Dans la lignée des réalisateurs-trices qui racontent leur vie, Christophe Honoré se penche sur un traumatisme de sa jeunesse. Entre famille, chansons et sexe, l’ambiance du réalisateur se retrouve. Mais le propos est étiré, les effets insistants. Heureusement, les acteurs font tenir jusqu’au bout cette dérive adolescente finalement ennuyeuse malgré son tragique.
Par Bernard Cassat
Paul Kircher dans le rôle de l’ado, Lucas. Photo Jean Louis Fernandez
Dans Le lycéen, Christophe Honoré nous raconte un moment traumatisant de sa propre vie, celui de la mort de son père alors qu’il était adolescent. Il a casté un jeune comédien absolument magnifique, Paul Kircher, beau jeune homme et déjà vrai comédien. Ce personnage distancie le rôle du lycéen, qui reste pourtant, on le sent constamment, très proche du vécu de Christophe. D’ailleurs, pour insister sur la filiation, il s’est attribué le rôle du père qui meurt.
On se souvient de ses films légers, des chansons utilisées avec humour, de l’importance de la fraternité et de la famille. Tout est encore là. En plus tragique, vu le prétexte du film. Moment clef de sa vie, bien sûr. Survenue à un âge où rien encore n’est vraiment établi. Pourtant Lucas, le personnage du film, est un ado homosexuel pratiquant (plusieurs scènes très osées en témoignent) totalement décomplexé par rapport à cette question.
Paris, la solitude et les tentations
Avec son frère artiste, parisien descendu en Savoie pour l’enterrement, la relation est profonde, aimante autant que rude. Quentin (Vincent Lacoste) est déjà dans le monde adulte. Sentant le désarroi de son frère, il lui propose de passer une semaine à Paris, chez lui. Lucas vit donc à la fois une tristesse viscérale et une sorte de liberté effrayante, qu’il va bien utiliser pour tenter de passer outre son traumatisme. Le film devient donc, comme on l’a dit partout, un récit d’apprentissage. Avec cette grande différence que Lucas se débrouille tout seul. Il n’a personne pour l’initier, et les jours passés seul à Paris ressemblent plus à une dérive qu’à un cheminement formateur. Dérive qui va loin, qui va même trop loin, et qui lui fait vivre des choses inassumables. Quentin s’en rend compte et le renvoie en Savoie. Fin de l’apprentissage mais pas de la dérive ni du film. Une autre période l’aidera à retrouver une réelle direction.
Les deux frères et le colocataire. Photo Jean Louis Fernandez
Des tics et des longueurs
Christophe Honoré sait faire du cinéma. Ses images sont belles, l’ossature du scénario tient, et il sait toujours faire vivre sa légèreté élégante dans son récit. Mais ses tics, ses clins d’oeil sont très agaçants. Les scènes où les personnages, surtout Lucas en l’occurrence, mais sa mère aussi (Juliette Binoche), se confient à la caméra comme s’ils s’enregistraient, ce que l’on faisait dans les années 70, paraissent totalement artificielles. Le ton assez nouvelle vague qu’il emploie par ailleurs, la longueur de certaines séquences fatiguent vite. L’interminable repas d’enterrement, par exemple, qui en plus n’a pas d’incidence sur les personnages de l’histoire. Ou plus tard, de longs moments où Lucas est seul. Il faut que transparaisse son désarroi. Paul Kircher trouve le ton, mais Christophe Honoré insiste. Et puis tous ces trucs de cinéma qui ne mènent nulle part, la douche qui devient rouge pour s’éteindre ensuite (douleur de l’absence?), la chanson en karaoké, la voix off pendant la séquence en maison de repos. C’est beaucoup pour finir par être trop.
Sauvé par les acteurs
Comme les autres films d’Honoré, celui-ci est aussi un film d’acteurs. Ils sont tous, heureusement, irréprochables. Le jeune Paul est tout à fait dans le rôle, Vincent Lacoste efficace en grand frère et Juliette Binoche une mère brisée admirable dans sa simplicité, sa banalité. Ils font passer les séquences trop longues, les effets trop marqués. Il n’en reste pas moins que ce film peu dense pour sa durée raconte Lucas, cet ado miroir du réalisateur, mais se perd dans la douleur qu’il était censé raconter.