie Rencien
Les dernières fois que « Momo » a été aperçu en Loir-et-Cher, c’était en décembre 2021 pour l’épingle de la Légion d’honneur sur sa veste à Vendôme par l’ex président de la République, Nicolas Sarkozy. Puis en juin 2022, quelques mois après l’agression guerrière de la Russie sur l’Ukraine, il avait mis, malgré lui, l’ambiance pour l’inauguration de l’hôtel-restaurant “Fleur de Loire” du chef étoilé Christophe Hay à Blois ; événement pendant lequel le président de l’agglomération de Blois, Agglopolys, Christophe Degruelle (PS), avait refusé de serrer la main à « un Poutiniste »…
Expatrié depuis 2019, l’ancien maire communiste du village du Poislay, dans le nord du Loir-et-Cher, au long passé parlementaire, revient régulièrement dans son département français du Centre-Val de Loire. « Je serai la semaine prochaine chez moi, en
Loir-et-Cher », a-t-il d’ailleurs informé derrière l’écran, en préambule de l’audition d’une commission d’enquête de l’Assemblée nationale du jeudi 13 avril 2023. Les questions ne lui auraient assurément pas été soumises il y a un an en période de paix. Le conflit aux portes de l’Europe étant bien là, il a longuement détaillé ses nouvelles responsabilités prises dans un pays… différent. « En fait, j’ai tourné la page politique nationale et locale à 60 ans, ce n’est pas rien quand même. Je suis venu ici pour une grande entreprise, MIP (MosInjProekt), de 12 000 salariés ; l’équivalence dans le BTP en France serait Vinci, Bouygues, Eiffage. J’ai en charge le développement international. C’est une entreprise à statut privé, j’ai un contrat de travail de droit privé. Je n’ai rien à cacher ».
« Je me suis toujours intéressé à la Russie »
Pendant un tout petit peu plus de deux heures, M. Leroy a dû se répéter face à des interrogations lancinantes. Pourquoi donc une entreprise russe, qui existait déjà du temps de l’Union Soviétique, avec un capital d’origine de la ville de Moscou, embauche un Français à l’expérience, non pas technique mais politique, et de surcroît, qui ne parle pas un mot de Russe ? Pourquoi pas plutôt un simple rôle de consultant par exemple ?
L’ancien président du Département 41 (Conseil général à l’époque), qui a vice-présidé le groupe d’amitiés France-Russie plusieurs fois, a dû aussi dévoiler sa vie privée. « J’ai refait comme d’autres ma vie sentimentale », a-t-il déclaré. Sa nouvelle compagne est russe, et à l’automne 2018, d’après son replay, une opportunité s’est présentée à lui d’intégrer MIP pour se rapprocher de l’élue de son cœur, grâce au vice-maire de Moscou qui a fini par devenir son ami après plusieurs rencontres d’affaires depuis 2011, dont notamment l’inauguration du grand marché international de l’immobilier, le MIPIM à Cannes. « Je me suis toujours intéressé à la Russie. Je n’ai jamais renié mon passé politique de jeunesse qui est connu et qui avait fait couler beaucoup plus d’encre », a-t-il souligné, en ajoutant une anecdote du cru loir-et-chérien. « L’ancien sénateur regretté, Pierre Fauchon, dans un meeting, avait dit : Momo a traversé la Mer rouge ! »
Inutile de fantasmer sur les sénatoriales françaises
Maurice Leroy a plus que « traversé », puisqu’en sus d’une compagne, il détient un passeport russe depuis avril 2021. Un « remerciement sans doute pour le travail que j’ai réalisé pour le Grand Paris et Grand Moscou, délicat à refuser », selon l’intéressé. Bien qu’encore une fois, il utilise l’anglais pour son travail, ne parlant pas du tout russe. Une manière d’instrumentaliser, d’acheter une certaine fidélité ? « Ce n’est pas mon style d’avoir le doigt sur la couture du pantalon. Je ne suis pas utilisé, je n’ai rien à voir ni de près ni de loin avec le gouvernement fédéral russe. J’ai arrêté de faire de la politique et ici, je m’astreins à ne jamais prendre de positions publiquement. On me donne plus d’importance que je n’en ai en réalité au quotidien ! », a répondu à nouveau M. Leroy.
Celles et ceux, depuis le Loir-et-Cher, qui voyaient déjà « Momo » dans un remake de
« Retour vers le futur » en tant que candidat aux sénatoriales 2023, auront trouvé leur réponse, déçus. Puisqu’il se trouve toujours en Russie, malgré les hostilités lancées par le régime de Vladimir Poutine. Il rejette de fait le parallèle avec un ancien Premier ministre français qui, sous le feu des critiques, a lui été obligé de quitter son siège russe au conseil d’administration des sociétés Sibur et Zarubezhneft. « La comparaison avec François Fillon ne tient pas trois minutes douze. Moi, je n’ai pas de fonction exécutive, je suis salarié d’une entreprise privée (…). Je suis resté et j’assume pour la défense des intérêts français. Le jour où Auchan et Leroy Merlin, fleurons français, quittent la Russie, vous savez qui va reprendre ? Sans doute Ali Baba et des entreprises chinoises, on fera quoi après, une nouvelle commission d’enquête ? Ça toucherait les emplois en France, fatalement. (…) Je n’ai pas l’habitude de pratiquer la langue de Blois, même si Blois est chère à mon cœur. Mon parcours intéressait MIP, je représentais un atout avec mon expérience du Grand Paris et comme ministre de la Ville. Je rappelle que je fus président d’une collectivité, le département de Loir-et-Cher, qui construit des collèges ». Le pont ainsi bâti convaincra sans doute peu les observateurs vieux de la vieille qui citeront gaiement le cas d’un certain Georges Marchais et son entreprise également jadis supposée privée aux côtés de l’URSS…
Plus d’infos autrement sur Magcentre : Loir-et-Cher : un nouveau job qui remet du grain dans le feuilleton Perruchot