Le CDN d’Orléans programmait cette semaine, « En Transit », spectacle où l’absurde envahit les salles d’attente des aéroports ou des zones portuaires, ces lieux où cohabitent Kafka et Beckett.
Par Bernard Thinat
Au départ, il y eut le roman d’Anna Seghers, « Transit », écrit en 1944 en exil au Mexique, qu’elle avait rejoint au départ de Marseille. Dans son roman, elle met en scène dans la cité phocéenne, femmes et hommes, allemands et français, fuyant l’avancée de l’armée nazie, sachant bien que la zone libre serait bientôt occupée. Toutes et tous sont confrontés à un univers kafkaïen où la recherche du visa et autres documents, d’un bateau en partance, s’avère un combat des plus difficiles. Elle a donc connu ce qu’elle raconte dans son roman.
Puis il y eut les adaptations cinématographiques éponymes de René Allio en 1991, et plus près de nous, en 2018, de Christian Petzold. Voir ici un commentaire à sa sortie.
Enfin, et c’est ce qui a donné naissance à cette pièce de théâtre, un imbroglio survenu à l’aéroport de Munich : le metteur en scène Amir Reza Koohestani en partance pour le Chili est mis en garde à vue pour être resté 5 jours de trop dans l’espace Schengen. En cause, deux visas différents à son nom. Il retournera à Téhéran.
Sur le plateau, des cloisons mobiles, des cabines en verre qui circulent, l’ensemble symbolisant l’impossibilité de se faire entendre, de circuler librement. C’est Munich, mais ce pourrait être Marseille. Trois langues, le français, l’anglais et le persan, sorte de tour de Babel dans une ville où l’on afflue, hier venant de France, d’Allemagne ou d’ailleurs, aujourd’hui, d’Afrique par la mer. Ville terre d’accueil où l’on passe, ou l’on reste…
Photo Magali Dougados
Le metteur en scène, Koohestani, mélange les époques, les langues, les situations des uns et des unes, recourant souvent à la vidéo, les visages en très gros plan sur le mur du fond de plateau. Des extraits du roman d’Anna Seghers sont lus, venant heurter ceux qui 80 ans plus tard, affrontent l’imbroglio des visas.
Et quatre femmes sur le plateau ! Alors que l’une d’elles est le double du metteur en scène. Pour des raisons théâtrales, dira-t-il. Peut-être aussi en hommage à Anna Seghers, pour éviter la confrontation des genres, pour permettre à chacune d’endosser des rôles très différents… Certes, un spectacle délicat, mais pas simple à appréhender, reconnaissons-le.
Au final, l’une des actrices nous dira toute l’émotion qui les a envahies tout au long du spectacle, lequel tourne depuis un an, de la Comédie de Genève où il a été créé, en passant par le Festival d’Avignon, et en ce jeudi soir à Orléans où c’était la toute dernière représentation.
Photo B.T;
Avenir du CDN d’Orléans
Avant que ne débute le spectacle, Séverine Chavrier, Directrice du Centre Dramatique National d’Orléans, a pris la parole comme elle l’avait fait il y a quelques semaines, lorsqu’elle avait lancé un cri d’alarme concernant l’avenir du CDN.
Si certain n’y a vu qu’élucubration, pourtant les faits sont là, et comme on le sait, les faits sont têtus. A ce moment et encore aujourd’hui, aucun appel à candidature n’a été lancé par le Ministère afin de lui trouver un ou une remplaçante puisqu’on sait qu’elle quittera Orléans le 30 juin pour diriger la Comédie de Genève.
Elle a donc remercié tous ceux et toutes celles qui ont apporté leur soutien au CDN d’Orléans, notamment au travers de la pétition qui a recueilli plus de 3 000 signatures, et a eu le plaisir d’annoncer avoir reçu l’assurance du maintien du CDN à Orléans ainsi que son label. Ce qui a déclenché de chaleureux applaudissements dans la salle. Elle a enfin souhaité que sa ou son successeur ait les moyens de mener à bien la politique de création avec la belle équipe qui l’a accompagnée tout au long de son parcours artistique à Orléans.
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