Prévert et Desnos au menu de l’amour chez Manouchka et Fred ! Dans un duo tout en osmose, Fred Ferrand à l’accordéon, Manouchka Récoché au texte, les deux poètes français du XXème siècle entrelacent l’amour entre deux êtres, dans un nouveau spectacle, « Embrasse-moi », créé récemment.
Par Bernard Thinat
Photo Clodelle45
Certains pourraient penser voir un spectacle poétique, ce l’est évidemment, mais c’est aussi bien plus que cela. Sur une composition personnelle de Fred Ferrand à l’accordéon, Manouchka Récoché nous entraîne dans un jeu de l’amour et du hasard : hasard des textes qu’elle a choisis, une quinzaine, Prévert en majorité agrémenté d’une pincée de Desnos, et poèmes de l’amour, ceux d’une femme de l’adolescence à la presque vieillesse, qui s’adresse à celui qu’elle aime par-dessus tout.
Au travers des textes des poètes, Manouchka que l’on sent imprégnée, voire enivrée d’un amour poétique, parvient à faire partager son émotion réelle aux spectateurs, émotion générée par les mots des poètes. Est-ce la voix qui accompagne le piano à bretelles, ou l’inverse ? On ne sait trop, sans doute les deux, tant la parole et la musique semblent indissociables, comme aimantées l’une par l’autre.
Un spectacle à voir, à déguster tendrement avec délicatesse, quand une date sera connue. Cela ne devrait pas tarder.
Manouchka à cœur ouvert #1
Manouchka à cœur ouvert #2
La belle que voilà
Quand l’âge aura flétri ces yeux et cette bouche quand trop de souvenirs alourdiront ce cœur
Quand l’amour plus fané qu’en un livre une rose ne sera plus qu’un nom sous des portraits pâlis
Quand il sera trop tard pour n’être plus cruelle
Quand l’écho des baisers et l’écho des serments décroîtront comme un pas la nuit dans une ruelle
Quand sur les seins pendants le ventre qui se ride,
Les mains aux doigts séchés durcies par les passions
Et lasses d’essuyer trop de larmes acides
Referont le bilan de leur dégradation
Quand nul fard ne pourra mentir à ce visage s’il se penche au miroir jadis trop complaisant
La belle que voilà restera belle encore
Par la vertu d’un feu reflété constamment aux vitres d’un château dont les salles sonores seront hantées par ceux qui furent ses amants
La belle que voilà ainsi qu’une fontaine
Dont le flot toujours pur s’écoule en entraînant d’ineffables sirènes
Pour perdre sa splendeur ne renoncera point
Rien ne disparaîtra des ciels qui se reflètent
Malgré la peau fripée et malgré les reins plats
Restera jalousée et présente à la fête
Jeune éternellement la belle que voilà
Tant de coeurs ont battu jadis à son attente qu’une flamme est enclose en ce corps et qu’elle reste éclatante
Ainsi qu’à l’incendie survivent les tisons
Robert Desnos
Il a mis le café
Dans la tasse
Il a mis le lait
Dans la tasse de café
Il a mis le sucre
Dans le café au lait
Avec la petite cuiller
Il a tourné
Il a bu le café au lait
Et il a reposé la tasse
Sans me parler
Il a allumé
Une cigarette
Il a fait des ronds
Avec la fumée
Il a mis les cendres
Dans le cendrier
Sans me parler
Sans me regarder
Il s’est levé
Il a mis
Son chapeau sur sa tête
Il a mis
Son manteau de pluie
Parce qu’il pleuvait
Et il est parti
Sous la pluie
Sans une parole
Sans me regarder
Et moi j’ai pris
Ma tête dans ma main
Et j’ai pleuré.
Jacques Prévert
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