Après les violents heurts des manifestations contre la méga-bassine de Sainte-Soline il y a un mois et demi, les collectifs Bassines Non Merci et plusieurs organisations associatives, syndicales et politiques se sont réunis jeudi 15 décembre devant le siège de l’Agence de l’eau Loire Bretagne pour protester contre le financement de nouveaux projets. Une délégation a même été reçue par une partie du conseil d’administration.
Par Mael Petit
Ils faisaient leur retour après l’épisode de Sainte-Soline. Mais cette fois dans une ambiance un peu plus apaisée, sur un ton rieur voire même moqueur. Loin des affrontements avec les CRS dans les champs Deux-Sévriens fin octobre, quelques 200 anti-bassines s’étaient donnés rendez-vous chez « les financeurs » basés à Orléans. Car après l’opposition musclée sur le site de construction de la réserve d’eau à Sainte-Soline qui avait « le mérite de déclencher une prise de conscience des pouvoirs publics » d’après les manifestants, il fallait maintenant s’attaquer à « ceux qui arrosent d’argent public les nouveaux projets de méga-bassines ». En effet le conseil d’administration de l’Agence de l’eau Loire Bretagne doit se prononcer dans les prochains mois sur le financement de 30 nouvelles méga-bassines dans la Vienne.
Une délégation reçue mais…
Les différents collectifs avaient donc pour revendications l’arrêt immédiat des financements ainsi que la mise en place d’un moratoire sur les chantiers de ces retenues d’eau artificielles qui doivent permettre l’irrigation des cultures notamment dans la région du Poitou. Des représentants de collectifs mais aussi des élus ont pu prendre la parole micro en main pour dénoncer le soutien financier de l’Agence de l’eau pour l’élaboration de ces projets. « Ces méga-bassines ne sont absolument pas adaptées pour répartir équitablement et efficacement l’eau, commence Dominique Mallet, maraîcher à la retraite et militant de la Confédération paysanne, il faut un système d’irrigation sobre et raisonnable, repenser nos pratiques et s’adapter aux nouveaux enjeux environnementaux. Maintenant on arrête cette folie et on met tous les acteurs de l’eau autour d’une table. »
Justement ça tombe bien. L’Agence de l’eau était encline à recevoir une délégation. Composée d’élues et de représentants de Bassines Non Merci, elle était attendue impatiemment par le reste des manifestants frigorifiés par les faibles températures. Ressortie du siège sans grand enthousiasme, la délégation a quand même pu faire passer ses messages. « Ca peut paraître surprenant mais on leur a appris des choses sur ces projets de bassines. Tout décideur des fonds qu’ils attribuent, ils leur manquent pourtant des pans d’informations », dévoile le député européen Benoît Biteau, surpris. Même son de cloche pour Julien le Guet, porte-parole de Bassines Non Merci.
« Nous leur avons donné quelques informations qui les ont fait tomber de leur chaise. L’état critique du niveau de nos cours d’eau et des nappes phréatiques qui ont souffert cet été doit justifier un gel de tout financement, annonce-t-il avant de préciser les demandes formulées. Nous souhaitons plus de transparence et de détails sur les aides versés aux projets de bassines ainsi que sur l’efficacité de ces opérations. Toutes les réunions sur la gestion de l’eau doivent être rendues publiques à l’image des conseils municipaux ».
Pourtant des recours juridiques sont toujours en cours
Les porteurs de messages ont donc été écoutés mais reste à savoir s’ils ont été entendus. Car de l’aveu même de la délégation, l’entretien ressemblait plus à un monologue qu’à un réel échange. Peu de réponses aux questions posées et encore moins d’engagements obtenus de l’Agence de l’eau. Les financements pour la construction de retenue d’eau devraient donc se poursuivre.
« Ils semblent toujours très enclin à payer des bassines quitte à ce que les recours les désignent comme illégaux rétroactivement », déplore Julien le Guet. Effectivement, plusieurs projets font l’objet de recours juridiques toujours en cours. Une situation que dénonce Benoît Biteau : « J’ai demandé à la préfète comment ces projets de méga-bassine pouvaient avancer, tel un rouleau compresseur, alors que des recours ne sont toujours pas épuisés sans que nous puissions intervenir pour mettre en pause ces projets, qu’on les évalue et vérifie le bon usage de l’argent public. On nous reproche d’être des écoterroristes sur des manifestations alors que l’Etat de droit n’est pas respecté par ceux qui financent ces méga-bassines ». Au sortir de cette journée de mobilisation, pas loin de penser que cette tentative de dialogue est finalement un coup d’épée dans l’eau. Mais les anti-bassines préviennent, Julien le Guet en tête. « Qu’ils le sachent bien, on reviendra ici ! L’Agence de l’eau c‘est notre nouvelle maison. On va finir par habiter ici ! ».
Méga-bassines, solutions contestées
Les méga-bassines sont d’immenses réservoirs d’eau artificiels à ciel ouvert. Avec la multiplication des périodes de sécheresse, de plus en plus de bassins sont créés en France. Servant à irriguer les cultures l’été, l’eau de ces bassins est directement pompée dans les nappes phréatiques ou les cours d’eau pendant l’hiver. Ces bassines font l’objet de grandes contestations de la part du monde paysan et des associations environnementales pour plusieurs raisons. Outre la pression sur les nappes phréatiques ou les cours d’eau qui peinent à se réalimenter depuis cet été, les anti-bassines dénoncent un déséquilibre durable des sous-sols accompagné d’une fragilité de l’écosystème environnant. Ajouté à ça une évaporation due à un stockage en surface, la qualité de l’eau pourrait aussi être affectée par le phénomène d’eutrophisation avec l’apparition de bactéries et de microalgues, selon plusieurs scientifiques.
De plus, les opposants parlent « de privatisation ou d’accaparement de l’eau de quelques agriculteurs ou agro-industriels pratiquant une agriculture intensive contraire au modèle paysan », selon l’organisation Luttes Locales Centre, présente lors de cette manifestation.
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