Deux représentations à guichets fermés, la Compagnie XY, invitée par la Scène nationale, fait un triomphe avec Möbius, un spectacle où l’art du porté est à son apogée. Les corps lancés dans le ciel volent comme des oiseaux. Incroyable nuée, énergie folle, précision des gestes déploient une chorégraphie de l’impossible. La pesanteur perd toujours dans le jeu de ces circassiens géniaux.
Par Bernard Cassat
Les corps s’élèvent vers les cintres. Photo Christophe Raynaud de Lage
Ils arrivent de partout, tous habillés de noir. Du fond de la scène, à droite, à gauche, ils traversent même la salle. Tranquillement, ils investissent l’immense plateau blanc dégagé de ses coulisses et rideaux, un espace large et haut. Une vingtaine. Une nuée, en fait, qui se met en mouvement. Une chorégraphie mouvante fait onduler le groupe. Et soudain, une jeune femme-oiseau vole, lancée par son entourage, et puis une autre. Ca n’arrête pas, les mouvements du groupe au sol, les envolées incroyables en l’air. Ils se regroupent par deux, par trois, l’un d’eux monte sur les mains des autres, est propulsé en l’air à une hauteur vertigineuse et retombe dans les bras des autres. Quelques solides porteurs-lanceurs semblent organiser ces jeux de voltige comme on mettrait une lettre à la poste. D’ailleurs les petits oiseaux qui volent semblent de joyeux messages envoyés à la pesanteur dans un jeu merveilleux qui défie ses lois.
Des corps circulent dans tous les sens
Et puis ça se complique. Ils se montent sur les épaules, se portent les uns les autres. Les figures du groupe ne sont plus seulement au sol, mais sur un, sur deux étages. Ils changent d’épaules à la volée, retombent en souplesse. Les vols d’oiseaux continuent, ceux d’en haut rattrapent ceux qui passent dans un incroyable ballet incessant de corps qui circulent dans tous les sens. Et qui de temps en temps, en transition, restent au sol et courent comme seuls les danseurs savent le faire. Et puis les voltiges reprennent, des jeunes femmes menues tournoient en l’air ensemble, en se synchronisant. Des colonnes humaines se forment, un étage, deux étages. Les porteurs d’en bas semblent toujours à l’aise, même lorsqu’ils sont escaladés par des grimpeurs qui viennent former un troisième étage. On pense aux castells catalans, ces tours humaines qui rassemblent un nombre considérable de participants.
Deux moments de tours qui vacillent. Photos Christophe Raynaud de Lage
Et puis ils redescendent et tombent. Tombent exprès, tombent individuellement, comme vaincus par la force qu’ils viennent de défier, tombent en groupe. Les colonnes tombent. Ils se ramassent l’un l’autre, et le jeu repart. Ils reforment des tours qui doucement, sur le côté, glissent progressivement, récupérées par les autres. Un effondrement volontaire, tout en douceur, harmonieux, amusant, visuellement magnifique. Et ça ne cesse pas, ils repartent dans d’autres figures, combinent l’énergie, se rassemblent puis s’éclatent au sol et en l’air, dans une précision du geste et une joyeuse désinvolture. Un tourbillon d’énergie incessant, comme l’indique le nom de leur spectacle, Möbius. Sur une musique électronique continue elle aussi, avec des moments d’affolement et des moments de calme.
Collectif comme les nuages d’étourneaux
Depuis quinze ans que la compagnie XY pratique et travaille les portés, ils arrivent à une maîtrise de leur art absolument sidérante. Leur spectacle trouve une force particulière dans le nombre d’artistes sur scène. Une démarche que la compagnie applique dans l’ensemble de son travail, fonctionnant en collectif qui partage les savoir-faire et les idées de chacun. Et qui, pour Möbius, a bénéficié de l’apport du chorégraphe Rachid Ouramdane. En deux représentations, 1 800 spectateurs, petits et grands, ont ovationné ces voltigeurs qui ont bien spécifié, avec leur humour d’artiste, que leurs dos n’atteindront pas 64 ans. Ce seront les seuls mots d’un spectacle qui emmène dans les nuages.
Au cours d’une animation de quartier au Mans. Capture du teaser de Samuel Buton
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