“La marionnette est le reflet de nos âmes” avance avec passion Frédéric Maurin, directeur de l’Hectare -Territoires vendômois, Centre national de la marionnette. A l’occasion d’une conférence de presse se tenant il y a peu à Orléans, au Conseil régional, ce dernier affirme encore que la marionnette est “l’art de l’impertinence, de l’insolence qui exprime un instant indicible entre la vie et la mort, car le marionnettiste est émerveillé de poser la vie sur un objet inanimé“. Par ces propos, voici en quelque sorte le préambule à la sixième édition de “Avec ou sans fils”, biennale internationale de marionnettes en région Centre Val de Loire qui se déroulera du 20 janvier au 15 février 2023. Une manifestation ouverte à tous et à chacun, enthousiasmante de diversité et d’engagement.
Par Jean-Dominique Burtin
Avec ce rendez-vous, voici une exceptionnelle possibilité de découvrir la richesse et la diversité de la création marionnettiste française et internationale dans toutes ses techniques d’expression. En effet, ce sont bel et bien trente-sept spectacles dont quatre créations qui seront présentés sur le territoire vendômois mais aussi dans l’ensemble de la région grâce à la participation de dix-sept structures culturelles partenaires. Lors de ce rendez-vous empli de sens, et soucieux de la ruralité, près de cent représentations sont programmées en tout public mais aussi en séances scolaires. Ici, avec audace et sens, sont accueillies trente-quatre compagnies de France et d’ailleurs (Belgique, Chili, Suisse, Slovénie, Canada) dont six de la région Centre Val de Loire
Exigence artistique, plaisir, sujets d’actualité
L’exigence artistique et les sujets d’actualité, notamment les violences faites aux femmes, les questions environnementales, tout comme les problématiques liées à l’immigration sont abordées lors de cette édition 2023 qui ne se prive pas de laisser aussi la part belle au pur divertissement et à l’humour. A découvrir, entre autres, “Du balai “, spectacle qui ouvre le festival à l’Escale de Saint-cyr sur-Loire. La compagnie La Bobèche y raconte l’histoire de la rencontre d’un balayeur de rue, bougon et renfrogné, et d’un habitant de la rue, rêveur et rieur. A découvrir encore “Tchaïka”, renversant spectacle de la compagnie Belova-Lacoballi (Belgique Chili) qui est présenté le 26 janvier au Théâtre de la Tête Noire de Saran. Ici, dans les coulisses d’un théâtre, Tchaïka, une marionnette hyperréaliste, interprète une vieille actrice au crépuscule de sa vie mais qui ne sait plus ce qu’elle fait là. S’approchant d’elle, une femme lui rappelle la raison de sa présence, à savoir : interpréter le rôle d’Arkadina dans “La Mouette”, de Tchékhov.
A voir encore, et entre autres, “Battre encore” par la Compagnie La Mue/tte tte, forme qui est présentée le 31 janvier au Théâtre le Minotaure, à Vendôme. Cette pièce explore les rapports de domination et les relations homme/femme à travers le rapport d’un corps et de marionnettes portées. Cela pour évoquer la lutte conjointe des peuples et des femmes qui décident de dire non au pouvoir militaire, et non à l’homme oppresseur. A ne pas rater, si l’on peut, non plus, le “Bal Marionnettique” de la compagnie Les Anges au plafond, Centre national de Normandie Rouen. Elle proposera le 10 février, toujours dans la grande salle du Minotaure, à Vendôme, un grand bal public aux sonorités latines. Sur la scène, cent-vingt marionnettes à taille humaine, attendront d’être chaussées par les danseurs pour entrer sur la piste et prendre vie dans les bras de leurs partenaires avec l’attention des marionnettistes !
Une écoute et des moyens à l’écoute de la vie
A Orléans, au Conseil régional, dans une ville où la compagnie la Tortue Magique, de François Juszezack et Annie Korach enchanta le public dans son petit, mais cependant immense de vérité et de sensibilité Théâtre du parc Pasteur, différentes compagnies sont présentes lors de cette conférence de presse débridée. Voici par conséquent, C’Koi ce cirk qui présente, en février à l’espace Jacques Villeret, à Tours, “Un pansement au cœur”, spectacle dont le visuel “Soyez heureux” constitue l’appel de l’affiche de la Biennale. Place ici à l’histoire de la naissance d’une enfant, atteinte d’une malformation cardiaque et dont le père va dépasser la mauvaise nouvelle, faire front. Il s’agit d’une histoire vraie, revisitée, qui mène à l’espoir au bout du tunnel. Ludovic Harel, auteur : “Il s’agit d’un hommage au fil qui répare un cœur” dit, passeur souriant d’émotion, ce marionnettiste qui a vécu tout cela. Il poursuit :”Il y a là l’évocation du cœur le cœur à réparer et le cœur émotionnel. Sur le plan de la mise en scène, vraiment, je n’ai jamais joué aussi près des gens pour offrir l’intégralité d’une mise à nu.”
A découvrir, aussi, “La promenade de Flaubert” , par la compagnie La générale des mômes issue de la fameuse et belle compagnie du Petit Monde, de Marc Brazey (Avoine). Place, à présent, au cheminement d’un homme qui va se laisser bouleverser par les éléments du temps dans un grand livre ouvert sur la vie. Ici, dans un décor de poésie mécanique, au fil des saisons, soleil et nuage suivent les aventures de Flaubert, promeneur infatigable. Adapté du livre d’Antonin Louchard, ce théâtre à machines miniatures pour marionnettes, comédiens, engrenage et boite à musique à voir en famille, ” conte le destin joueur, le cycle de la vie, et la résilience de tous les jours”.
Et puis voici enfin “Yvette”. Ici, une “jeune équipe de cinquantenaires”, la compagnie Les petites miettes, celle des “invisibles”, comme elle aime à se définir, célèbre avec précaution et écoute l’histoire d’une femme de quatre-vingt-douze ans, dame rencontrée durant cinq ans et qui vit seule dans un minuscule appartement. Une femme qui ne fait pas le deuil de son incapacité mais dont l’élan vers sa fin de vie est précautionneusement évoqué. Cécile Teycheney, auteure de cette forme qui sera présentée à Lailly -en-Val et qui s’inscrit de manière si touchante et prenante dans la saison intitulée Petites formes mouvantes et émouvantes : ” Voici un corps qui se fane et un autre qui l’arrose pour le prolonger un peu. Pour deux femmes, voici une entraide, un chemin côte à côte. Le temps s’étire, ralentit le sang. Dans les veines, la lenteur s’y installe. La vie est là, plus que jamais. Elle scintille, elle fait briller les murs, les yeux, les cœurs. Pour moi, ce fut un luxe d’avoir pu travailler durant cinq ans sur ce projet et de revenir sur une vie tellement pétillante.”
En savoir plus et programme complet détaillé sur : www.lhectare.fr