Emmanuel Macron s’est donné 100 jours pour relancer la machine à réformes enrayée par la mobilisation sur les retraites. Il s’échine même à laisser derrière lui cette contestation telle un non-événement, alors que devant se profile la montée d’une extrême droite qui, passive ces dernières semaines, ressort gagnante et jamais aussi proche du pouvoir.
Par Jean-Luc Vezon
Abstention croissante, montée des extrémismes, violences sociales et policières, corps intermédiaires ignorés voire méprisés, territoires en mal de reconnaissance… C’est peu de dire si la démocratie française va mal. La réforme des retraites, menée à la hussarde par le duo Borne-Macron, a fini de malmener ce que Victor Hugo appelle notre grande Patrie.
Élu avec 58,55 % des voix (et 28 % d’abstention) pour faire barrage à l’extrême droite, les Français attendaient plus d’un président qui, rappelons-le, a d’abord pour mission de rassembler son peuple. Rejetée par 80 % des Français, la réforme des retraites a été menée contre leur volonté, moins pour équilibrer des comptes, dont on n’est pas certain qu’ils soient en déficit, que pour rassurer les marchés.
Elle a jeté, par douze fois, des millions de Français dans la rue, venus de tous les horizons : citadins, ruraux, jeunes, étudiants, retraités, artisans, commerçants, patrons de PME… faisant voler en éclats le clivage droite/gauche. Charles de Courson, député du centre droit de la Marne (groupe LIOT) illustre ce bloc du refus. Spécialiste reconnu des finances publiques, il a dénoncé le manque de concertation et d’alternatives d’un projet faisant payer aux seuls salariés et agents publics le report de l’âge légal à 64 ans.
La validation du texte par le Conseil constitutionnel a certes entériné la légalité de la loi mais pas sa légitimité démocratique. L’usage intempestif et choquant de l’article 49.3, fait d’un prince barricadé dans son palais, est une grenade dégoupillée jetée à la face de la République. Que dire du rejet du référendum d’initiative partagé (RIP) privant les Français d’une porte de sortie référendaire ? Pseudo-décision juridique mais vraie décision politique d’une institution dont l’indépendance de ses membres est toute relative.
Démocratie sociale bafouée
La France n’est sans conteste pas un modèle de concertation entre les syndicats et les organisations patronales souvent en butte à des jeux de pouvoir. Contrairement à l’Allemagne, notre voisin et ami, les grandes décisions touchant les questions sociales et la gestion des entreprises sont souvent imposées par l’Etat et non co-construites. Unis pour la première fois en intersyndicale, la volonté de dialogue des syndicats représentatifs s’est pourtant heurtée à l’autisme du pouvoir qui n’a jamais créé les conditions d’une négociation.
Au final, la loi sur les retraites bafoue encore un peu plus le dialogue social et la République sociale pourtant mentionnée dans notre constitution à l’article 1 ; elle aurait pu être l’occasion d’un grand round de négociations rassemblant les positions les plus responsables des partenaires sociaux, pour un accord gagnant-gagnant. « Le travail ne peut être une loi sans être un droit », disait déjà Victor Hugo.
Ne pas entendre la colère des Français, c’est prendre le risque de couper définitivement nos compatriotes de leurs représentants. La fracture démocratique est désormais béante. Les violences s’exacerbent alors même que la crise énergétique et l’inflation appauvrissent les Français.
Avec 39 % d’opinions favorables, Marine Le Pen, la candidate de l’antisystème, est aux portes du pouvoir. Une partie de la France profonde est à son écoute et la réclame. Cette réforme intransigeante et brutale lui déroule le tapis rouge.
Face à l’institutionnalisation de la violence d’État, les Français n’ont plus peur du parti d’extrême droite dont le discours policé et les solutions démagogiques s’enracinent dans une France malade d’une classe politique totalement déconnectée des réalités.
Entre une réforme délétère et précipitée qui aggrave la crise démocratique, portant le germe de guerre civile, où se situe l’intérêt supérieur du pays ?
Monsieur le Président : demain, si la fille de Jean-Marie Le Pen dirige notre pays, vous en serez en partie responsable.
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