Conseil régional : quand on ne s’écoute pas, on s’entend mieux

Par Pierre Belsoeur

On ne louera jamais assez l’apport des écrans, des téléphones portables ou des tablettes, à l’apaisement de la vie politique. Prenez, au hasard, une séance plénière du Conseil régional Centre-Val de Loire décentralisée à Chateauroux cette semaine passée. Installés dans un hémicycle leur rappelant leurs années universitaires, souvenirs plus ou moins récents, les conseillers ne bronchent pas lorsque leurs collègues, amis ou adversaires, prennent la parole en flirtant avec le temps imparti, à l’invitation du président Bonneau. Un bel exemple de démocratie apaisée auquel on pourrait inviter les jeunes – qui furent au centre des débats de cette session castelroussine – à venir applaudir. Belle leçon de vivre ensemble. Ces jeunes seraient toutefois à peine surpris du comportement des conseillers. Du balcon de l’amphithéâtre de la Cité du Numérique on suivait très bien les activités, numériques justement, des conseillers, dont, tablette, téléphone et ordinateur retenaient l’essentiel de l’attention. Difficile dans ces conditions de brocarder les propos que l’on écoute d’une oreille distraite dans le meilleur des cas.

Il faut reconnaître, à la décharge des élèves placés sous l’autorité souriante du professeur Bonneau, que les arguments, précisions, contestations ou mises au point venant des différents bancs de l’assemblée sont souvent répétitifs. Au point même, si l’on a raté le nom affiché sur l’écran, qu’on a du mal à percevoir de quel bord se situe l’orateur.
Vrai également que tous les conseillers n’ont pas la même aisance lors de la prise de parole. Beaucoup s’accrochent à la lecture du texte qu’ils ont peaufiné alors qu’ils pourraient l’écourter puisqu’ils disent la même chose qu’un orateur précédent… qu’ils n’ont pas entendue. Les prises de parole des parlementaires, habitués à cette expression orale, donnent effectivement davantage de vie aux débats. Mais en fait, ils délimitent les cadres et laissent leurs collègues entrer dans les détails puisque la règle veut que chaque groupe puisse fractionner son temps de parole sur chaque dossier.

Pendant deux jours, on a beaucoup parlé des jeunes, de la ruralité (était-ce le fait que l’on avait l’univers citadin des vraies métropoles ?) et du réchauffement climatique. Et sur ce dernier point la différence d’appréciation entre droite et gauche se réduit à l’épaisseur de la feuille de papier à cigarette. Gouverner c’est prévoir. Dans l’espace temps le réchauffement climatique n’a pas la même échelle que le temps politique. Faute de ne pas s’être emparé du problème lorsque les premières alertes ont été lancées voici une trentaine d’années, le monde politique (qui est l’émanation de la société) se retrouve dos au mur prêt à prendre des décisions courageuses dictées non par de grands discours, mais par des faits. Réjouissons-nous que nos élus régionaux soient capables de s’unir sur l’essentiel.

Au fait vous savez à quoi on reconnaît le président Bonneau dans l’hémicycle ? C’est le seul qui ne consulte pas son téléphone.

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