La journée internationale des droits des femmes est l’occasion chaque année de faire un état des lieux de la condition féminine dans le monde. Un monde qui justement pourrait être meilleur en devenant féministe. C’est la thèse de l’autrice orléanaise Lauren Bastide dans Futur.e.s, comment le féminisme peut sauver le monde.
Par Sophie Deschamps
Manifestation contre les violences masculines. Paris 12 novembre 2021. Photo Sophie Deschamps
Futur.e.s, comment le féminisme peut sauver le monde de Lauren Bastide publié en novembre 2022 aux éditions Allary est un essai stimulant et optimiste. En effet, il regorge de pistes concrètes pour un monde meilleur. Car comme elle l’énonce avec conviction dans son prologue : « Parler des femmes, c’est parler de tout. » Elle s’applique surtout à démontrer « que le futur féministe de mes rêves les plus fous est déjà là, concret, en train de se matérialiser sans que personne n’en ait tout à fait conscience ». Des solutions qui ont pour nom le care, « une bombe politique, un outil capable de réévaluer l’exercice du pouvoir », l’écoféminisme ou bien encore la justice restauratrice.
Avec aussi l’urgence, face à la montée du fascisme en France et ailleurs dans le monde, de faire taire nos différences pour nous opposer collectivement à ce danger imminent.
Le fil rouge de sa sœur Julia tuée en 2005 à Orléans
Mais il faut également s’arrêter à l’histoire singulière de Lauren Bastide. Car cette Orléanaise de 42 ans est la grande sœur de Julia Bastide, à laquelle ce livre est dédié. Celle qui a fait la Une des journaux en 2005. Car froidement abattue à bout portant sur le campus d’Orléans la Source par un homme qui ne supportait pas qu’elle refuse d’être sa petite amie. Elle avait alors 20 ans. Notons qu’à cette époque, Le Figaro avait osé titrer « Le coup de folie meurtrier d’un amoureux éconduit ». Lauren Bastide en tire cette analyse : « Il est communément admis, médiatiquement et culturellement, que l’attachement ou l’attirance qu’un homme porte à une femme peut le conduire à accomplir “un coup de folie” » . Saluons au passage le travail des associations féministes grâce auquel nous parlons aujourd’hui de “féminicide” et non plus “de crime passionnel”. Des meurtres désormais rangés dans la catégorie “faits de société” et non plus dans la rubrique “faits divers”.
Lauren Bastide en profite également pour dénoncer les manquements de l’Université d’Orléans. Cette dernière n’avait pas jugé utile, à l’époque, de poster un policier à la porte de la salle d’examen où Julia présentait sa soutenance. Et les choses ne changent guère. Ainsi, cette femme tuée dans la Somme le 3 mars 2023 par son ex-conjoint alors qu’elle avait plusieurs fois porté plainte contre lui.
L’intérêt de ce livre est aussi que Lauren Bastide nous entraîne avec elle dans sa réflexion. Pour nous dire notamment que l’usage de la violence ne règle pas les violences commises. C’est ainsi qu’elle écrit p.294 : « Il a fallu que je caresse pendant quinze ans le projet de tuer l’assassin de ma sœur pour aboutir à l’idée que je voudrais plutôt lui parler pour pouvoir être réparée. » Elle indique en effet p.187 : « Pas un instant je n’ai ressenti le moindre soulagement, ni le moindre sentiment de réparation à la suite de ces sanctions ». (le meurtrier de sa sœur a été condamné à la perpétuité lors d’un premier procès puis à 22 ans de sûreté lors du second, NDLR)
Un livre utilement dérangeant
Un long chapitre est consacré au viol et aux violences sexuelles. Un texte qui lui a demandé six mois “d’attente” avant de pouvoir l’écrire. Avec ce rappel primordial que « le viol n’est pas une arme utilisée par les hommes contre les femmes. C’est un outil de dressage imposé par des dominant.es sur des dominé.es ». Sans oublier que « les premières victimes de viol, ce sont les enfants. »
Cet ouvrage dérangeant nous oblige aussi à déconstruire nos perceptions du monde. Et surtout ces évidences que nous n’interrogeons jamais : la fausse binarité des deux sexes, la politique carcérale, sexiste et raciste et plus généralement nos biais de femmes et d’hommes blancs privilégié.e.s.
En un mot, c’est un essai audacieux et précieux qui donne de l’espoir. À mettre donc entre toutes les mains et surtout celles… des hommes.
Couverture livre Futur.e.s comment le féminisme peut changer le monde de Lauren Bastide
À lire aussi sur Magcentre : La nocturne féministe de Najat Vallaud-Belkacem à Orléans