Depuis août 2021 une intense pandémie de grippe aviaire A H5N1 sévit en Europe. Plus de 50 millions de volailles ont été éliminées. La Région Centre-Val de Loire n’est plus épargnée depuis le début 2023 et de nombreux foyers de cette épizootie sont signalés. Plusieurs dizaines de milliers de volailles ont dû être abattues. Quels risques pour l’homme ?
Par Jean-Paul Briand
Poulailler industriel vidé de ses occupants – Cliché Pixabay
Les virus ont un équipement génétique spécifique aux organismes vivants dans lesquels ils se répliquent, empêchant leur propagation à d’autres espèces. C’est ce que l’on appelle la « barrière d’espèce ». Ce phénomène rend a priori peu probable la transmission des agents infectieux d’une espèce à l’autre. Plusieurs évènements successifs sont nécessaires pour que le saut de cette barrière d’une espèce animale à l’homme entraîne une épidémie ou une pandémie : Le code génétique du virus doit être adapté pour être inoculé à l’homme puis, après avoir vaincu les mécanismes de défense, il doit être capable de pénétrer et de se répliquer significativement dans les cellules humaines, et enfin se transmettre d’individu à individu.
Le saut d’espèce
Ce sont des modifications aléatoires du virus ou du système de défense qui engendrent un « saut d’espèce ». Certains experts pensent que ces éventualités sont infimes. D’autres estiment que la menace est bien réelle si la propagation virale est particulièrement intensive chez l’hôte initial. C’est le cas avec l’influenza aviaire H5N1 hautement pathogène (IAHP) actuelle qui tue les oiseaux. Un nombre considérable de cas augmente mathématiquement la probabilité de l’apparition de mutations et d’un nouveau virus capable de contaminer la population humaine. Pour la grippe aviaire, ce risque est d’autant plus important que son virus a une grande capacité à muter et à échanger ses gènes avec des virus infectant d’autres espèces. Des évènements de franchissement de la barrière d’espèce des oiseaux aux mammifères ont déjà été signalés dans le monde.
Le porc héberge fréquemment des virus humains. Si une combinaison se produit entre un virus de IAHP et un virus porcin d’origine humaine, une transmission à l’homme puis interhumaine est possible. Ce qui fait dire aux chercheurs de l’Institut Pasteur : « Le risque de voir apparaître un nouveau virus capable de se transmettre d’homme à homme est à prendre en considération ».
Un enjeu de santé publique
En région Centre-Val de Loire, c’est dans le Loiret que les premiers foyers de IAHP ont été détectés et où elle semble faire le plus de dégâts. La majeure partie des contaminations initiales en élevage est liée à la faune sauvage infectée. Avec le retour printanier des oiseaux migrateurs, les contacts entre oiseaux sauvages et volailles domestiques vont s’intensifier. Peu de départements seront épargnés par IAHP. Ce n’est pas la première fois que des élevages français sont attaqués par une flambée de grippe aviaire. Malgré un début de plan d’action, la vaccination des volailles n’est pas décisive, seule leur mise à l’abri complet évitera une hécatombe et des opérations massives d’élimination des oiseaux, voire de dépeuplement préventif.
Si un haut niveau de protection est observé dans les élevages industriels, il n’en est pas de même chez les particuliers possédant quelques volailles. Les détenteurs de basse-cour privée doivent désormais respecter les consignes du ministère de l’Agriculture, déclarer ses volailles, signaler toute mortalité anormale et éviter le mélange de gallinacés avec des palmipèdes dans un même poulailler.
La lutte contre influenza aviaire hautement pathogène est un enjeu économique et de santé animale mais, avec le risque d’une propagation à l’homme, c’est également un enjeu de santé publique.
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