« La vidéo et la 3D peuvent être des outils précieux pour la création de supports numériques d’information afin de lutter contre les mutilations sexuelles comme l’excision ». C’est ainsi que le GAMS, Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles a sollicité il y a 6 ans l’agence de communication orléanaise Néologis.
Propos recueillis par Sophie Deschamps
Sophie Morin, directrice Neologis, créatrice vidéos pour le GAMS. Photo Sophie Deschamps.
On peut être une agence de communication et s’intéresser à des problématiques sociales et sociétales comme l’excision. C’est ainsi que l’agence orléanaise Néologis a été contactée en 2016 par la fédération nationale du Groupe pour l’abolition des mutilations sexuelles, le GAMS pour la réalisation d’une vidéo sur l’excision. Sophie Morin, directrice de Néologis raconte :
« Nous avons été contacté.e.s par le GAMS dont la directrice est la sociologue Isabelle Gillette-Faye. L’équipe du GAMS a vu sur notre site internet que nous faisions de la vidéo dessinée avec la main et de l’animation vidéo. Ils ont vu également que nous avions aussi quelques références sur les questions d’égalité femmes-hommes. Nous nous sommes rencontré.e.s et ça a bien matché entre nous ».
Capture d’écran du clip excision Néologis pour le Gars, 2016
« Il y a donc eu une première vidéo très courte, un petit clip de 40 secondes basé sur du storytelling et destiné aux réseaux sociaux pour sensibiliser le grand public à l’excision tout en faisant un appel aux dons. On s’appuie sur une histoire, sur des choses très incarnées et même si c’est un format très court, ça captive, on y croit, on est en empathie avec cette personne Khali, victime d’excision. Nathalie Benlarbi directrice de création de Néologis, s’est occupée de la création et des concepts. Cette vidéo a bien fonctionné sur les réseaux ».
Deux millions de vues pour la seconde vidéo sur l’excision
Ensuite, le GAMS a été mandaté par Marlène Schiappa, ministre à l’égalité Femmes-Hommes : « Elle a alors financé des vidéos avec une communication très ambitieuse pour expliquer ce qu’est l’excision, ce qui arrive véritablement dans le corps. Car beaucoup de femmes excisées ne savaient pas ce qui leur était arrivé. Donc, c’est particulièrement traumatisant de savoir qu’il t’est arrivé un truc horrible mais tu ne mets pas de mots, pas d’images, tu ne sais pas trop de quoi ton corps est fait.
Donc, Marlène Schiappa sentait que c’était particulièrement utile qu’il y ait une compréhension pour ces femmes d’apprivoiser de ce qui leur était arrivé. Il fallait donc aller dans le détail de ce qu’est précisément une excision, qu’est-ce qu’on mutile, quelle partie, comment, sans tomber évidemment dans le gore.
On a donc réalisé une seconde “vidéo esthétique” qui peut se regarder justement sans horreur. Une vidéo qui a eu un succès énorme avec deux millions de vue. Peut-être parce que l’on avait choisi la démarche assez originale de faire parler un clitoris ! Elle a été regardée partout, notamment en Afrique. Ça a suscité beaucoup de réactions, beaucoup de “J’aime“, mais aussi pas mal de “Je n’aime pas“. Et des commentaires parfois étonnants tels que : « Non mais je rêve, c’est bien un clitoris qui parle ! » Ce sont surtout des hommes qui critiquent ou alors des charlatans qui cherchent à récupérer le truc de façon commerciale en promettant de réparer les femmes ou de leur faire retrouver du plaisir.
Mais pour nous c’est super gratifiant. Les échanges montrent que la vidéo a vraiment une utilité puisqu’elle permet au GAMS d’agir concrètement derrière.
Il était important aussi de pouvoir faire passer le message que, bien que cela soit traumatisant, cela ne signifie pas pour autant la fin de la vie sexuelle car une excision ne tue pas forcément tout le plaisir ».
Quatre autres vidéos sur des thèmes précis
Satisfait, le GAMS commande à Néologis en 2020 quatre autres vidéos, à nouveau financées par le ministère sur d’autres thématiques : « Mon amie est en danger, que dois-je faire ? Donc, ça c’est pour prévenir les filles qui sont ramenées au pays pendant les vacances et qui ne comprennent pas pourquoi il va y avoir une grande fête pour elles, et en fait elles vont être excisées.
Ensuite, une autre intitulée le droit interdit les mutilations sexuelles. C’est important parce que la personne doit se sentir légitime à la fois de ses droits en tant que victime, mais comme pour le viol sans s’enfermer pour autant dans ce statut.
Puis : Qui peut me protéger des mutilations sexuelles féminines ? Donc, vers qui se tourner ? Quels sont les numéros d’urgence ? À qui en parler ? Aux médecins, aux assistantes sociales, psychologues…
Et enfin, une vidéo sur la réparation après excision. C’est important de savoir qu’il existe maintenant une chirurgie réparatrice possible remboursée à 100 % par la sécurité sociale. Mais tout dépend de ce qui est arrivé, chaque cas est différent. Mais c’est tout de même donner un espoir alors même que certaines femmes pensent que c’est fini et que la ou les mutilations subies sont totalement irréversibles ».
Des vidéos adaptées aux jeunes sur Tik Tok
Néologis a été consultée à nouveau en 2021 pour adapter ces vidéos et en créer au format Tik Tok, afin de toucher les 13-25 ans sur des sujets connexes comme le mariage forcé, les crimes d’honneur mais aussi l’hymen.
Cette dernière déconstruit trois idées fausses sur l’hymen : l’hymen n’est pas forcément intact ou même présent avant le premier rapport sexuel. La loi interdit les tests de virginité et enfin, la reconstruction de l’hymen appelée hyménoplastie est une imposture.
Par ailleurs, comme tient à le préciser Sophie Morin, « le GAMS est très attentionné vis-à-vis du respect des cultures. Ils sont vraiment factuels sur ce que peuvent induire les violences. Les messages sont clairement féministes mais ils sont énoncés de façon à être acceptés au mieux, sans en rajouter ».
Enfin des projets sont en cours avec notamment une commande du GAMS de vidéos en relief : « Ils nous demandent 3 vidéos 3D : une première sur l’anatomie génitale pour bien voir les organes concernés et les trois fonctions qu’ils occupent : sexuelle, urinaire et reproductrice. Une deuxième qui va reprendre très précisément ce qui se passe lors des mutilations sexuelles et enfin une troisième sur la réparation ».
Des vidéos 3D qui seront visibles dès janvier 2023.
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