Regain de mobilisation pour cette 9e journée de grèves et de manifestations. Dans les cortèges, les contestations se cristallisent autour de l’utilisation du 49,3 par le gouvernement ainsi que sur l’intervention d’Emmanuel Macron mercredi dernier.
Par les correspondants en région
Au lendemain de l’intervention présidentielle à la télévision, cette neuvième journée de mobilisation apparaissait comme une première réponse au message envoyé par le président de la République. Campé sur ses positions, il ne compte pas céder face à la colère des manifestants et reste déterminé à appliquer, contre vents et marées, cette réforme des retraites. Aujourd’hui, difficile d’imaginer une issue favorable aux manifestants. Les semaines s’enchaînent, la crise sociale s’intensifie. Et ce ne sont pas les rassemblements sauvages émaillés de violences dans plusieurs villes de France qui semblent ébranler Emmanuel Macron, déterminé à aller jusqu’au bout. Quitte à endosser l’impopularité qui entoure cette réforme.
Une chose est sûre, ses propos tenus pour tenter d’apaiser (ce qu’il était encore possible d’apaiser) ont eu l’effet inverse. C’est tout juste s’il ne valait mieux pas temporiser encore un peu au regard du fléchissement de la mobilisation ces dernières journées, laissant le soin aux forces de l’ordre de mater les quelque « factieux et factions » comme décrit lors de son interview.
Le Loiret reprend des couleurs
Au cœur des reproches et de la colère des manifestants, l’utilisation du 49,3 certes, mais aussi et surtout le mépris – mot revenu systématiquement dans toutes les conversations entre manifestants – ressenti dans les mots du président. Emmanuel Macron accusé de remettre de l’huile sur le feu alors même que les blocages se multiplient, Emmanuel Macron responsable du rebond de la mobilisation alors qu’elle semblait plafonner.
A Orléans, si certains faisaient leur retour devant le parvis de la cathédrale, d’autres se montraient plus bruyants. C’est le cas des éboueurs qui bloquent l’accès à l’UTOM à Saran depuis le début de la semaine. « Nous allons continuer la grève et les blocages jusqu’au retrait de la réforme car c’est nous qui allons décider à partir de maintenant, s’insurge Rodolphe éboueur de 40 ans. Avec l’utilisation du 49,3, nous ne sommes plus en démocratie. On nous prend pour des cons. Ce n’est même plus de la colère mais de la rage ! »
Il est vrai que cette journée semble marquer un tournant dans l’attitude et les mots choisis par les manifestants. On change de braquet y compris chez les jeunes. En témoigne une guillotine fabriquée par des étudiants du lycée Pothier, exhibée en queue de cortège. Un symbole marquant pour montrer la colère du peuple, disent-ils. Mais on a bien compris qu’il était difficile pour beaucoup de se contenir. « Le président est inconscient ! Ça va péter de partout, on a déjà pas mal d’écho de gens déterminés à bouger. Si jusque-là Orléans n’est pas réputée pour être une terre de contestations, ça va très bientôt changer », promet un responsable syndical.
De son côté, Montargis semble avoir trouvé sa recette pour ne pas mollir. Les pompiers ont « cramé une bougie » sur la (symbolique) place de la République de l’Est du Loiret, fédérant autour d’eux une foule plus motivée que jamais. Énergie, dynamisme et fumigènes viennent rompre le caractère routinier qui menace toujours une mobilisation quand elle doit s’inscrire dans le temps. Pas de violence, pas d’agressivité, Monsieur et Madame Tout-le-Monde manifestent simplement leur ras-le-bol, se réunissent en scandant « Macron démission ! » et trouvent leur motivation grâce aux célèbres paroles de Rouget de Lisle (chantées sans fausses notes), ainsi que celles de Joseph Kessel et Maurice Druon, tout aussi saisissantes quand elles émanent de la foule au bord de la révolution.
Le Cher et le Berry sous la pluie
Les rangs étaient beaucoup plus clairsemés sous le crachin castelroussin sur la place de la République à l’heure du rassemblement pour cette nouvelle manif. En fait la pratique du « quart d’heure berrichon » est entrée dans les mœurs des manifestants lorsque le ciel est grincheux et, plutôt que d’arriver dès 10 h, ils ont transformé sur le coup de 10 h 30 un rassemblement riquiqui en manif copieuse. Entre 6 000 et 7 000 participants qui ont néanmoins emprunté le petit parcours. « On ne va pas leur faire attraper du mal », avait assuré Philippe Bonnet, secrétaire départemental de la CFDT, sous la pluie.
Si Magcentre s’est adressé au leader départemental des Oranges, c’est que les drapeaux de son syndicat étaient beaucoup moins présents dans le cortège que lors de la manifestation précédente. « Tout le monde n’a pas voulu braver la pluie, mais on reste mobilisés face aux mensonges du président. Nous restons tous et toutes unis en attendant que le projet de loi soit promulgué, face à un président qui n’a jamais été aussi seul ».
Le responsable CFDT reconnaît que la manifestation n’est pas l’exercice préféré de son syndicat « Nous sommes un syndicat réformiste, mais pas pour n’importe quelle réforme. Là on est face à des gens qui ont une méconnaissance totale du monde du travail ».
Absente du défilé la Confédération Paysanne avait un rassemblement interne programmé ce même jour. En revanche, quelques lycéens apportèrent leur énergie à la tête du cortège. Une énergie bien vite canalisée par les responsables syndicaux qui les firent passer derrière la banderole ouvrant le défilé.
Un peu plus au nord, dans le Cher, les cortèges continuent à rassembler et la mobilisation ne faiblit pas. L’intervention du chef de l’état semble même avoir ravivé la flamme de la contestation chez certains. Notamment à Vierzon où les manifestants (3000 environ) ont envahi les rails au moment de passer près de la gare. Une incartade de courte durée avant de rejoindre l’esplanade La Française pour un barbecue syndical où les conversations se faisaient plus tranchantes, avec un vocabulaire empruntant au lexique de la lutte des classes.
A Blois, la jeunesse était de sortie au sein d’un cortège bien plus consistant que la semaine passée. Partis de la préfecture, les manifestants ont emprunté la voie rapide près du pont Charles de Gaulle avant de rejoindre la place de la résistance.
Pas loin de 10 000 personnes ont été comptabilisées.
A Chartres, l’intersyndicale surprend la préfecture
Ils avaient prévu leur coup. Les syndicats avaient décidé de se la jouer indisciplinés pour cette 9e journée. Se sentant méprisée par Macron et son gouvernement, l’intersyndicale s’était déployée dans l’après-midi à quatre endroits différents de la ville pour former autant de cortèges et ainsi tenter de bloquer tout le centre-ville. L’ensemble des syndicats semblent se lasser du caractère routinier des parcours enregistrés en préfecture et pourraient réitérer ce genre d’initiative lors des prochaines journées de grèves.
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