Actuellement, Dinara Drukarova court l’Hexagone afin de présenter son film, Grand marin, adapté du premier roman de Catherine Poulain, paru en 2016 aux éditions de l’Olivier. L’actrice à la longue filmographie – que l’on a vu aussi à la télé dans
Le Bureau des légendes – passe derrière la caméra et devient réalisatrice pour ce premier long métrage.
Par Izabel Tognarelli
Dinara Drukarova est née à Saint-Pétersbourg, à une époque où cette ville s’appelait Leningrad. Mais finalement, ce qu’a connu Dinara coïncidait bien mieux avec l’image que nous avons d’une ville à l’architecture soviétique, voire stalinienne, plutôt qu’aux beaux palais de la ville de Pierre le Grand. A dire vrai, rien ne prédisposait cette petite fille – élevée seule par sa mère célibataire, tout au bout du bout d’une banlieue ouvrière – à faire carrière dans le cinéma. Loin des strass et des paillettes, une actrice toute simple s’est confiée à nous, les yeux dans les yeux, sans fard.
Six années de préparation
La genèse de ce premier long métrage en tant que réalisatrice a duré six ans. Six années de recherche, d’écriture de scénario, de stages en mer dans différents pays, parce qu’elle ne connaissait rien de la pêche. « Si je voulais raconter cette histoire avec une certaine vérité, il fallait que je voie comment ça se passe. Donc, j’ai pris la mer, je suis sortie en mer avec des pêcheurs de pays différents, pour connaître ce monde. Tout était passionnant : découvrir la pêche, entrer dans ce monde d’hommes, se retrouver parfois en danger : tous les sens s’éveillent. Chaque instant était vital ».
Le tournage a eu lieu en 23 jours, en Islande, avec un petit budget. « Ce fut un tournage très éprouvant. On a beau avoir une certaine énergie – à soulever des montagnes –, on est aussi rempli de peurs et de doutes. D’autant que j’ai choisi une configuration assez compliquée : jouer et réaliser. Porter tout un long métrage, toute une histoire en tant que personnage principal, c’est déjà une épreuve en tant que comédien, mais être en plus le capitaine de l’équipe de tournage… ».
De ce tournage, Dinara est sortie vidée, épuisée : « Je suis vraiment allée au bout de moi-même. J’avais l’impression de sentir le brûlé à l’intérieur. J’étais en cendres. Après, tu es comme un phœnix. J’aime bien cette métaphore. Pour moi, c’est exactement ce qui s’est passé : pour renaître il fallait d’abord que je brûle jusqu’aux cendres. Mais, je suis contente de pouvoir renaître ! Pour le même prix, j’aurais pu… J’aurais pu ne pas… Voilà. Tout le monde ne passe pas : j’aurais pu mourir. ».
Tourner un long métrage, pour aller au bout de soi-même
Dans le vacarme et le tumulte du cinéma actuel, Dinara déplore le manque de silence et de poésie. Ces instants suspendus, on les voit notamment dans les paysages islandais et dans le ballet des mouettes : « J’adore ne pas expliquer. Je fais une proposition poétique, chacun voit ce qu’il a envie de voir ». A la fin du film, quand un oiseau tombe sur le pont, le message sera donc reçu en fonction de ce que l’on possède au fond de soi.
La prochaine étape de Dinara passe par le documentaire. « Il y a beaucoup de contraintes en faisant un film de fiction. On nous confie beaucoup de responsabilités. C’est aussi beaucoup d’argent. Et tu te retrouves entouré en permanence de gens. A présent, j’ai envie d’être juste avec ma caméra pour poser mon regard sur les autres. Le documentaire le permet ». Grand Marin, de Dinara Drukarova, est le coup de cœur cinéma de Charlotte Lipinska, critique de l’émission Le Masque et la Plume.
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