Samedi 25 mars, à l’invitation de l’association World partage, Chédigny (37) accueillait une conférence-débat autour d’Oksana Chatchko, l’artiste ukrainienne co-fondatrice des Femen. Un après-midi d’information animé par Alain Hérault, admiratif de son combat et de son œuvre.
Par Jean-Luc Bouland
En couverture de l’ouvrage d’Olivier Goujon, Sasha (à gauche) et Oksana (à droite).
« Après-midi très réussie hier en “Hommage à Oxana Chatchko“. Comme les autres fois les personnes ont été surprises par ce qu’elles ont découvert et appris qui contredisait tous leurs à-priori. Bouleversées et très émues par Oxana », assurait Alain Hérault dimanche 26 mars. Installé en Indre-et-Loire depuis près de vingt ans, au sud de Loches, celui qui se définit comme un ancien soixante-huitard, « mais qui n’aurait jamais osé manifester torse nu face à un pouvoir armé et hostile» est depuis longtemps fasciné par la personnalité d’Oksana Chatchko, l’une des trois fondatrices du mouvement Femen. Une pure, une artiste, trahie par certaines, et qui s’est suicidée en 2018.
Une artiste ukrainienne trahie
En ce contexte de guerre en Ukraine, il rappelle que c’est dans ce pays qu’est né le mouvement, aujourd’hui « récupéré » pour défendre des causes parfois surprenantes. Ce 25 mars, c’était la 5e fois qu’il proposait sa conférence, comme en 2022 en Ardèche, ou en 2020 à Châtillon-sur-Indre (36), pour faire vivre l’œuvre et l’engagement d’Oksana Chatchko. A chaque fois à l’invitation d’une association locale, comme à Chédigny, avec World partage. Lors de ces conférences, il montre différentes photographies illustrant le parcours d’Oksana, des reproductions de ses icônes, concrétisation de son travail d’artiste, et offre en illustration la projection de deux films contant la genèse des Femen, dont les auteurs lui ont accordé les droits de projection pour ses conférences gratuites, Femen : Naked war, de Joseph Paris, et Je suis femen, d’Alain Margot. La conférence s’appuie surtout sur le livre d’Olivier Goujon*, Femen, histoire d’une trahison, un grand reporter auteur d’un autre film sur les Femen, et qui a toujours gardé des contacts avec elles après leur arrivée en France.
Une nudité militante détournée
Pour beaucoup, l’usage de la nudité effraie ou indiffère, dérange ou amuse, et cache très souvent la personnalité réelle de celles qui l’utilisent pour interpeller le public sur des causes justes et/ou fédératrices. « Lors de mes conférences, qui réunissent à chaque fois environ une quarantaine de personnes, le public en ressort surpris en découvrant les coulisses et les motivations des Femen. Et notamment d’Oksana, pour qui j’ai une véritable admiration, elle qui se définissait comme artiste sextrémiste », continue Alain Hérault.
Alain et Annie Hérault – Photo AH
Lors de celles-ci, qui durent parfois plus de 4 heures, Alain est accompagné d’Annie, son épouse, pour lire des textes. Dans Femen – Histoire d’une trahison, paru en 2017, Olivier Goujon ne mâche pas ses mots, et ne se fait pas que des amis. Il fut l’un des premiers journalistes français, en 2007, à découvrir celles qui ne s’appelaient pas encore les Femen, à Kiev, et qui voulaient changer la face du monde.
Dix ans après, les deux véritables fondatrices, Sacha Shevchenko et Oksana Chatchko lui faisaient encore confiance, au point de témoigner sur ce qui donne le sous-titre de son ouvrage, « l’histoire d’une trahison ».
Artiste installée à Paris, Oksana s’est suicidée en juillet 2018, épuisée par ses combats et les trahisons au sein du mouvement dont elle fut l’une des inspiratrices. Par cet ouvrage, en recueillant leurs confessions douloureuses, l’auteur a voulu retracer « l’épopée planétaire d’une idée née dans les plaines d’Ukraine occidentale et qui s’est égarée dans les querelles intestines et les ambitions personnelles ».
Des femmes hors la loi
Olivier Goujon écrit aussi « En Ukraine, j’ai moi-même rencontré des Femen d’âge et de morphologies différents. La plupart étaient jeunes, mais pas toutes. Pour le tournage du film Les féministes topless, en mai 2011, j’ai interviewé une militante avec sa mère, toutes deux Femen. Mais les images ont été écartées au montage. C’est l’autre enjeu de l’uniformisation des militantes Femen : le choix des photographes, des réalisateurs et des directeurs photo » . (p145). Si les militantes correspondent à des critères “photogéniques”, elles passeront mieux dans les médias (!)
En septembre 2023, le collectif Mix-Cité 45, après « Les femmes et leur corps » en 2021 et 2022, donnera à son colloque orléanais le thème « Les Femmes hors la loi ». Il sera difficile de ne pas parler des Femen, surtout en cette période où l’Ukraine fait, malheureusement, l’actualité.
*Olivier Goujon, est aussi l’auteur de l’ouvrage Ces cons de journalistes, qu’il était venu présenter à Orléans en 2019, lors d’un débat organisé par Magcentre.
Plus d’infos autrement sur Magcentre : Femmes 41 rend les femmes plus visibles