Le député Modem du Loiret, Richard Ramos, confirme des réserves sur le projet de la réforme des retraites, examiné en première lecture à l’Assemblée jusqu’à minuit ce vendredi. Et si le Blésois réaffirme la nécessité de faire une réforme, il attend les derniers arbitrages, notamment sur les carrières longues, la pénibilité, les femmes, pour voter ou ne pas voter le texte gouvernemental.
Propos recueillis par Zoé Cadiot
Richard Ramos Député MODEM du Loiret cl ZC
Z.C. Depuis des semaines, vous dites que vous ne voterez pas le texte en état. Au point d’apparaître comme l’un des « frondeurs » de la majorité présidentielle à l’Assemblée. Mais les avancées de ces derniers jours ne vous poussent-elles pas à voter le texte vendredi ?
R.R. Il y a eu des avancées avec la clause de revoyure en 2027, la pénibilité, les carrières longues… Mais il reste des inquiétudes, des réserves, partagées par beaucoup de monde comme j’ai pu le constater ce week-end dans ma circonscription. Je regarde dans les faits, soit amendement par amendement, que les engagements soient pris. Car la confiance, comme disait mon grand-père, n’exclut pas le contrôle. Et chez moi, à Fay-aux-Loges, c’est seulement à la fin de la foire qu’on compte les bouses.
Avec l’annonce d’un âge légal de départ à la retraite à 64 ans, vous devriez donc voter le fameux article 7, qui acte le report de l’ouverture des droits à la retraite…
Je suis constant. J’avais dit que si on décalait de 65 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite, je voterai cet article même si pour moi le critère des annuités de cotisations me semble plus pertinent.
Que vous inspire la polémique des 1.200 euros brut minimum ?
Sur ces 1.200 euros, tout le monde a fait preuve de malhonnêteté. Car l’écart entre le brut et le net est faible pour les petites retraites. Maintenant ce qui a été soulevé par l’économiste Michael Zemmour et d’autres, doit être regardé de plus près. Arrêtons de penser que ce texte sortira de l’assemblée comme il est entré. Aussi faisons en sorte que si c’est vrai, cela soit corrigé par le travail parlementaire. En ce moment, je discute beaucoup avec des socialistes qui ne se retrouvent pas dans LFI. A l’image du sénateur du Loiret, Jean-Pierre Sueur. C’est avec des convictions et des gens modérés qu’on peut construire dans la durée. N’oublions pas que dans cette réforme, nous devons aussi équilibrer les comptes.
Pour atteindre cet objectif, toujours favorable à une autre source de financement comme la taxation des superprofits ?
Le Modem a porté cet automne l’amendement sur la taxation des super-dividendes. Et je suis sur cette ligne-là : il faut taxer les superprofits. Je rappelle aussi que François Bayrou a dit que les entreprises devaient dans cette affaire prendre une partie de leur part. A hauteur de 0,5 %.
Evoquer tardivement les entreprises, n’est-ce pas une manière de reconnaître que cette réforme n’est pas tout à fait juste….
On ne peut pas dire juste ou pas juste. Vous avez vu la complexité ! En fait, la réforme est nécessaire. Je le répète. Et je ne vais pas me faire que des amis en le disant, et en rappelant que j’étais pour la réforme par points. Je ne change pas d’avis. Je regrette qu’on n’ait pas eu le courage de la remettre sur la table avec une démographie défavorable au financement de notre système de retraite par répartition. C’est pour cela que je veux une clause de revoyure en 2027.
Seriez-vous favorable à un rééquilibrage des pensions de retraite entre les femmes et les hommes, et comment pourrait-il s’opérer ?
Oui ! Dans le calcul des droits, on pourrait donner des super bonus aux femmes qui ont eu des enfants. En augmentant par exemple le nombre de trimestres validés par enfant mais aussi en les monétisant. Ces trimestres ne doivent plus seulement être validés, ils doivent être cotisés. Il faut mettre un montant derrière ces trimestres. Arrêtons de pénaliser les femmes qui font des enfants. Il faut que ce soit un vrai bonus et non un malus dans l’ouverture des droits.
A vous écouter, des inquiétudes persistent sur le texte. Si vous ne suivez pas les consignes de votre groupe parlementaire, ne risquez-vous pas l’exclusion ?
S’ils m’excluent, ils excluront quelqu’un qui essaie de représenter le peuple français. Et d’une certaine façon, je m’en fiche. Car ma boussole c’est ma conscience. Et notre conscience nous pousse à avoir conscience qu’on peut changer des destins de vie. Le député Victor Hugo disait quand on appuie sur un des trois boutons (pour, contre ou abstention NDLR) il faut le faire en tremblant. Particulièrement aujourd’hui où le résultat du vote va changer le destin de centaines de milliers de gens.
Pensez-vous que le gouvernement va actionner vendredi à minuit le 47-1 pour limiter les débats, et accélérer le processus parlementaire ?
Il faut se tourner du côté de LFI pour avoir un début de réponse. Est-ce que les Insoumis vont continuer à faire de l’obstruction systématique, avec leurs amendements « virgule » ? L’abandon de milliers d’amendements ces dernières heures laissent penser qu’on pourra peut-être avancer dans le texte jusqu’à l’article 7. Mais est-ce que cela suffira pour discuter la dernière douzaine d’amendements restants d’ici vendredi soir ? La réponse est dans les mains de LFI qui reste divisée sur la stratégie à tenir.
Si le texte n’est pas adopté, on parle d’une dissolution…
Personne dans ma circo ne m’arrête dans la rue pour me poser la question. Ce sont des questions de bobos parisiens et de technos dans les ministères. Je n’en sais rien et je m’en fiche. Moi, ce que je veux c’est changer la vie des gens. Aussi, j’essaie de représenter tout le monde.
Est-ce à dire que vous voyez comme le porte-voix des invisibles ?
Je sens que j’ai l’obligation de l’être. Les gens ne croient plus vraiment à ce que l’Etat, les élus que nous sommes puissent transformer leur vie. Beaucoup pensent que l’économie a pris le pas sur le politique, que les lobbyistes sont plus puissants que les députés… A nous de prouver le contraire. Même si parfois, nos positions peuvent provoquer la colère de nos amis. Il faut une certaine épaisseur pour résister aux injonctions des ministres et d’autres, comme j’ai pu le voir avec la réforme des retraites. Renaissance m’ a incendié, a même demandé ma tête via le député Renaissance Karl Olive (Yvelines NDLR).
Pourtant dans la majorité, certains disent que vous êtes juste dans une posture et que le Modem saura vous faire rentrer dans le rang…
Ils sont malhonnêtes et vous pouvez l’écrire. Et ce n’est pas ce type de propos qui me fera rentrer dans le rang comme ils disent. D’autant que derrière ces mots, il y a le mépris du Parlement, le mépris de la conscience du parlementaire.
Etes-vous surpris du nouveau succès de la mobilisation dans les villes moyennes ?
Je pense que la contestation va au-delà de la question des retraites, elle est bien plus large. Il y a ce sentiment de l’abandon des services publics, de déclassement. Cette sensation, cette réalité d’abandon de la ruralité a fait qu’on a fabriqué les élus RN. Et on fabriquera demain l’arrivée de Madame Le Pen au pouvoir. D’autant que les LR n’ont plus de pensée. Ils pensaient avoir un siège à vie !
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