A Montargis, le street art « fait partie des murs ». Si les fresques s’inscrivent dans le paysage montargois, c’est grâce au festival LaBel Valette et à Urban Art Agency. Cette année, le festival est en sommeil, mais une nouvelle fresque a vu le jour : Wedo Goàs, artiste espagnol, rend hommage au peintre Girodet, avec La Leçon de géographie.
Par Izabel Tognarelli
Le 23 mars 2023, un engin de chantier a interpellé l’attention des manifestants et des passants à hauteur du collège du Chinchon, au cœur de Montargis. Ce matin-là, la nacelle était vide ; personne ne savait pourquoi ce véhicule était posté là et quels travaux étaient programmés. A dire vrai, personne ne s’est posé la question à ce moment-là. Mais quand le travail a commencé, les nez se sont levés ; on a même vu des admirateurs rester en poste longuement pour contempler le travail en cours, celui de l’artiste Wedo Goàs. Originaire de Galice mais habitant Barcelone depuis une dizaine d’années, il démarrait une résidence à Montargis, où il allait travailler deux semaines à la réalisation d’une fresque.
Cinq jours plus tard, nouvelle protestation contre le projet de réforme des retraites ; cette fois-ci, l’attention des manifestants est captée par la fresque en cours de réalisation. Certains s’arrêtent et s’interrogent tout haut : « Mais c’est quoi, ce tableau ? ». Car l’œuvre, d’inspiration réaliste, révèle (encore en filigrane) des silhouettes vêtues et coiffées selon une mode d’un autre temps. Les conversations s’engagent : « C’est La Leçon de géographie, l’un des plus beaux tableaux de Girodet. Il est visible au musée. Tu devrais y aller pour le voir en vrai ! ».
Derrière les fresques du Montargois, une agence
Urban Art Agency est habituée aux chantiers d’envergure. Natif de Montargis, Sébastien Lis a créé cette agence il y a six ans, avec deux associés, afin de promouvoir les arts urbains sous toutes leurs formes, notamment via la réalisation de fresques monumentales. D’autres personnes viennent aussi s’impliquer en fonction des besoins, notamment Antoine, vidéaste, ainsi que des artistes qui interviennent ponctuellement dans des ateliers.
La fresque située à l’entrée de la rue Dorée a été financée par le Lions Club de Montargis. « Le Lions a sollicité l’agence pour qu’on sélectionne un artiste afin de réaliser cette œuvre iconique de Girodet, nous confie Sébastien. Elle a été peinte sur le mur d’un établissement scolaire, en écho à l’éducation, à la connaissance et au partage du savoir. Cela peut aussi inciter les gens à visiter le musée Girodet qui est un très beau musée ». Oui, un très beau musée labellisé Musée de France depuis une vingtaine d’années et encore plus beau depuis son agrandissement. « Dans mon raisonnement, les œuvres dans l’espace public permettent de décloisonner les musées dont les œuvres restent enfermées. La Leçon de géographie est rendue encore plus accessible, à la vue de tous ».
Wedo Goàs, artiste perché (dans sa nacelle !)
Comment procède l’agence pour savoir à qui elle va confier la réalisation d’une œuvre ? « Chez Urban Art Agency, on aime bien travailler avec des artistes peu connus du grand public et même des connaisseurs du milieu de l’art urbain. On aime dénicher de nouveaux talents pour les mettre en lumière. La collaboration avec Wedo Goàs est le fruit du hasard : je fais beaucoup de « veille » sur les artistes étrangers et je suis tombé sur son profil Instagram. J’ai eu le coup de cœur. Je l’ai contacté directement et je lui ai proposé de réaliser la fresque ».
Une œuvre touchante à plus d’un titre
Qu’a ressenti Wedo Goàs en se penchant d’aussi près sur La Leçon de géographie ? « J’ai ressenti un profond respect pour le travail de Girodet. Quand j’étais plus jeune, j’ai étudié son œuvre, dans ma ville, en Galice. Quand on m’a demandé de venir ici, dans sa ville natale, et de peindre ce mur, ce fut à la fois un honneur et une grande responsabilité. A mon arrivée, je me suis rendu au musée Girodet et j’ai vu ce tableau en vrai : il est incroyable ».
Oui, il faut voir La Leçon de géographie au musée Girodet. Cette œuvre laisse une impression profonde, s’imprime dans la mémoire : on ne l’oublie jamais, ni dans ses ombres, ni dans ses lumières, ni dans l’hyper-réalisme de certains détails, notamment cette mouche dont on a l’impression qu’elle est prête à s’envoler, comme les moments les plus importants d’une vie.
Rien ne vaut de venir de loin pour avoir un regard neuf sur une ville.
Comment Wedo Goàs a-t-il ressenti la ville de Montargis ? « Ici, j’ai trouvé les gens proches et drôles. C’était super étonnant ! On a même été invités à déjeuner chez une habitante. Les gens d’ici sont vraiment gentils ». Pourtant, les habitants de cette partie du Loiret sont plutôt considérés comme des gens fermés, repliés sur eux-mêmes. La clef de ce qui pourrait constituer un mystère aux yeux de certains (mais de certains, seulement !) réside certainement dans le caractère de l’œuvre elle-même, saisissante entre toutes ; le regard attentif et bienveillant du Dr Trioson, la gentillesse et la mélancolie qui émanent des traits de son jeune fils et la beauté saisissante de l’ensemble.
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