[Le billet de Joséphine]
Les résultats sont tombés jeudi dans la nuit, et ils ne sont pas bons, pour aucun des deux camps. Pire, en une séquence qui rappelle les épisodes fratricides les plus sombres de l’histoire du parti, avec une pointe de pathétique façon Fillon contre Coppé lors du combat des caporaux pour conquérir l’UMP post-sarkozyste en 2012, les deux candidats se sont déclarés vainqueurs par communiqués interposés pendant la nuit, offrant un spectacle affligeant commenté avec gourmandise par les médias nationaux, toujours amateurs de déconfiture à gauche. D’un côté, Olivier Faure, secrétaire sortant et artisan de la ligne pro-Nupes après la débâcle électorale d’Anne Hidalgo et ses 1,75% à la présidentielle, de l’autre, un illustre inconnu pour le grand public, Nicolas Mayer-Rossignol, proche du vallsisme et soutenu par la ligne droite du parti et par quelques éléphants voulant régler des comptes politiques.
Olivier Faure, Premier secrétaire du PS, ponctue par un discours largement applaudi l’Université d’été du PS à Blois, le 29 août 2020. cl Jean-Luc Vezon
Un résultat symptomatique
En région Centre-Val de Loire, la fracture est nette et le résultat assez symptomatique des évolutions du Parti socialiste à l’échelle nationale. Déjà, il est à noter qu’il y avait moins de 600 votants, signe de la quasi-disparition des militants dans un PS qui s’est rapidement asséché après l’ère Hollande, devenant désormais une formation de cadres et d’élus, peu capables de mobiliser les citoyens de base. Dans certains départements, c’est Olivier Faure qui l’emporte largement avec plus de 60% des voix et des pointes à 80% (Cher, Indre-et-Loire et Loir-et-Cher), dans les autres, c’est Nicolas Mayer-Rossignol, là aussi avec un score net, supérieur à 60%. Mais au total, et vu le poids de la fédération d’Indre-et-Loire, c’est Olivier Faure qui l’emporte dans la région, à 58%-41%.
L’ambiance de la campagne a été lourde, surtout dans le Loiret, où les tensions sont fortes depuis la présidentielle et les législatives, lors desquelles les figures locales – le sénateur Jean-Pierre Sueur et le président de Région François Bonneau – ont brillé par leur manque de soutien envers la Nupes, ne faisant globalement campagne que pour les candidats PS et boudant largement les autres circonscriptions du département.
Comment expliquer cette attitude qui, vue de l’extérieur, semble une synthèse entre un péché d’orgueil et une tendance suicidaire ?
Un passé orléanais
Déjà, et au-delà des questions stratégiques ou politiques, Olivier Faure paye dans le Loiret son passé orléanais de jeune militant socialiste au lycée et à l’Université ayant laissé derrière lui quelques inimitiés personnelles et probablement des petites jalousies propres au milieu politique.[Certains auraient souhaité le voir candidat à la mairie d’Orléans lors des dernières municipales NDLR] Mais la fracture ne se limite pas à cela. Dans le 45, le PS a plutôt une culture rocardienne, avec un Mouvement des Jeunes Socialistes situé clairement sur l’aile droite depuis 20 ans, avec des accointances naturelles vers le macronisme depuis 2017 et résolument anti-Nupes. Du reste, les deux indéboulonnables barons locaux – François Bonneau bientôt 70 ans et Jean-Pierre Sueur 75 ans – sont loin d’être des chantres de l’union des gauches.
Le premier a un rapport conflictuel avec EELV, surtout depuis les dernières régionales de 2015 et 2020 lors desquelles les candidatures de Charles Fournier ont été mal vécues, malgré les victoires finales grâce à des alliances de second tour, et reste peu à l’aise avec la présence d’élus LFI dans sa coalition au Conseil Régional. Le second, rocardien historique, semble rejouer éternellement le match qui a déchiré le PS depuis les années 80 et même au-delà, avec le départ de Mélenchon, tenant de l’aile gauche du parti jusqu’en 2008. On imagine bien que dans ces conditions, il leur est personnellement impossible de soutenir un Olivier Faure, signataire d’accords avec la France Insoumise de… Mélenchon. Tout cela, avec en toile de fond Hollande, Hidalgo, Assouline et Cazeneuve à la manœuvre pour se venger de l’aile gauche du parti qui est, selon eux, responsable de l’émergence des frondeurs qu’ils accusent d’avoir saboté la présidence Hollande et la candidature Hidalgo.
L’expérience de l’Indre et Loire
Situation très différente en Indre-et-Loire où le PS a participé dès 2019 à cette expérience pré-Nupes unique en France lors des municipales à Tours, remportant une large victoire derrière l’écologiste Emmanuel Denis et les alliés LFI, Génération.s, PCF et EELV, ainsi que des listes citoyennes. En Touraine le discours est clair, point de salut en dehors de l’Union, mais certains ténors semblent craindre que cette énième crise n’emporte définitivement le parti, asséché et sans espace politique entre la Nupes et l’aile gauche de LREM, avec un scénario équivalent au Parti Radical et son encéphalogramme plat peu enviable. On peut d’ailleurs transposer cette analyse dans le Loir-et-Cher, avec l’expérience d’union réussie par le socialiste Marc Gricourt aux municipales à Blois.
Certains à gauche pourraient donc se réjouir de cette situation, tant le ressentiment anti-PS est grand. Tantôt sociaux-traîtres pour les Insoumis, tantôt productivistes à l’insupportable complexe de supériorité pour les écologistes de la Région, le PS est pourtant indispensable à l’Union de la gauche. L’expérience des élus, l’organisation efficace du parti, l’histoire partagée et les réussites passées ne sont pas à négliger, d’autant plus dans une période où les forces centripètes de la gauche semblent reprendre le dessus, avec une LFI empêtrée dans son manque de démocratie interne et incapable de régler le cas Quatennens, une EELV qui n’en finit plus de ne pas décoller et un PCF lunaire en recherche de ligne politique.
Et cela, alors que le macronisme continue de détricoter notre modèle social et avec un RN en embuscade qui n’a qu’à attendre pour cueillir les fruits de l’échec de la gauche à structurer la colère sociale en projet politique.
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