Quoi de neuf côté expositions à Paris ? Notre choix pour cette fin d’année

Quand il est encore possible de trouver un train le week-end, les amateurs d’art pourront se laisser tenter avec les nombreuses expositions parisiennes qui offrent un vaste choix de thématiques artistiques.

Par Bénédicte de Valicourt

L’encre en mouvement. Une histoire de la peinture chinoise au XXe siècle

L’encre est l’invitée d’honneur du musée Cernuschi à Paris. C’est elle qui sert de fil conducteur à cette très belle exposition qui retrace l’histoire de la peinture chinoise du XXe siècle. Pour l’occasion, le musée a sorti de ses réserves 70 chefs d’œuvre de sa riche collection, l’une des plus importantes en Europe,

Wu Guanzhong (1919-2010) – Forêt de bambous et champs irrigués, 1992 © Paris Musées-Musée Cernuschi

L’évènement est unique et à ne pas manquer car en raison de leur très grande fragilité, ces trésors d’encre et de papier, dont beaucoup sont très beaux, sont peu exposées. Des paysages plus ou moins classiques mais revisités à la mode ancienne, aux encres expérimentales des années 90, on suit les profondes mutations de la Chine du XXe siècle. Au passage, on plonge dans l’encre des rêves de Zao Wou-Ki ou on se laisse bercer par les vagues ondoyantes de Ma Desheng. Les traits se réinventent au gré des voyages des artistes au Japon ou au fin fond de l’ouest du pays, où ils sont chassés par la guerre, découvrant ainsi leur propre pays. Certains, se mettent aussi à des techniques apprises en Europe.

Zhang Daqian (1899-1983) – Lotus sous le vent (détail), daté 1955 © The Estate of Zhang Daqian

Durant la révolution (50/60), période pas très favorable à l’expression à l’encre, le répertoire évolue. Les artistes puisent leurs sujets dans la légende héroïque. Tandis que ceux, partis à l’étranger, prennent le chemin de l’abstraction ou de l’expérimentation. Comme ces encres de Chuang Che qui utilise l’encre et l’huile sur un même support ou de Zao Wou-Ki qui se remet finalement à l’encre tout en étant influencé par l’huile. Tandis que Xu Guanzhong, formé à l’académie des Beaux-Arts de Hangzhou dans les années 80, défend la peinture abstraite et la peinture formelle. Le parcours est aussi ponctué d’archives visuelles émouvantes comme cet extrait de film de 5 minutes réalisé dans les années 60 par Michael Sullivan sur Zhang Daqian (1899-1983), l’une des figures majeures de la peinture du XXe siècle. On y voit l’artiste, au savoir accumulé depuis des décennies, réaliser d’un trait de plume et en quelques minutes un paysage. Décidément très impressionnant.

Musée Cernuschi,7 avenue Vélasquez 75008 Paris, jusqu’au 19 février 2023. www.cernuschi.paris.fr

« Années 80. Mode, design et graphisme en France »

Starck, Szekely, Garouste et Bonetti, Jean-Paul Gaultier… Les stars du design, de la mode et du graphisme des années 80, sont au musée des Arts décoratifs à Paris. Et ça en jette, avec plus de 700 œuvres -mobilier, silhouettes de mode, photographies, clips, pochettes de disques, fanzines…

Musée des Arts déco Paris

C’est gai, iconoclaste, coloré. A l’image de cette décennie de fête, indissociable de l’arrivée de la gauche au pouvoir où « rien n’était impossible » comme dit Jack Lang. Une époque d’insouciance et de frénésie visuelle, entre la fin des utopies collectives des années 70 et le début de la mondialisation des années 90. C’est la période de toutes les audaces, des radios libres, de la culture rayonnante aux budgets doublés et des grands travaux architecturaux. Ainsi, en janvier 1982, François Mitterrand affirme que deux tiers des achats du Mobilier national seront consacrés aux meubles contemporains, plutôt qu’aux meubles de style. C’est aussi à cette époque-là que Jean-Paul Gaultier ose la robe « seins obus ». Ou que les premières affiches prônant l’usage du préservatif en prévention du sida, s’affichent sur les murs des villes françaises. Dans le design comme dans la mode où les silhouettes se libèrent, c’est la montée en puissance de brillantes individualités, loin des écoles ou des courants.

Bureau de Jack Lang au ministère de la culture par Andrée Putman (1985), ADAGP 2022. Les Arts décoratifs.

Un design moderniste aux accents high-tech côtoie des univers néo-baroques ou primitifs qui exaltent les savoir-faire. Pourtant en France, les designers ont du mal à se faire éditer en série car les industriels, mal remis du dernier choc pétrolier, boudent les jeunes talents. Du coup, les architectes d’intérieur comme Marc Held, Ronald Cecil Sportes, Philippe Starck, Annie Tribel et Jean-Michel Wilmotte se rabattent sur les commandes d’Etat et aménagent les appartements privés de l’Elysée. Plus tard, Andrée Putman et Isabelle Hebey prennent le relais et signent les bureaux du ministère des finances à Bercy.

Les designers, se font également éditer par la Valorisation de l’innovation dans l’ameublement (VIA), une association initiée en 1979 par le ministère de l’industrie. Elle leur donne « carte blanche » ce qui leur permet de passer du dessin au prototype. Des galeries consacrées à de jeunes designers s’ouvrent également un peu partout et éditent en petite série leurs protégés. Des couleurs flamboyantes de Christian Lacroix aux objets épurés et industriels de Philippe Starck, en passant par la drôle de chaise Barbare de Garouste et Bonetti (1981) en fer battu à la main et peau de bête, à l’époque tout est possible. Dommage que tout cela nous paraisse si loin aujourd’hui…

Musée des arts décoratifs, jusqu’au 16 avril 2023. www.madparis.fr

« Les Choses, une histoire de la nature morte »

Les objets inanimés ont-ils une âme ? C’est la question que pose le Louvre avec cette exposition très originale qui donne à réfléchir. Et ce n’est pas la moindre de ses qualités. Il y a là plus de 170 pièces, agencées en séries et par thèmes : natures mortes anciennes, films et œuvres modernes et contemporaines. On pénètre ainsi de plein pied dans la tristesse et la solitude humaine, avec cette étonnante juxtaposition mêlant époques et styles : une vaisselle grise et blanche, peinte par Morandi en1944 est accrochée à côté d’une photographie de chaussures abandonnées dans les sables, prise en 1992 lors de la guerre en Irak par Sophie Ristelhueber et d’un extrait du film Dieu sait quoi (réalisé en 1994), de Jean-Daniel Pollet.

Sébastien Bonnecroy, Vanité, Nature morte. Strasbourg, Musée des Beaux-Arts © Musées de Strasbourg, Photo M. Bertola

C’est inattendu. Comme l’évocation de l’inexorable passage du temps dans lequel nous plonge deux œuvres de Boltanski Les Habits de François C. (1972) et une Vitrine de référence (1970) posées à côté de La Madeleine à la veilleuse (vers 1640-1645), de La Tour. Autres thèmes abordées par la commissaire, l’historienne de l’art Laurence Bertrand Dorléac qui a su avec brio user de judicieuses confrontations souvent inattendues entre les œuvres: la mort animale, l’argent, le goût de la thésaurisation, la surconsommation ou la mort humaine, vue ici assez classiquement à travers les vanités du XVIIe siècle qui côtoient des œuvres de Gerhard Richter. Un dialogue entre « ce qui est et ce qui n’est plus, entre le vivant et le non vivant », explique celle qui est aussi l’auteur d’un essai lumineux sur la nature morte (« Pour en finir avec la nature morte »). Nous sommes là pour regarder ces chefs d’œuvre autrement , sans nous arrêter à leur simple aspect esthétique. Au passage, on comprend mieux les mœurs, les désirs et les obsessions de ceux qui les ont réalisé. Mais aussi, ce qui rythme leur époque.

De l’apologie de la prospérité vantée par les natures mortes des Pays-Bas du XVIIe siècle, à l’angoisse de la mort ou de la mécanisation du monde, au XXe siècle, en Europe.

« Les Choses : une histoire de la nature morte ». Au Louvre, Paris 1er. Jusqu’au 23 janvier. www.louvre.fr

Et aussi…

-Oskar Kokoschka- Un fauve à Vienne »

C’est la première rétrospective complète sur Oskar Kokoschka, l’enfant terrible de Vienne (1886-1980. Peintre écrivain, dramaturge et poète, il fut un artiste très engagé et volontiers provocateur, cherchant toujours à peindre les états d’âmes de son temps et à rechercher de nouvelles formes d’expressions picturales. Ce qui lui valut d’être qualifié d’artiste « dégénéré » par les nazis. C’est fort et étonnant. Comme sa croyance dans la puissance subversive de la peinture, vecteur d’émancipation et d’éducation, qui demeura inébranlable jusqu’à sa mort.

Autoportrait Oskar Kokoschka

Au musée d’Art moderne de Paris jusqu’au 12 février.

www.mam.paris.fr

« L’Irlande de Martin Parr »

De 1979 à 2019, le célèbre photographe anglais s’est fait le chroniqueur de l’Irlande en pleine mutation. Le tout est gai, étrange et toujours décalé. Bien à l’image de cet espiègle photographe.

Martin Parr. IRELAND. Dublin. 1986.

Jusqu’au 8 janvier 2023 au Centre culturel irlandais, www.centreculturelirlandais.com

« L’Asie maintenant 2022 »

Bae Bien-U, l’un des grands artistes coréen de sa génération, investit les collections permanentes du musée Guimet, aux côtés de trois autres artistes contemporains. Il y a là Anne de Henning qui célèbre l’indépendance du Bangladesh, Wifredo Lam avec une série inédite de 20 céramiques, confession intime de son enfance passée dans la communauté chinoise de Cuba, qui entrent en dialogue avec une sélection de porcelaines de Chine du 2e étage du musée et Ram Rahman, qui nous transporte dans les rues bouillonnantes de New Delhi.

Bae Bien-U_AHBR1A-021V_2009_BAE BIEN-U © Galerie RX, Paris-NY & Axel Vervoordt Gallery, Anvers-HK

 

Musée national des arts asiatiques-Guimet. Jusqu’au 23 janvier 2023

www.guimet.fr

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