Par les temps qui courent, les créations théâtrales sont légion. Est-ce la sortie de l’épidémie Covid qui donne des ailes aux créateurs ? La salle Montission de Saint Jean le Blanc était comble en ce vendredi et affichait « Rats, Porcs, Humains », farce théâtrale pour une vie de couple.
Par Bernard Thinat
Pas simple pour un critique théâtral de parler d’une pièce sans trop en dire afin de garder intact l’effet de surprise pour le futur public ! Mais il faut bien écrire…
Hugo Zermati et Aimée Leballeur – Photo B.T.
A deux, Hugo Zermati, l’auteur, et sa comparse, Aimée Leballeur, incarnent 14 personnages, « 7 chacun » me dira Aimée, quoique Hugo n’en soit pas si sûr, mais comme c’est lui qui a tout écrit… Au début, c’est un couple qui se déchire, elle c’est Magali, lui c’est Jean-Caroline. Avec un tel prénom, le spectateur se dit que les changements de sexe vont être faciles, et il n’aura pas tort… On les retrouvera au final, dans une autre époque, voyage dans le temps assuré !
Le texte est donc jubilatoire, blagues et jeux de mots en pagaille. Le public rit de bon cœur. Certains spectateurs focaliseront plutôt sur le texte, d’autres sur la performance des deux artistes, lesquels en quelques secondes derrière un décor minimaliste, reviennent dans la peau d’un ou d’une autre. On échange, on s’esclaffe, on chante, quelques pas de danse, des gestes mimés… Applaudissements particulièrement nourris au final. Mais laissons-les parler… Rencontre après spectacle dans leur loge.
MagCentre : Hugo, c’est donc vous qui avez écrit la pièce, seul ?
HZ : Oui. Je donne des cours à des adultes pour qui je prends un énorme plaisir à écrire. Et plus j’écrivais pour les 14 adultes, soit 14 personnages, plus je me rendais compte que cela me satisfaisait pleinement et je me suis demandé s’il était possible de le jouer à deux. Voilà comment c’est arrivé.
MagCentre : La mise en scène s’est faite néanmoins à deux ?
AL : Oui, il n’y a pas eu de regard extérieur. On retrouve à la fin Magali et Jean-Caroline, c’était l’envie d’Hugo et ce qui a déterminé la mise en scène plus que nos choix, c’est que Hugo voulait cette sorte de manège où chacun de nous disparaît derrière le rideau et réapparaît dans un autre personnage, à chaque fois entre les scènes, et pendant l’intégralité du spectacle.
HZ : Je voulais aussi que le personnage dominant dans une scène soit dominé dans la suivante. Dans la vie, on peut « bouffer » quelqu’un et se faire ensuite « bouffer » par quelqu’un d’autre.
MagCentre : Hugo, vous avez souvent des rôles comiques comme ici, et parfois des rôles dramatiques comme dans « Acting ». Qu’est-ce qui vous intéresse le plus ?
HZ : C’est plus compliqué pour moi de jouer des choses sérieuses et graves, mais j’en suis capable. Ceci dit, de la tristesse, des pleurs, j’ai du mal à y entrer. Mais le plus difficile, c’est le rôle comique, c’est « chimique », on le sait tout de suite si ça fonctionne à la réaction du public tandis que le côté dramatique est plus confus, il y a des gens que ça va toucher, d’autres moins, mais on n’entend rien.
AL : Comme le dit Hugo, le rire c’est de la chimie, il y a une mécanique et du rythme à mettre en place, c’est plus technique que les rôles tragiques où chacun va avoir un parcours personnel à trouver sur une recherche d’intensité émotionnelle. Ici, l’idée, c’est de travailler ensemble comme une partie de ping-pong, et de réussir à faire naître le rire comme une mécanique globale qu’on met en place sur le rythme, sur la possibilité qu’on a de se répondre, sur le catalogue de personnages qu’on propose, sur les contrastes qu’ils offrent les uns avec les autres, c’est une mise en place d’une technique qu’il faut développer dans le rire et qui n’existe pas forcément dans le tragique.
Un bouquet de fleurs pour chacun – Photo B.T.
MagCentre : Aimée, vous avez des projets dans la chanson ?
AL : Oui, j’ai un projet avec le collectif « Rêve Brut » qui est une présentation de ce qu’est la chanson française pour un public sourd, une rencontre entre le monde des non-entendants et l’univers de la chanson française. On travaille avec Marie Eva qui est enfant de parents sourds, et qui va au fil du spectacle écrire et raconter ce qui a été sa découverte de la chanson puisqu’elle vivait dans une maison où personne n’écoutait de musique. On sera deux chanteurs interprètes, Fred Le Lay et moi, un musicien David Sevestre, et Marie Eva qui viendra raconter son histoire et traduire en langue des signes, les chansons qu’on interprétera. La création est prévue le 3 juin à l’Unisson de Saint Jean de la Ruelle, et le spectacle s’intitulera « la Valse à mille signes ».
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