Dans un film très réaliste, Blandine Lenoir raconte le Mlac, mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception. Son personnage d’Annie Colère le découvre et nous guide dans cette histoire maintenant partie prenante de la grande Histoire. Une leçon très juste mais aussi un film sensible et touchant, servi par des actrices convaincantes.
Par Bernard Cassat
Des réunions clandestines mais chaleureuses. Photo Aurora Films/Local Films
L’histoire du film, l’évolution sur un peu plus d’un an (l’année 74-75) d’Annie, modeste matelassière d’une petite ville, nous fait entrer doucement dans le vif du sujet. En suivant de manière très didactique sa découverte du problème de l’avortement dans ces années-là, le film nous raconte le Mlac, le mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception. C’est pour résoudre son propre cas qu’Annie le découvre. Et c’est à cause de la mort de sa voisine qu’elle va s’y investir vraiment.
De nombreux avortements dans un milieu respectueux
Blandine Lenoir suit pas à pas cette découverte, listant tous les problèmes qui se présentaient alors. La clandestinité en premier lieu. Annie rencontre les femmes du Mlac au fin fond d’une librairie. Un groupe de militantes accueille et prend en charge celles qui cherchent un avortement. Elles proposent une aide apaisée pour cet acte terriblement violent, cherchant au maximum la puissance de la parole, l’échange sans hiérarchie ni jugement, la bienveillance de la solidarité et l’éducation pour comprendre leur propre corps. Toutes les questions sont abordées dans le film. Les problèmes de contraception (pourtant légale depuis la loi Neuwirth de 1967), de domination du mari, les différences de réactions suivant les femmes, les très jeunes filles qui sont totalement seules face à leur problème, la peur de la douleur. Au fur et à mesure de l’avancée du film, qui n’hésite pas à mettre en scène de nombreux avortements par la méthode par aspiration, on découvre aussi différentes manières de vivre ce moment marquant d’une vie, et de le vivre, avec cet environnement, de manière supportable, parfois même apaisée. Les nombreux visages, les différentes expressions, les différents âges et origines sociales documentent avec beaucoup de réalisme la pratique de la méthode Karman par aspiration. Un schéma l’explique. Transmis par une militante à une femme, la caméra le saisit et nous le transmet aussi.
Ne pas laisser l’avortement à la médecine
Le premier rôle du Mlac est bien sûr l’avortement, puisque dans ces années-là, le problème est crucial. Mais ce mouvement a une vue beaucoup plus large de la question des femmes. Là encore, Blandine Lenoir aborde tous les aspects. La puissance des groupes militants, l’importance des débats au sein des groupes, la politisation progressive, de la prise de conscience à une idéologie construite et développée soutenue par des personnalités comme Delphine Seyrig, dont une intervention documente le film. Et surtout elle montre la prise en main d’un énorme problème politique et sociétal par celles qui sont concernées. Il ne s’agit pas de laisser l’avortement aux médecins. Au contraire, c’est aux femmes de décider, aux femmes de réaliser. Et on pense rétrospectivement à la question du sida, dix ans après, qui elle aussi verra une énorme dynamique de concernés prendre en main le problème.
Annie Colère dans sa vie de famille. Photo Aurora Films/Local Films
Du Mlac à d’autres formes d’organisations
En janvier 1975 est votée la loi Veil, qui légalise l’avortement. Le Mlac n’avait donc plus de raison d’exister. La politisation des groupes de militantes amène les femmes à d’autres types d’action pour garder la main sur leur destin. Annie Colère vit toute cette histoire du début à la fin. Blandine Lenoir la regarde avec un point de vue très intime, la montrant dans sa famille et dans son travail, ses déplacements à vélo, ses problèmes de garde pour son jeune fils et de relations avec sa grande fille ado. Elle évite ainsi de s’enfoncer dans le seul coté documentaire pour raconter cette histoire sans pathos. Le réalisme du film, son didactisme explicatif qui colle à une analyse du mouvement sont ainsi amoindris par l’incarnation du personnage d’Annie, en l’occurrence Laure Calamy, une fois encore totalement crédible. Et même si les réunions sont un peu trop feutrées, l’ambiance des années 70 est là. Blandine Lenoir indique même, par une fin très positive, l’espérance que cette période de lutte a amenée aux femmes.
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