Guillaume Kasbarian : « Non, on ne va pas se retrouver à la rue du jour au lendemain »

Après un premier texte qui simplifie et accélère l’expulsion des squatteurs sans passer par un recours en justice, le député d’Eure-et-Loir et président de la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale,
Guillaume Kasbarian veut aller plus loin avec son projet de loi « anti-squat » et
« loyer impayé ».
Rencontre pour un tour d’horizon.

Guillaume Kasbarian détaille ses ambitions avec son projet de loi « anti squat » et « loyer impayé ». ©Magcentre

Propos recueillis par Zoé Cadiot

Magcentre. Auteur de l’amendement anti-squat de la loi Accélération et simplification de l’action publique (ASAP) de 2020, vous défendez aujourd’hui avec votre loi « anti-squat » et « loyer impayé » un renforcement de la pénalisation de l’occupation illicite. Ce texte, présenté à la suite de faits divers fortement médiatisés, est jugé inutile et démagogue pour vos détracteurs. Que leur répondez-vous ?

Guillaume Kasbarian. Nous avons effectivement depuis 2020 une procédure express d’expulsion des squatteurs qui fonctionne bien. Y compris en hiver car la trêve hivernale ne s’applique pas aux squatteurs. On a donc bien une procédure efficace comme l’attestent les premiers résultats. Dès la première année d’application de la loi, 170 cas de squats recensés et juridiquement fondés ont été traités. Les propriétaires ont ainsi pu récupérer leur bien en quelques jours alors qu’avant, il fallait des mois et des mois de procédure judiciaire pour y arriver. Cela dit, au regard de certaines remontées de terrain, nous devions préciser le champ d’action de la procédure pour couvrir juridiquement tous les cas de figure. Comme nous devions revoir la question des sanctions pénales à l’encontre des auteurs de délits de violation de domicile. Dorénavant, c’est chose faite !

Magcentre. C’est-à-dire…

GK. Suite à l’adoption du texte à l’Assemblée et avant son examen au Sénat, nous triplons les sanctions qui pèsent sur les squatteurs. Dorénavant, ils encourent trois ans de prison et 45 000 euros d’amende. L’apologie et la publicité du squat sont également réprimées. C’est donc tout un arsenal supplémentaire qui permet de sanctionner le squat mais aussi de répondre aux problèmes des impayés à répétition et prolongé dont les conséquences peuvent être désastreuses pour les petits propriétaires. N’oublions pas que nombre d’affaires médiatisées ces derniers mois sont en réalité des affaires d’impayées prolongées et non de squat. Pourtant, personne n’avait vraiment envie de s’emparer du sujet, ni même de voir ce qui passe. Il est donc grand temps de rééquilibrer les choses. Surtout que depuis des années et des années, le législateur a souvent renforcé les droits des locataires en amoindrissant la protection des propriétaires. Alors oui, j’assume de réduire et d’accélérer une procédure judiciaire. Et doublement. Pour la question humaine, je l’ai dit, mais aussi pour la question économique. Dans un contexte de crise locative, il nous faut encourager les propriétaires à louer. Leur apporter une protection au cas où cela se passe mal. Or aujourd’hui, cette protection n’y est pas !

Magcentre. Vous dites « j’assume ». Mais les réticences affichées des associations comme Emmaüs ou celle de la Défenseuse des droits ne vous questionnent pas ?

G.K. Je rappellerai juste qu’à l’époque où j’ai porté par un amendement la procédure express d’expulsion des squatteurs, j’avais exactement les mêmes associations qui montaient au créneau sur le sujet. Et avec les mêmes récriminations ! Ce qui est assez paradoxal, c’est de voir aujourd’hui ces mêmes associations se prévaloir de cet amendement pour dire que le problème est solutionné. Pourtant comment justifier que des personnes ne paient pas leur loyer pendant deux trois ans ? Ce n’est pas parce qu’on est en difficulté que derrière on entraîne la difficulté d’un autre. Philosophiquement ce n’est pas acceptable. Je propose donc de réduire la durée d’une procédure existante et de la simplifier sur la partie locative. Je reste dans un état de droit. Aussi, je rassure tout le monde sur le fait que quelqu’un qui aurait un mois, deux mois même trois mois d’impayés ne va pas se retrouver à la rue du jour au lendemain.

Magcentre. Avec l’inflation et les hausses attendues sur les factures d’énergie, est-ce le bon tempo pour proposer ce texte ?

G.K. L’argument du tempo a été utilisé pendant des années pour ne pas s’emparer du dossier. Je crois, moi, que c’est le bon moment pour le faire. On a une crise du logement avec un déficit d’offres par rapport à la demande, avec des locataires qui paient cher leur loyer et des candidats à la location qui doivent justifier revenus, garants, cautions pour espérer décrocher un bail. Tant les propriétaires ont peur de tomber dans une situation d’impayé. On se retrouve à justifier, à “sur-justifier”…

Magcentre : Est-ce à dire que vous envisagez aussi de demander aux propriétaires des garanties plus raisonnables ?

G.K. Non, ce n’est pas ce que je dis ! Je pense que rassurer les propriétaires sur un risque d’impayé devrait mécaniquement les pousser à être moins effrayés par la situation d’impayé. Mais tant qu’on n’a pas fait la démonstration que l’Etat accompagnait et protégeait les petits propriétaires face à l’impayé, vous ne pouvez pas les empêcher d’avoir peur et d’essayer de couvrir leurs risques. En réalité, le système est profondément injuste.

Magcentre. Adoptée à l’assemblée, la loi doit être prochainement examinée au Sénat. Avez-vous peur qu’elle soit réécrite ?

G.K. On est dans une relation de confiance avec nos homologues sénateurs.

Magcentre. Certes mais cette confiance n’est-elle pas relative sachant que le parti présidentiel est loin d’avoir la majorité au Palais du Luxembourg ?

G.K. Je crois savoir que le Sénat a plutôt envie de se saisir du sujet. Il a déjà travaillé sur ce thème. Le fait donc de reprendre une proposition de loi de l’Assemblée, est une belle opportunité de montrer qu’on travaille ensemble, Assemblée et Sénat. De plus c’est un projet de loi qui reprend nombre d’amendements d’autres groupes politiques y compris du groupe LR. C’est un travail commun des parlementaires. Je suis confiant dans notre capacité à faire fonctionner la navette parlementaire.

Magcentre. Justement comment travaillez-vous avec les députés de la région Centre-Val de Loire ?

G.K. Les échanges, même si parfois on a des clivages forts avec des députés d’opposition de la région, sont cordiaux. Il y a des parlementaires d’EELV ou de droite avec lesquels on discute bien. Je pense par exemple au député LR de l’Indre, Nicolas Forissier, avec lequel je partage à titre personnel une sensibilité libérale. Il y a bien sûr les parlementaires de la majorité avec lesquels le lien est très fort. On travaille en groupe parce qu’on a des problématiques communes comme celle de la désertification médicale. Dossier majeur dans notre région ! A ce sujet, Stéphanie Rist (député Renaissance du Loiret ndlr), qui est rapporteur général du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, proposera en janvier une loi pour lutter contre les déserts médicaux. Et elle sait qu’elle peut compter sur nous.

Magcentre. Et vos relations avec le Rassemblement national ou LFI…

G.K. Je ne négocie pas avec les députés du RN, ni avec ceux de LFI. Je les respecte en tant que député, et en tant que président de commission des Affaires économiques, je leur donne des attributions au même titre que les autres parlementaires. C’est du respect institutionnel. En revanche, sur le plan politique, il n’y a pas d’accord parce qu’il n’y a pas de négociation. Hors de question de monnayer quoi que ce soit !

Magcentre. Est-ce aussi votre position vis-à-vis du chef de file des députés LR à l’Assemblée, l’Eurélien Olivier Marleix tant vos échanges sont souvent à fleurets mouchetés ?

G.K. Il n’y a aucune animosité personnelle. Le sujet n’est pas là. La réalité est que son opposition viscérale, presque obsessionnelle au Président Macron et à sa majorité rend impossible la discussion, la négociation. Il n’en veut pas. A chaque fois que nous tendons la main, il la balaie d’un revers de la main. On a l’impression que toute discussion, toute coalition, tout accord serait vu comme un renoncement alors que pas du tout. Pour preuve, l’écrasante majorité des parlements européens fonctionne aujourd’hui en système de majorité relative. Je trouve que ce n’est pas très malin parce que les Français n’attendent pas des députés que nous bloquons les institutions. Et qu’il me semble aussi que cette position n’est pas partagée par tous les députés LR.

Plus d’infos autrement sur Magcentre: Le député d’Eure et Loir Olivier Marleix prend la tête du groupe LR à l’Assemblée

Commentaires

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  1. Retour du conservatisme le plus éculé ( le Thiers-état) qui considère que les classes populaires sont des classes dangereuses qu’il faut surveiller et punir . N’est t’il pas important de protéger le bourgeois et ses biens ( le 1% des très riches) quitte à amalgamer toutes les pauvretés et les misères avec les mauvais payeurs qui de toute façon s’en sortiront toujours. Le R-haine est un grand inspirateur de lois scélérates pour ce gouvernement qui déshumanisent notre société et fait la chasse aux pauvres.
    L’exemple de cette famille immigrée chassée de chez elle sous les feux médiatiques alimentés par les manipulations de la fachosphère qui a trouvé des relais jusque sur les bancs de l’assemblée nationale ( Amélie de Montchalin et consorts) est oublié !

  2. “Ce n’est pas parce qu’on est en difficulté que derrière on entraîne la difficulté d’un autre. Philosophiquement ce n’est pas acceptable.”
    Ce qui est pour vous Monsieur Kasbarian de la philosophie est pour des millions de personnes en France une réalité crue: la pauvreté, l’exclusion.
    Si jeune et déjà si déconnecté de la réalité !
    Ps: A quelle température est le thermostat de votre maison? De votre Bureau? De l’Assemblee Nationale? ( en vrai!)

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