La Scène nationale propose Les femmes ça fait PD ?, un spectacle d’Anouck Hilbey qu’elle joue avec son ami Axel Nadeau. Venant tous deux du cabaret, ils se penchent avec émotion sur le problème du genre et des femmes dans les chansons pop des dernières décennies. Moins violent que le titre, mais satirique et incisif, le spectacle s’adresse à tous les publics et essaye de briser des tabous rétrogrades.
Par Bernard Cassat
Anouck Hilbey et Axel Nadeau. Photo Judith Florent-Lapara
« Durant mes années d’activité au sein du cabaret queer/LGBTIA+ Madame Arthur ou j’interprétais Clochette, une créature transformiste spécialisée dans la pédagogie concernant le consentement et l’éducation sexuelle, je mêlais stand-up et reprises de chansons populaires en français. Ces années ont correspondu avec la reprise d’études universitaires sur la décolonisation du corps et des voix des femmes, la prise de parole publique sur mon vécu de survivante de l’inceste et une formation de thérapeute pour accompagner les victimes de violences. »
C’est ainsi qu’Anouck Hilbey résume le parcours qui l’a menée aujourd’hui à monter ce spectacle avec son ami Axel Nadeau, lui aussi très proche du milieu du cabaret. Elle ajoute aussi : « J’ai beaucoup cherché dans le répertoire pop des trente dernières années des chansons qui ne soient ni misogynes, ni racistes, ni dans une culture de l’amour sado-masochiste romantisé, ou tout simplement dans la prolongation de clichés genrés, sexistes ou de mépris de classe. J’ai peiné à trouver des textes qui échappaient à cette culture et ouvraient l’imaginaire sur des formes de relations basées sur le respect et la confiance. »
Un titre dicté par Gainsbourg
Mais elle en a trouvé ! Notamment celle qui donne son titre à son spectacle, chanson volontairement provocante de Gainsbourg, qu’elle développe aussi volontairement pour approfondir cette notion, ce mot, cette abréviation de mépris, de rejet, cette insulte qui rabaisse. Comme son auteur savait le faire, cette chanson est évidemment une satire féroce. D’autres chansons retenues par les deux artistes sont plus discrètes, comme le magnifique Feutre rouge, de Boogers, chantée par Quentin Biardeau au sein du groupe Chatain. Mais toutes leur permettent d’illustrer la problématique du genre que le cabaret apprécie particulièrement. Les paillettes, les costumes brillants et les boas sont propices aux imitations et au transformisme. Rien de cela dans le spectacle d’Anouck et Axel. Les costumes, sauf coup d’éclat, sont sobres, et la scénographie simple. Les deux artistes ont amené l’esprit du cabaret sur une scène de théâtre. L’effet n’est pas le même. Mais les transitions, les récits entre les chansons en prennent une place plus importante. Ils retracent des expériences vécues, celle des vestiaires par exemple. De garçons ou de filles, puisqu’ils sont séparés. Avec tous les clichés et les phantasmes car les corps s’y montrent, et donc permettent appréciation et comparaison. Pour arriver à d’autres clichés.
Changer les esprits
Les chansons qui structurent le spectacle, pas toujours de grands tubes populaires, parcourent une approche artistique de la question du genre. Et il est certain que l’art, qu’il soit cabaret, théâtre ou variété, est un élément important de l’évolution de la société par rapport à cette question. La raison seule n’arrive pas à faire vraiment bouger les lignes, alors que la sensibilité des artistes touche plus profondément. Mais c’est un travail de très longue haleine. Le spectacle d’Anouck et Axel en est une très importante contribution.
Les femmes ça fait PD ?
Anouck Hilbey – Axel Nadeau
Jeudi 8 décembre 20h30 − Salle Vitez
Tarifs de 5€ à 20€, 10€ avec “la Carte”
Durée 1h – Tout public à partir de 12 ans
Anouck Hilbey présentera son spectacle solo
Le Saint Game
le mardi 4 avril 2023, à 19h et le mercredi 5 avril à 20h30
Plus d’infos autrement sur Magcentre : « Exodes », une expo au théâtre d’Orléans