La lutte des femmes africaines contre l’horreur de l’excision

L’excision est aujourd’hui encore un énorme problème dans certains pays d’Afrique mais aussi ailleurs. Une violence inacceptable abordée en détail fin septembre 2022 à Orléans lors du colloque de Mix-Cité 45 sur les femmes et leur corps.

Par Sophie Deschamps 

Marie-Rose Abomo-Maurin , féministe, chercheuse universitaire a évoqué en détail les mutilations génitales féminines au colloque sur le corps des femmes. Photo Sophie Deschamps

Toute atteinte aux organes génitaux féminins dont la terrible excision est une barbarie d’un autre âge qui ne devrait plus exister. Pourtant c’est plusieurs millions de petites filles qui sont menacées encore aujourd’hui dans le monde. (voir encadré)

La juriste camerounaise Rachel-Claire Okani, vice-recteur à l’Université Africaine de Développement Coopératif devait venir parler à Orléans le 23 septembre 2022 de ces mutilations génitales féminines, les MGF, au cours du second colloque de Mix-Cité 45 sur les femmes et leur corps. Empêchée, c’est Marie-Rose Abomo-Maurin qui l’a remplacée au pied levé. Un sujet que cette chercheuse universitaire camerounaise, qui vit à Orléans depuis de longues années connaît bien, elle aussi. 

Quatre types de mutilations génitales

Dans son introduction Rachel-Claire Okani rappelle que « ces MGF étaient appelées à l’origine des circoncisions féminines en tant que répliques de la circoncision masculine alors que nous n’avons pas les mêmes organes ». Des mutilations qui selon l’OMS « ne présentent aucun avantage médical et n’ont que des effets préjudiciables sur les femmes ». 

Pour bien comprendre de quoi il s’agit, il faut savoir qu’il existe quatre types de mutilations sexuelles féminines, toutes étant horribles, douloureuses, handicapantes et surtout inutiles :

  • Type 1 : ablation partielle ou totale du gland clitoridien (petite partie externe et visible du clitoris et partie sensible des organes génitaux féminins) et/ou du prépuce/capuchon clitoridien (repli de peau qui entoure le clitoris).
  • Type 2 : ablation partielle ou totale du gland clitoridien et des petites lèvres (replis internes de la vulve), avec ou sans excision des grandes lèvres (replis cutanés externes de la vulve).
  • Type 3 : l’infibulation : rétrécissement de l’orifice vaginal par recouvrement, réalisé en sectionnant et en repositionnant les petites lèvres, ou les grandes lèvres, parfois par suture, avec ou sans ablation du prépuce/capuchon et gland clitoridien (type 1).
  • Type 4 : toutes les autres interventions néfastes au niveau des organes génitaux féminins à des fins non médicales, par exemple, piquer, percer, inciser, racler et cautériser les organes génitaux.

Des excisions pratiquées sans anesthésie 

Rachel-Claire Okani précise ensuite « qu’il s’agit de pratiques exercées sur les organes génitaux externes des jeunes filles ou des femmes qui s’en trouvent grièvement affectées ou en décèdent. Suivant les sociétés, ces mutilations sont exercées par des hommes exciseurs et surtout par des femmes souvent d’âge mûr mais n’ayant qu’une infime connaissance de l’anatomie humaine et étant très peu au courant des pratiques chirurgicales ».

Puis elle donne des détails insoutenables mais que l’on ne peut ignorer : « Les hommes ou les femmes opèrent à vif, sans anesthésie avec du matériel rudimentaire : couteau, lame de rasoir, voire avec un tesson de bouteille, non aseptisés. En guise de médicaments, des décoctions de plantes médicinales sont utilisées mais aussi des cendres ou des morceaux de tissu. La guérison est en principe effective au bout d’un mois… »

De leur côté, les exciseuses acquièrent ainsi une fonction sociale, oui vous avez bien lu, une fonction sociale puisque précise Rachel-Claire Okani, « elles sont les garantes de ces pratiques. Elles sont même parfois taxées de gourous car prétendument dotées d’un certain pouvoir occulte. Elles sont donc influentes et respectées, voire craintes
dans les communautés ». 

Les nombreux.ses débats et dénonciations de ces pratiques barbares et moyenâgeuses les font reculer dans le monde. Mais Rachel-Claire Okani souligne que « cette problématique se complexifie en raison notamment des progrès de la science médicale qui alimentent les déviances et attisent les revendications outre-Atlantique des LGBTQI+.

Un problème loin d’être résolu

Dans sa conclusion, Rachel-Claire Okani rappelle que « les MGF sont des pratiques décriées à cause de leurs conséquences néfastes et irréversibles et que la communauté internationale cherche aujourd’hui à éradiquer. Puis elle constate : des femmes africaines veulent rester les gardiennes du temple des traditions. Noble objectif certes, mais qui exige d’opérer un tri parmi les coutumes pour ne retenir que les bonnes. (…) D’où la nécessité et l’urgence d’épargner la gente féminine dans son ensemble, sans distinction d’âge. Enfin, il convient d’écarter définitivement l’argument d’un pouvoir occulte que conférerait cette lugubre pratique. De nos jours et dans le monde entier, plutôt qu’un prétendu pouvoir invisible autrement désigné pouvoir sous l’oreiller, les femmes revendiquent un pouvoir officiel visible, tant dans la sphère publique que privée et dans un monde de gouvernance transparent ».

Elle dénonce enfin l’hypocrisie actuelle : « L’État étant essentiellement masculin au niveau décisionnel dans la majorité des pays du monde, beaucoup d’états africains adoptent des législations à l’encontre des mutilations pour s’acquitter, écoutez-bien, vis-à-vis de l’opinion internationale et soigner leur image. Mais le statu quo reste de mise à l’intérieur des frontières nationales où le juge attend patiemment d’être saisi pendant que la loi du silence est de rigueur dans les communautés et les familles ».

Rachel-Claire Okina sera présente à Orléans ce 25 novembre. Elle participera à une conférence discussion avec l’autrice sénégalaise Halimata Fofana à l’auditorium du musée des Beaux-Arts d’Orléans dans le cadre de la journée du planning familial du Loiret Briser le tabou des mutilations génitales féminines.

Selon l’UNICEF, au moins 200 millions de filles et de femmes ont été victimes de mutilations sexuelles et 30 millions de filles risquent de l’être au cours des dix prochaines années.

Bien que la majorité d’entre elles vivent dans 30 pays d’Afrique et du Moyen-Orient, on estime que 5% de ces femmes mutilées vivent en Europe, dont environ 53 000 femmes résidant en France d’après les estimations. 

La Côte d’Ivoire est l’un des pays d’Afrique les plus touchés par la pratique de l’excision et on estime à 36% le nombre de femmes excisées dans le pays.

La France est pionnière dans la prise en charge des femmes excisées. Elle a été le premier pays à rembourser les frais chirurgicaux de réparation. Le gouvernement en a fait une question de santé publique depuis 2005.


Selon une étude de l’UNFPA réalisée avant la pandémie de COVID-19, le coût de la prévention des mutilations génitales féminines est aujourd’hui de 95 dollars américains par fille.

Enfin depuis 2012, l’ONU a décrété que le 6 février de chaque année serait consacré à la Journée Internationale de tolérance zéro à l’égard des mutilations génitales féminines. L’objectif (ambitieux) est de les éradiquer d’ici 2030.

Affiche UNICEF contre les mutilations génitales féminines. Photo Unicef

Commentaires

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  1. Pourquoi citer la seule Côte d’Ivoire avec un taux d’excision, certes élevé, mais nettement en dessous de l’Egypte où plus de 80% des femmes sont encore excisées en 2022? Cette pratique qui n’a rien à voir avec l’islam remonte aux temps pharaoniques et a essaimé dans une bonne partie de l’Afrique. Mais ce n’est pas le seule mutilation : il y a parfois l’ablation des petites lèvres, et enfin le
    cycle atroce de l’infibulation (suture des grandes lèvres) , désinfibulation avant coït et réinfibulation pendant la grossesse. L’horreur est absolue. Le financement des programmes de lutte contre ces atrocités a montré ses limites faute de volonté sérieuse d’éradication de la part des gouvernements concernés. Plus de 20 pays africains ont condamné l’excision et prévoient des peines de prison et des amendes pour les auteurs de mutilations sexuelles. Mais quels sont les résultats?

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