Le vendredi 10 mars dernier, le maire LR de Joué-lès-Tours Frédéric Augis démissionnait de son poste de président de Tours Métropole avant de se porter candidat dans la foulée. Une manœuvre “particulière” encouragée par la gauche qui soulève pas mal d’interrogations. Eclairage.
Par Joséphine Ka
Ce vendredi, et totalement à contre-tempo des préoccupations des citoyens – une habitude pour la métropole semble-t-il –, va avoir lieu selon toute probabilité la réélection de Frédéric Augis à la tête de Tours Métropole Val de Loire (TMVL) avec l’assentiment de tout ou partie de la majorité « union de la gauche » de la commune de Tours. La chose intéresse d’abord les politiciens et les agents métropolitains qui ne savent pas à quelle nouvelle sauce ils vont être mangés, en un gaspillage de temps et d’énergie qui interroge sur les priorités de pas mal d’élus, sans autre projet politique que de faire ronronner un consensus gestionnaire.
Brève histoire de la présidence
En 2020, c’est Wilfried Schwartz qui était élu au poste de président, avec l’avantage d’être un ancien du PS et en même temps proche de Philippe Briand (LR), et ce alors que – je le certifie – tous les élus savaient ce qui se passait dans sa commune de la Riche. Mais “bon, ça allait changer, pis bon, rien n’est tout noir ou tout blanc, les syndicats exagèrent, c’est cool, faut aller de l’avant…”
En 2021, après l’épisode de la gifle que M. Schwartz a donné à son directeur de cabinet, rebelote pour une élection, et cette fois, la droite en a profité pour rafler la mise, imposant un pseudo-compromis inacceptable pour la gauche, qui est sortie de l’exécutif – mis à part quelques ovnis politiques locaux comme Christian Gatard dont le positionnement n’a même pas été prévu par les tablettes mayas -. Pire, la droite ne se sentant plus de limites, M. Augis a carrément proposé des postes exécutifs à des personnages dont la légitimité électorale se compte en pourcentage sur les doigts de la main, par exemple Benoist Pierre (LREM à l’époque) et Thibault Coulon (LR tendance manif pour tous). Sans même parler d’élus à la légitimité entachée de procédures judiciaires en cours ou terminées, tels M. Schwartz et M. Briand qui ont obtenu de belles vice-présidences dans cet exécutif de bric et de broc.
La majorité métropolitaine s’est dès lors distendue rapidement à cause de problèmes de casting et par manque de leadership de Frédéric Augis qui prenait enfin un premier rôle en dehors de Joué les Tours, présumant peut-être de sa carrure, lui qui a été essentiellement dans l’ombre de Philippe Briand. La seule cohérence observée dans ces 20 mois de mandat a été la volonté de couper les robinets de financement à la ville de Tours, afin d’assécher les finances de la commune, mettre des bâtons dans les roues d’Emmanuel Denis, maire EELV de Tours, et tout faire pour qu’il accumule un bilan catastrophique en vue des municipales de 2026.
Mais en réalité, depuis septembre 2022 et la confirmation de la condamnation en appel pour l’affaire de la gifle, Wilfried Schwartz a été lâché par la majorité métropolitaine qui lui avait pourtant voté la protection fonctionnelle afin de lui payer ses frais de justice. Le retrait relatif de Philippe Briand après l’épisode bracelet électronique et son repli sur ses affaires privées, a laissé plus de marge à Frédéric Augis qui a tenté une drôle de manœuvre : se rapprocher du maire EELV Emmanuel Denis, lui-même très isolé. Depuis lors, les attaques de la majorité de gauche envers Augis se sont évanouies, telle une demande de rendez-vous de Laurent Bergé à Emmanuel Macron.
Sceller le rapprochement
Ce 17 mars c’est ce rapprochement qui sera scellé, affichant une belle illisibilité, appuyé par un pacte avec ceux-là même qui ont tiré dans les pattes de Tours, qui se sont acharnés contre « les écolos-vélo-bobo », qui ont vomi la Nupes en 2022 et qui ont globalement accepté la réforme des retraites comme leurs copains de l’Assemblée ces dernières semaines. Pire, il ne faut pas être devin pour comprendre ce qu’Augis a certainement derrière la tête : fracturer l’opposition de droite de Tours pour éviter qu’une figure concurrente ne puisse émerger et lui faire ombrage, les relations Augis-Bouchet étant très très fraîches ; maintenant qu’il va falloir passer trois ans à faire des économies dans un contexte d’inflation, associer la gauche à l’exécutif est un cadeau empoisonné qui la forcera à avaliser des réductions de budgets et de masse salariale : il est évident que la Métropole n’aura aucun bilan à présenter en 2026. Alors autant associer la gauche à cet échec… et on peut être certain qu’Emmanuel Denis aura à assumer lui-même le serpent de mer de la deuxième ligne du Tram et à en encaisser une partie de la perte politique, pourtant à mettre au passif du duo Schwartz-Augis.
Pourquoi ?
La question est : pourquoi Emmanuel Denis accepterait une telle proposition ? Difficile à comprendre, même s’il est clair que le PS et pas mal d’EELV le poussent à accepter. On a ainsi l’impression que pas mal d’écologistes devenus chefs d’exécutif depuis 3 ans ont une sorte de complexe d’infériorité : ils veulent à tout prix montrer que oui-oui ils sont raisonnables, pas dogmatiques, responsables, pragmatiques, attachés à un équilibre budgétaire de bon aloi, terrorisés à l’idée que la presse ou que la vieille droite donneuse de leçon, particulièrement idéologique quand on la voit naviguer entre néo-libéralisme délirant et pré-racisme RN, puissent dire que les Verts sont « radicaux ». Le buzz de la droite sur de fausses polémiques autour des sapins de Noël, du Tour de France et/ou des menus végétariens, ont eu un bel écho dans la presse locale. Mais au lieu de rendre les coups ou de faire ce qu’une personne de gauche doit faire par principe – argumenter de manière plus complexe et subtile que la droite démagogue du pseudo-bon-sens -, on a l’impression que les maires écologistes s’excusent de vivre, que « oui, nan mais les impôts oui euh nan bah désolé mais on n’avait pas le choix… euh oui nan pardon ».
C’est inquiétant pour la suite et cela démontre bien que Tours Métropole ne correspond à aucune réalité mais juste à un joujou hors-sol voulu par deux barons un peu mégalos – Jean Germain (PS) et Philippe Briand (LR) – et par quelques grisonnants nostalgiques de la métropole des notables, celle où on décide la distribution des équipements collectifs lors de déjeuners informels chez untel ou untel.
Pourtant, avec les mutations de l’agglomération, son extension et la fusion des communes en un continuum urbain, il est clair que l’échelon métropolitain est pertinent, mais comme vrai échelon politique. Et si, au lieu d’aller faire mumuse avec des mecs en costard-cravate qui les ont méprisés et rendu la vie difficile, la majorité de Tours ne portait pas pour 2026 un vrai projet pour la métropole, avec un programme commun clair et transparent pour toute la métro, des investitures pour les listes affiliées de toutes les communes et un travail de fond sur les axes de développement, plutôt que de continuer à improviser une politique de notables au coup par coup, croyant que les électeurs de gauche vont les remercier d’avoir tendu la main à Augis ?
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