Décédé le 11 janvier dernier, l’architecte berruyer Christian Gimonet était précurseur en matière d’impact de l’environnement sur la construction et la forme architecturale. Dès la fin des années 60, pour sa ville, il avait imaginé un Bourges autrement où s’alliaient harmonieusement maisons à pans de bois et concept de « son génie du lieu ».
Par Fabrice Simoes
Les uns qualifient Christian Gimonet de « doux, gentil, sociable » et ajoutent, « parfois il pouvait être assez remonté ». D’autres évoquent un « caractère pas toujours facile au sens noble du terme ! Un mec talentueux mais entier ». Aucun doute que le Berruyer, disparu à 87 ans, ne laissait pas ses pairs indifférents. Ses travaux non plus. L’homme, architecte biberonné à l’aune de Le Corbusier et de Frank Lloyd Wright, ne mâchait pas ses mots dès que l’on abordait les projets d’architectures locales.
Son désaccord avec ses confrères des Bâtiments de France, à l’instar du bâtiment jouxtant le théâtre Jacques Cœur et l’escalier en pierre tout proche, il l’avait fait savoir.
De la même manière, il avait exprimé ses regrets sur des choix architecturaux de plusieurs maires, toutes tendances politiques confondues, qui se sont succédé aux commandes de la ville de Bourges. Il avait suivi de près le dossier de la Maison de la Culture et s’était montré favorable à une réhabilitation sur son site historique plutôt qu’à une nouvelle construction. Par ailleurs intéressé très tôt par le patrimoine, il avait trouvé, dans la capitale du Berry, où il s’était installé dès 1966, un terreau fertile pour s’exprimer. Il l’aurait voulue différente. Par exemple, en 2013, il avait envoyé une volée de bois vert à peine masquée à la Drac. « En fait, les gens de la culture se révèlent incapables de faire ce pour quoi ils sont là. Et les gens de Bourges doivent se secouer pour l’avenir de leur ville », expliquait-il alors au Berry Républicain.
Une exposition à la maison de l’Architecture Centre
Avec pour ambition « de vulgariser les concepts de ses maîtres à penser », en 1969, il avait déjà installé son atelier dans le centre historique de la cité berruyère, dans l’immeuble « Bouriant ». Un bâtiment construit selon ses souhaits. Là, le rôle important des toits dans le paysage urbain berruyer, comme celui de l’Hôtel Cujas voisin, avait été pris en compte. Là, il avait respecté l’alignement de la rue. Par ailleurs, les choix des matériaux intégraient déjà, bien avant d’être aux goûts du jour, la conception architecturale et les contraintes économiques. L’immeuble a même été mis en avant par la Revue des monuments historiques comme « le premier exemple réussi d’intégration d’une maison moderne dans un ensemble ancien ».
Ancien élève de l’Ecole des Beaux-Arts de Paris et du Conservatoire des Arts et Métiers, Christian Gimonet était un novateur. Il l’était à travers ses constantes de concepts bioclimatiques et d’économies d’énergies. Même s’il utilise la pierre, la terre cuite et l’acier, il utilise, dès 1980, l’industrialisation de l’ossature bois. Il a, par exemple, été lauréat de plusieurs programmes nationaux engagés par le ministère de l’Ecologie organisés autour de la filière bois. Un développement qui tend vers une maison à énergie positive, à un coût abordable.
De ses travaux, il restera, dans le Berry, plusieurs structures labellisées « Architecture contemporaine remarquable ». La résidence Le Dunois de la rue Jean-Baffier, l’immeuble Mac-Donald, à Bourges, ont rejoint ainsi la Maison Crevits à Saint-Doulchard en 2019 dans ce catalogue architectural où la cité-jardin de l’aéroport, créée par Henri Laudier, avait déjà sa place. A Châteauroux, la Banque de France, à Vierzon, le Tribunal d’Instance et le Conseil de Prud’hommes de Vierzon sont autant de bâtiments qui portent sa signature.
Il restera aussi une exposition monographique déjà présentée, en décembre 2012, par la Maison de l’Architecture Centre. Elle montrait l’étendue du travail de l’architecte berruyer et couvrait plus de 40 ans de productivité théorique et pratique. Une diversité de dessins, plans, photos, maquettes, interviews, sur les quatre grands principes fondamentaux du travail de l’architecte, mettait en lumière la qualité de sa productivité à partir d’une sélection parmi les 250 projets et réalisations menés à l’époque. On ne cache pas, du côté du MA, qu’un hommage pourrait lui être rendu prochainement, d’une manière ou d’une autre. L’exposition pourrait peut-être retrouver une nouvelle jeunesse.
Plus d’infos autrement sur Magcentre : La cité-jardin de Bourges-Aéroport passera aux bulldozers