Coup d’envoi ce 14 avril 2023 de deux expositions gratuites d’Abdelkader Damani au FRAC à Orléans. Les Ailes du désir et Architectes sans Architecture mettent en avant des œuvres emblématiques de la riche collection du lieu. Son directeur les a aussi imaginées comme étant ses deux dernières.
Par Sophie Deschamps
Abdelkader Damani, directeur FRAC Centre en avril 2023 pour l’inauguration de l’exposition La tendresse subversive. Photo Sophie Deschamps
Abdelkader Damani, directeur du FRAC Centre-Val de Loire, épuisé par les tracasseries dont il est l’objet depuis quelques années et surtout ces derniers mois, a imaginé ses deux nouvelles expositions comme étant les dernières. C’est l’une des raisons pour laquelle il a souhaité mettre en avant des œuvres du FRAC. Un lieu culturel dont on ne sait pas assez qu’il possède le troisième fonds architectural au monde, après le Louvre et le Muséum of Modern Art (MoMA) de New-York, rien que ça.
Retour aux sources pour Architectes sans Architectures
La première exposition Architectes sans Architectures est un clin d’œil à l’exposition new-yorkaise de Bernard Rudofsky Architecture Without Architectes présentée en 1964 au MoMA. Sauf qu’ici Abdelkader Damani inverse la proposition : « Je souhaitais dans l’éventualité de mon départ en septembre rendre hommage à la très riche collection du FRAC. Et avec ce titre rassembler des projets d’architectes ayant envisagé leur rôle dans la société, indépendamment de tout projet de construction. J’entends aussi dire que l’architecte est essentiel mais pas suffisant. Il doit y avoir un dialogue avec la société civile. Car un architecte n’est pas là uniquement pour construire. C’est aussi quelqu’un qui pense une société idéale en proposant des solutions pour le futur. Et cette exposition ouvre des pistes de réflexion. »
Expo Architectes sans Architectures, FRAC Orléans. The Architectural Beast d’Hernan Diaz Alonso. Photo SD
Inutile donc de chercher des maquettes d’architecture dans cette première exposition :
« Je l’ai imaginée comme une promenade immersive. Dès que l’on entre à l’intérieur, on est enveloppé par les écrans d’Hernan Diaz Alonso (voir photo ci-dessus). Ensuite, on a les voiles d’Aristide Antonas et ainsi de suite. Donc, tout au long de l’expo on est en fait enveloppé par quelque chose qui défie l’idée même d’architecture dans un rejet commun de ses valeurs consuméristes et fonctionnalistes. »
L’idée de présenter des œuvres anciennes est aussi la volonté de faire un pont avec le travail de Marie-Ange Brayer, première directrice du FRAC qui a fait la part belle aux œuvres architecturales utopistes et conceptuelles : « Je voulais faire ce lien d’autant plus que j’ai invité Marie-Ange Brayer à venir au FRAC présenter son dernier livre sur la maquette d’architecture. Elle a accepté donc j’espère que cela va se faire. Nous avons certes des visions différentes, mais cela n’empêche pas une amitié intellectuelle forte. »
Les Ailes du désir, le rêve de pouvoir quitter la terre
Le public est ensuite invité à rejoindre le premier étage. Histoire de prendre de la hauteur pour découvrir la seconde expo Les Ailes du désir. Cette fois le clin d’œil est cinématographique. Il fait en effet référence au film éponyme de Wim Wenders de 1987 dans lequel un ange décide de se couper les ailes pour ressentir le bonheur de vivre sur Terre. Mais à nouveau Abdelkader Damani inverse la proposition en invoquant « cet étrange désir humain de vouloir quitter la terre ».
Et là encore il a puisé dans les trésors du FRAC : « Je présente des œuvres des collections mais avec une vision critique. En fait j’explique que tout ce qui est dit dans les utopies n’est évidemment pas à prendre à la lettre. Au contraire on peut douter. Est-ce qu’une maison volante en hélicoptère (œuvre de Guy Rottier), est-ce que c’est bien ? On a le droit de se poser la question. »
Germe radiolaire, Maria Mallo (1981), expo Les Ailes du désir, FRAC. Photo SD
L’exposition se termine avec des œuvres d’architectes espagnols, notamment Maria Mallo, Ana Buenaventura et Francisco Javier Segui de la Riva (dont l’œuvre Orden Cósmico de 1972 a été choisie pour l’affiche). Le directeur du FRAC voulait « rendre hommage à ces personnes qui ont introduit avec les utopies quelque chose de fondamental qui s’appelle la poésie. Avec l’architecture contemporaine, nous avons perdu cette poésie. Car un espace, s’il est bien fait, doit être quand vous le traversez comme la lecture d’un poème. Si vous arrivez à goûter chaque fragment d’architecture, chaque pilier, chaque mur… et que chaque chose devient un bout de phrase qui vous aide à entrer en communion avec le bâtiment, alors ça devient un chef-d’œuvre ! »
Abdelkader Damani a souhaité aussi signifier à chacun.e d’entre nous, à travers les œuvres de Maria Mallo, cette vérité fondamentale que « Dans l’antre maternelle, le fœtus fait l’expérience de l’architecture avant celle de la parole ». (voir photo ci-dessus)
Rappelons enfin que le commissaire de ces deux expositions comme toujours gratuites a subi le 13 avril l’humiliation inexcusable de ne pas pouvoir les présenter lui-même au public et aux journalistes comme il aimait le faire puisqu’il était suspendu de ses fonctions depuis le 6 avril.
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Photo de Une : Exposition Les Ailes du désir, FRAC Centre-Val de Loire, œuvre Orden Cósmico de Ana Buenaventura et Francisco Javier Segui de la Riva.
Plus d’infos autrement sur Magcentre : FRAC : Abdelkader Damani prend la parole